Nice-Matin (Cannes)

Scandale Aristophil: « On a détruit l’oeuvre d’une vie »

Sept personnes sont mises en examen après la liquidatio­n de la société Aristophil. Le Niçois Gérard Lhéritier, négociant en autographe­s et manuscrits précieux, se défend d’être un escroc

- RECUEILLI PAR CHRISTOPHE PERRIN cperrin@nicematin.fr

AA 69 ans, malgré le poids de plusieurs mises en examen, il apparaît le regard malicieux et le sourire enjôleur sur le perron de sa luxueuse villa dans un flamboyant costume bleu roi, flanqué de deux bergers belges. Sur les hauteurs, à l’ouest de Nice, le panorama est splendide. Un jardinier s’affaire autour de la piscine. Des poules caquettent dans le confortabl­e poulailler au fond de la propriété. Le fondateur d’Aristophil, société liquidée par la justice malgré un portefeuil­le de 18 000 clients, a étalé des documents sur la table de la salle à manger. Il souhaite plaider sa cause alors que l’instructio­n par la juge parisienne Charlotte Bilger touche à sa fin. Aristophil, via une société de courtage, proposait aux épargnants d’investir dans des manuscrits et autographe­s d’Einstein, Baudelaire, Napoléon…. Le préjudice oscillerai­t entre 700 millions et un milliard d’euros, selon les parties civiles qui dénoncent une escroqueri­e à la Madoff. Aristophil n’aurait été qu’une pyramide de Ponzi, autrement dit un montage financier frauduleux qui consistait à rémunérer les investisse­ments des clients essentiell­ement par les fonds procurés par les nouveaux entrants. Fils d’un plombier meusien, militaire au début de sa vie, Gérard Lhéritier était devenu ensuite conseiller en patrimoine puis philatélis­te de renom, romancier à ses heures. Déjà inquiété dans l’affaire dite des timbres monégasque­s, Gérard Lhéritier avait bénéficié d’une relaxe après seize ans de procédures. Il espère la même issue pour l’affaire Aristophil: « C’est difficile d’être taxé d’escroc alors qu’on est dans les manuscrits depuis vingtcinq ans. On a détruit l’oeuvre d’une vie. » Mis en examen pour escroqueri­e en bande organisée, pratique commercial­e trompeuse, présentati­on de comptes inexacts, abus de confiance, abus de biens sociaux… il espère la même issue judiciaire à cette nouvelle et retentissa­nte affaire.

Espérez-vous un non-lieu ? Redoutez-vous un renvoi en correction­nelle ?

Ni l’un ni l’autre. Je pense surtout à mes   clients qui sont dans l’angoisse.

Comment comptez-vous les rembourser?

J’espère que les manuscrits et les autographe­s qu’ils ont achetés leur seront rapidement restitués par la justice parce qu’ils n’ont pas rien acheté comme certains voudraient le faire croire.

Un notaire niçois a été mis en examen. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

C’était le quatrième notaire qui rédigeait les actes d’indivision. Pourquoi les trois autres n’ont-ils pas été inquiétés ? Tous ont fait leur travail dans les règles. Je ne trouve pas correct qu’on mette ce notaire en examen et je l’ai dit à la juge d’instructio­n.

Comment pouviez-vous promettre  % de rendement annuel sur des manuscrits ?

Mais je n’ai jamais rien promis. Vous savez, mes   clients n’étaient pas des analphabèt­es, loin de là. Ils savent lire les convention­s qu’ils signaient.

Les termes du contrat paraissent clairs pourtant. Il n’y a pas donc pas, selon

vous, d’escroqueri­e ?

Aucune escroqueri­e, aucune tromperie. Peutêtre des erreurs d’orientatio­n de la société. On avait pris contact avec l’AMF (l’Autorité des marchés financiers), on avait pris toutes les précaution­s. J’avais d’ailleurs été convoqué devant le tribunal en  et j’ai été relaxé devant la e chambre. Des fonds de pension s’intéressai­ent à nous, nous allions développer les ventes sur Internet et une société d’enchères. En , Aristophil a certes vu son chiffre d’affaires baisser et je l’ai renflouée avec mon argent, soit  millions d’euros.

Une plainte d’un client a pourtant tout déclenché en septembre .

Il n’y a eu aucune plainte de nos clients.

La justice dit que vous avez vendu plusieurs fois le même manuscrit.

C’est impossible. Je ne parlerai pas de complot parce que le mot est galvaudé mais les Archives nationales ont voulu nous faire fermer. Et elles ont réussi.

Sauf que la justice en Belgique, au Luxembourg, vous poursuit également.

Je vous montre le courrier que j’ai reçu du Luxembourg. Les poursuites ont été abandonnée­s moyennant   euros d’amende.

Quel était l’intérêt d’achats en indivision ?

Quand j’ai acheté par exemple le fonds Romain Gary qui était monstrueux, j’ai évité la dispersion en le vendant entre  et  co-indivisair­es.

Le passif est estimé à , milliard par certains avocats

C’est ridicule. Les clients ont investi  millions d’euros. Il faut attendre que les manuscrits soient vendus. Toutes les collection­s le seront mais cela se fera sur plusieurs années pour éviter que le marché s’effondre.

Le stock des   documents est estimé à  millions d’euros.

Les juges ne sont pas des experts.

De quoi vivez-vous aujourd’hui ?

Je suis obligé de vendre des objets auxquels je tiens (tableaux, livres…). La justice m’a saisi  millions or j’ai besoin de liquidités pour vivre. J’ai un profond sentiment d’injustice quand je vois ce que j’ai fait pour le patrimoine écrit.

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« Les Archives nationales ont voulu nous faire fermer. Et elles ont réussi. » (Photo Ch. Perrin)

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