À La Vallière, on veut plus de travail et de sécurité
Faouzia Maali est éducatrice. Dans son quartier niçois, coincé entre la voie rapide Mathis et le quartier d’affaires de l’Arénas, elle entend souvent les habitants se plaindre des « politiques »
Aquelques semaines de l’élection présidentielle, nous plaçons les électeurs au coeur de la campagne. Chaque jour, un lecteur nous sert de guide dans son environnement (quartier, immeuble, association, club, entreprise, commerce) à la rencontre de ceux qui en sont acteurs. Ils commentent la campagne présidentielle, évoquent leurs convictions, leurs doutes, leurs attentes. Leurs coups de gueule aussi. Aujourd’hui, tour d’opinions à Nice, dans le quartier de La Vallière, coincé entre l’Arénas et la voie rapide. Rue Pégurier, Faouzia Maali ne marche pas cinq mètres sans s’arrêter. Cette fois, c’est pour faire la bise à Habiba, 60 ans. On vient de croiser la permanence aux couleurs de Benoît Hamon, alors Faouzia lui demande si elle a regardé la télévision la veille. « Non, pourquoi qu’est-ce qui s’est passé hier soir ? », demande Habiba, soudain inquiète. « Ils ont fait un débat à la télé, avec les candidats, enfin pas tous, d’ailleurs.» « Ah», fait Habiba en hochant la tête, qu’elle a ceint d’un voile noir. Elle ne le portait pas dix ans auparavant, «c’est un phénomène nouveau sur le quartier », remarque Faouzia. « Depuis qu’ils ont fait l’euro, je ne regarde plus la politique ! », lâche finalement Habiba. Faouzia lui demande si elle veut sortir de la monnaie unique « comme Marine Le Pen ». Elle hausse les épaules en acquiesçant. On lui demande si elle serait prête à voter pour la candidate du Front national à la présidentielle, elle répète «Ah oui» sans hésiter : « L’important, c’est les jeunes. Il ne faut pas qu’ils traînent dans les rues. Le chômage… Moi les miens sont grands maintenant, mais les autres… » Les autres, ils
‘‘ sont un peu plus bas, rue Jean-Vigo. Le nom de l’artère a été marqué au fer rouge du label «trafic et délinquance ». Mérité? Un commerçant répond sans détours attendre du prochain Président qu’il « sanctionne davantage la racaille ». Il dit qu’à certaines heures, les femmes hésitent à emprunter son trottoir et que ça fait du tort à son commerce. Il soupire : «Un jour, la police est venue et ça a été un grand film pour rien. » La veille, il était devant sa télévision, branché sur TF1 : « Je suis resté jusqu’à minuit et demi. Parce que j’ai un autre problème : le RSI. Nous, les petits commerçants, on est pris à la gorge. Je vais devoir déposer le bilan. » La paupérisation des Français, il la constate chaque jour: «Je fais des crédits à mes clients. Des femmes retraitées, qui me disent qu’elles n’ont plus d’argent à la fin du mois.» Un peu plus bas, ils sont assis autour d’une table, trois cafés et deux canettes d’Orangina. Faouzia Maali les salue et ils sont soudain silencieux. Elle dit qu’elle les a presque tous connus gamins, en soutien scolaire. « Nous, on a grandi, mais il n’y a rien ici », commencent-ils, en forme de justification à la «mauvaise réputation» du quartier. La politique ? «Les médias disent n’importe quoi», lance le premier. Un autre crie «Jean-Luc Mélenchon» et répète qu’il ne peut pas choisir de candidat « parce que les banques sont plus fortes qu’eux ». « Franchement, il a des bonnes idées, Macron, quand même, non?» «Le revenu universel d’Hamon, très bien... Mais avec quoi il va le payer ? » Ils ont voté en 2012, Hollande pour la plupart: « Avant, les gens croyaient en la gauche. » Aujourd’hui ? « On ne travaille que pour payer, payer, payer », lâche un autre, qui bosse en intérim. «Arriver à 30 ans et vivre encore chez ses parents, est-ce que c’est normal ? »
On ne travaille que pour payer ”