Distancé dans les sondages Fillon joue son va-tout
Le candidat de la droite et du centre persiste et signe dans sa mise en cause de l’exécutif, qu’il accuse de l’avoir placé sur écoute
Jusqu’au bout, il n’aura pas dévié de sa ligne : tout miser sur la mobilisation du coeur de son électorat en se posant en victime – des médias, de la justice et, désormais, du pouvoir politique. Quitte à recourir à la théorie du complot, une méthode, jusqu’alors, plutôt l’apanage de l’extrême droite. Après avoir dénoncé jeudi soir l’existence d’un « cabinet noir » de l’Élysée, qui ferait fuiter dans la presse les affaires judiciaires engluant sa campagne depuis deux mois, François Fillon a, ce week-end, fait un pas de plus dans cette direction, en jugeant «probable» d’avoir été placé sur écoute par l’exécutif. «Plus on m’attaque, plus je suis en forme», a lancé, bravache, le candidat de la droite et du centre lors de la visite d’une exploitation agricole au Pays basque où, en plus d’un concert de casseroles d’opposants, il a aussi été accueilli avec des jets d’oeufs et de tomates. «Je les encourage à continuer», a même ajouté François Fillon lors de la table ronde avec les exploitants. L’ancien Premier ministre est persuadé que les Français sont «en colère» face à cet «acharnement» qui confine, à ses yeux, à la «confiscation démocratique». A la peine dans les sondages, empêtré dans les affaires judiciaires, François Fillon ne retient plus ses coups. Sans s’embarrasser d’éventuelles contradictions. « Il hurle contre Le Canard [enchaîné, Ndlr] sur ses affaires et là, il s’appuie sur un livre [Bienvenue Place Beauvau, Ndlr] écrit par trois journalistes, dont deux... du Canard , qui n’apporte aucune preuve. Cherchez l’erreur », tacle un député Les Républicains.
« On demandera qu’une enquête soit ouverte »
L’ancien Premier ministre n’en a cure, qui promet de continuer. «Nous sommes en train d’identifier toutes les infractions qui sont mentionnées dans le livre et, dans les jours qui viennent, nous rendrons publique la liste de ces infractions et on demandera qu’une enquête soit ouverte», a-t-il confié en petit comité. Cette stratégie risquée ne fait pourtant pas l’unanimité dans les rangs de la droite. Certains sont sur la même ligne : il y a «une probabilité extrêmement forte» que François Fillon ait été placé sur écoute, soutient par exemple le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti… qui admet toutefois n’avoir « personnellement» «pas d’éléments» pour étayer cette grave accusation. D’autres sont plus nuancés. François Hollande, grand manoeuvrier des affaires contre Fillon? «Je n’irai pas jusque-là», rectifie prudemment François Baroin. D’autres encore affichent – sous couvert d’anonymat, néanmoins – un franc désaccord. «C’est amusant de voir la droite parler de cabinet noir quand on connaît les pratiques sous Sarkozy», glisse un député Les Républicains. « Ce côté complotiste, ces attaques contre Hollande, ça va plaire à une partie de l’électorat de droite mais ce ne sont pas eux qu’il faut convaincre. Ceux-là voteraient Fillon même s’il était accusé de meurtre», abonde... un ancien ministre de François Fillon. Quant aux adversaires, ils sont encore plus sévères. « Je ne crois pas du tout qu’il y ait une manoeuvre orchestrée. Je pense simplement que François Fillon s’est mis dans une situation impossible, intenable, dont il aurait dû tirer les conclusions depuis longtemps», a estimé hier de son côté François Bayrou.