Une campagne qui n’en finit plus de patiner
Après le débat à cinq organisé sur TF le mars, d’une bonne tenue, on pouvait espérer qu’enfin, la campagne, projets contre projets, perspectives contre perspectives, allait, quoique bien tardivement, commencer. Et puis le ciel politique s’est à nouveau assombri. D’un côté, François Fillon a lui-même, quelques jours plus tard sur France fait un écho rageur aux accusations distillées contre lui. En accusant un « cabinet noir » élyséen chargé de l’éliminer du combat politique, en prenant à partie le chef de l’État lui-même, il a relancé la polémique qui ne cesse, depuis les premières révélations du Canard enchaîné, d’empoisonner sa campagne. En braquant si haut ses projecteurs, il a aggravé les choses plus qu’il ne les a fait oublier. On peut comprendre que le candidat de la droite, qui n’a plus rien à perdre, plaide qu’il est l’objet d’une machination politique ourdie dans les antichambres de François Hollande. Sans doute est-ce la conviction de son « noyau dur », comme on dit, qui continue de lui manifester son soutien. Le problème, pour François Fillon, est de convaincre, au-delà de ceux qui lui sont restés toujours fidèles, de nouveaux électeurs, de sortir des % dont le créditent les sondages, même s’il en dénonce la pertinence. Il ne peut pas le faire en hystérisant le débat, en se « trumpisant », lui dont au contraire on soulignait, il y a quelques mois seulement, le calme et la détermination, en mettant dans le même panier hommes politiques – ceux qui à droite l’ont abandonné –, journalistes et sondeurs. C’est sur son programme, ses solutions, ses potions plus ou moins amères, qu’il aurait dû désormais consacrer son action, passant à un niveau supérieur, en laissant derrière lui rumeurs et malveillance. Pendant ce temps-là, le candidat du Parti socialiste Benoît Hamon voit ses troupes s’évanouir derrière lui, sous la double action de Jean-Luc Mélenchon et d’Emmanuel Macron. Le premier engrange les suffrages de ceux qui trouvent trop timide le programme socialiste, le second attire à lui les tenants d’une social-démocratie ou d’un social-libéralisme, comme on voudra, que Hamon a combattus pendant des mois au Parlement. Depuis le début de l’année, la seule occasion qu’ont eue les socialistes de se réunir, a été, avant-hier, l’enterrement d’un des compagnons de François Mitterrand, une des figures essentielles de la gauche, Henri Emmanuelli. Mais des obsèques, si émouvantes soient-elles, ne font pas une campagne. Quant à Emmanuel Macron, qui ne cesse d’accueillir dans son mouvement « En marche ! » des transfuges de la gauche et de la droite, socialistes ou anciens chiraquiens, centristes ou anciens juppéistes, il lui faut encore faire la preuve que les ralliés qui le rejoignent aujourd’hui, fatigués des sempiternels affrontements gauche-droite, peuvent travailler ensemble et qu’ils feront, après la présidentielle, une majorité cohérente. Les insinuations, la malveillance, la violence parfois, ont dominé cette campagne. Il est temps, mais peut-on encore rêver, qu’elle aide les Français à choisir, et non à se diviser davantage.
« En braquant si haut ses projecteurs, François Fillon a aggravé les choses plus qu’il ne les a fait oublier. »