Jusqu’au ciel
Le 14 juillet prochain, 86 galets aux noms des victimes de l’attentat de Nice seront déposés dans l’Himalaya à 6 153 m d’altitude. Un hommage au sommet porté, par dix-huit marcheurs solidaires
Un groupe d’Azuréens va gravir le toit du monde pour déposer à 6 153 mètres d’altitude 86 galets aux noms des victimes du 14-Juillet.
Iimpossible, ls ne savaient pas que c’était
alors ils l’ont fait! » Sourire aux lèvres, Steeve Demana répète en boucle la citation culte de Mark Twain. « Ça va nous motiver », justifie ce Niçois, directeur adjoint du territoire Rives du Paillon. De la motivation, il en faudra une bonne dose aux dix-huit marcheurs qui vont partir à l’assaut du toit du monde. Pour une noble cause. Objectif: le sommet du Stok Kangri, dans l’Himalaya, qui culmine à 6 153 m d’altitude au nord de l’Inde. C’est là que seront déposés, le 14 juillet prochain, 86 galets bleublanc-rouge. 86 galets peints par les enfants de l’école Saint-Exupéry de L’Escarène, portant chacun le nom d’une victime de l’attentat de Nice. Plus qu’un challenge sportif, un devoir de mémoire, pour le premier anniversaire de la tragédie.
«Un gros défi»
Parce que le 14-Juillet reste «une cicatrice à vie», Muriel, l’aînée du groupe, va relever le défi. En mémoire de sa belle-fille Myriam Bellazouz, fauchée en pleine jeunesse. Mais aussi pour les proches de Cindy Pellegrini, Anne Murris ou Émilie Petitjean. Et pour tous ceux qui ont perdu un enfant, un parent, un ami, en ce jour qui se voulait une fête nationale. « C’est un gros défi pour tout le monde. Et particulièrement pour moi, admet Muriel. Mais ça me tient à coeur. Pour essayer de rendre honneur aux personnes décédées. Pour se rapprocher du ciel. Des anges. De nos anges…» Muriel représentera précisément l’association Promenade des Anges-14 Juillet 2016, qui porte ce projet Himalaya, impulsé par l’ambulancier niçois Noël Smara. Le 14 juillet, ce grimpeur aguerri se réjouissait d’avoir conquis le Stok Kangri. Une joie vite éclipsée par le choc de l’atroce nouvelle, une fois rentré en ville. «Quand on a découvert le massacre, tout le monde était choqué, dégoûté. Je me suis dit qu’il faudrait faire quelque chose en mémoire des victimes.» Anne Murris, la trésorière de Promenade des Anges, a perdu sa fille Camille dans l’attentat. Le projet Himalaya l’a enthousiasmée. Alors, grâce à l’association Exploits sans frontière de Noël Smara, l’ascension aura cet été un goût particulier. Le goût du dépassement de soi. Le goût de la vie. Et, plus que jamais, le goût des autres.
Tous soudés
Du 28 juin au 27 juillet, un groupe solidaire mènera cette marche de la résilience. Avec des participants de tous âges, de tous horizons. Médecins-urgentistes, infirmières, étudiants, pompier volontaire, chef d’entreprise ou directeur d’association… Tous se sont retrouvés autour de ce projet gonflé d’optimisme et d’humanité. «Notre groupe est assez hétéroclite, observe Didier, ambulancier cagnois de 58 ans. Ily a des gens qui n’ont jamais vu la montagne! Mais il y a une grosse motivation. À travers notre cohésion de groupe, on veut apporter notre petite pierre à l’édifice de la reconstruction.» Ils viennent de Nice, Levens, Villeneuve-Loubet, Vence, et même Bourges ou Grenoble. Le cadet du groupe n’a pas 16 ans. «Tous n’atteindront pas le sommet, prévient Noël Smara. Il y aura énormément de moments difficiles. Mais on sera très forts. Et on pensera aux victimes. Ce sera très émouvant… » Avec, bien sûr, le 14 juillet en point d’orgue. « Ce sera triste, mais on va essayer d’en faire quelque chose de positif », positive Benoît Vanin, jardinier de 29 ans.
«Pied de nez»
Ce sera la deuxième ascension pour Alain. Pour Noémie, 30 ans, ce sera le baptême du feu - si l’on peut dire. Un nouveau plan blanc. Positif, celui-là. Après l’attentat, cette infirmière au CHU de Nice avait regagné le service réanimation. « On a tous été très touchés. Alors se dépasser pour ces gens que nous avons soignés, ou qui sont restés sur la promenade, c’est un très beau symbole, sourit la jeune femme. Faire un pied de nez à cette horreur qui s’est invitée dans notre quotidien, c’est un bon moyen de la transcender. Pour aller au-delà…» L’équipe a commencé à s’entraîner dans le haut pays. Moins pour «manger de la montagne» que pour «souder le groupe», précise Noël Smara. Souder par-delà les différences. Par-delà cette diversité que Faouzi Lachelak, Niçois de 41 ans, «se devait de représenter. Parce qu’elle a été attaquée le 14 juillet. Et pour montrer que Nice, c’est toutes les religions, toutes les cultures, toutes les couleurs.»