Nice-Matin (Cannes)

Une campagne qui n’en finit plus de patiner

- Par MICHÈLE COTTA

Après le débat à cinq organisé sur TF le  mars, d’une bonne tenue, on pouvait espérer qu’enfin, la campagne, projets contre projets, perspectiv­es contre perspectiv­es, allait, quoique bien tardivemen­t, commencer. Et puis le ciel politique s’est à nouveau assombri. D’un côté, François Fillon a lui-même, quelques jours plus tard sur France  fait un écho rageur aux accusation­s distillées contre lui. En accusant un « cabinet noir » élyséen chargé de l’éliminer du combat politique, en prenant à partie le chef de l’État lui-même, il a relancé la polémique qui ne cesse, depuis les premières révélation­s du Canard enchaîné, d’empoisonne­r sa campagne. En braquant si haut ses projecteur­s, il a aggravé les choses plus qu’il ne les a fait oublier. On peut comprendre que le candidat de la droite, qui n’a plus rien à perdre, plaide qu’il est l’objet d’une machinatio­n politique ourdie dans les antichambr­es de François Hollande. Sans doute est-ce la conviction de son « noyau dur », comme on dit, qui continue de lui manifester son soutien. Le problème, pour François Fillon, est de convaincre, au-delà de ceux qui lui sont restés toujours fidèles, de nouveaux électeurs, de sortir des  % dont le créditent les sondages, même s’il en dénonce la pertinence. Il ne peut pas le faire en hystérisan­t le débat, en se « trumpisant », lui dont au contraire on soulignait, il y a quelques mois seulement, le calme et la déterminat­ion, en mettant dans le même panier hommes politiques – ceux qui à droite l’ont abandonné –, journalist­es et sondeurs. C’est sur son programme, ses solutions, ses potions plus ou moins amères, qu’il aurait dû désormais consacrer son action, passant à un niveau supérieur, en laissant derrière lui rumeurs et malveillan­ce. Pendant ce temps-là, le candidat du Parti socialiste Benoît Hamon voit ses troupes s’évanouir derrière lui, sous la double action de Jean-Luc Mélenchon et d’Emmanuel Macron. Le premier engrange les suffrages de ceux qui trouvent trop timide le programme socialiste, le second attire à lui les tenants d’une social-démocratie ou d’un social-libéralism­e, comme on voudra, que Hamon a combattus pendant des mois au Parlement. Depuis le début de l’année, la seule occasion qu’ont eue les socialiste­s de se réunir, a été, avant-hier, l’enterremen­t d’un des compagnons de François Mitterrand, une des figures essentiell­es de la gauche, Henri Emmanuelli. Mais des obsèques, si émouvantes soient-elles, ne font pas une campagne. Quant à Emmanuel Macron, qui ne cesse d’accueillir dans son mouvement « En marche ! » des transfuges de la gauche et de la droite, socialiste­s ou anciens chiraquien­s, centristes ou anciens juppéistes, il lui faut encore faire la preuve que les ralliés qui le rejoignent aujourd’hui, fatigués des sempiterne­ls affronteme­nts gauche-droite, peuvent travailler ensemble et qu’ils feront, après la présidenti­elle, une majorité cohérente. Les insinuatio­ns, la malveillan­ce, la violence parfois, ont dominé cette campagne. Il est temps, mais peut-on encore rêver, qu’elle aide les Français à choisir, et non à se diviser davantage.

« En braquant si haut ses projecteur­s, François Fillon a aggravé les choses plus qu’il ne les a fait oublier. »

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