Les travers du contrôle classique
Céline Desmarais, vous êtes directrice du Mas Human System Engeneering expertes des organisations publiques. Quelle définition à la complexité ?
On peut la définir au travers de deux dimensions. Ce qui est complexe est d’abord ce qui n’est pas anticipable. C’est la turbulence de l’environnement. L’autre dimension est la diversité des systèmes. Manager dans la complexité, c’est faire face à des contradictions qu’on ne peut résoudre facilement.
Un exemple ?
Typiquement dans le management public, c’est répondre à des besoins incommensurables avec des moyens limités. L’ensemble du management s’inscrit dans des contradictions. On le voit comme un outil simplificateur. Parce qu’il est rationalisant. Il oublie la dimension humaine, l’affect, les volontés de pouvoir. Il y a une pensée matricielle du management. Pour mieux gérer son temps, on met d’un côté ce qui est important, de l’autre, ce qui est urgent et on sait comment agir.
Ça a ses limites ?
C’est une vision assez simpliste du monde. On oublie l’appétence des gens, écarte l’urgence venant d’ailleurs. À force d’outils de gestion, de reporting, de système d’évaluation. On va anticiper et ensuite plier la réalité pour qu’elle se conforme. C’est la pensée managériale fondamentale qui nie la complexité du monde. Avec des prismes comme « ça ne va pas marcher s’il n’y a pas de chefs, il faut pouvoir contrôler, savoir ce qui va se passer ». Dans les collectivités territoriales, il y a un grand mouvement de mise en place de système de reporting. L’angoisse de la non-maîtrise est palliée par une illusion de contrôle du système. Mais ça ne marche pas très bien. Ce n’est pas en mettant ces systèmes de reporting toujours plus complexes, en développant des objectifs toujours plus fins que ça marche et pourtant on assiste à une frénésie. Cette stratégie est un échec.
Par quelle agilité répondre ?
L’agilité est une nouvelle façon d’exprimer la flexibilité, souvent perçue dans une perspective adaptative, la flexibilité qui entraîne la précarité, une dégradation des conditions de travail. L’agilité, c’est adopter une attitude proactive et non défensive. Il n’y a pas que l’environnement qui dicte les conduites des organisations. Les organisations sont capables de produire des innovations de rupture qui modifient les conditions de l’environnement.