Nouvelles générations : Le Club de l’éco Plus de conflit de générations
Entre expérience et modernité, vers quoi tend l’entreprise aujourd’hui. L’arrivée des nouvelles générations bouscule les organisations. Jusqu’à quel point ?
De tout temps, Daniel Herrero n’a jamais aimé le poste de remplaçant. Pas dans sa culture. Mais lorsqu’il s’agit de prendre la place d’Yves Coppens, empêché au dernier moment, l’ancien rugbyman endosse le maillot avec coeur et sincérité. Il a tenu la conférence plénière de Var Up, le salon de l’entreprise, jeudi, à Toulon. Et il a accordé une rencontre VIP au Club de l’éco de Varmatin, sur le thème Expérience et modernité, générations et entreprise. De quoi nourrir la réflexion.
Le suivi des générations
Homme charismatique, au bandeau rouge vissé sur le crâne et au débit de parole dense, l’ancien troisième ligne centre et entraîneur de Toulon est à l’aise sur le terrain des gorilles. « J’ai eu un compagnonnage assez régulier avec ce type de personnages, s’échauffe-t-il, mais le suivi des générations, c’est le sujet d’Yves Coppens. Il a étudié les gorilles, trouvé la petite Lucie estimée à 3,2 millions d’années. Il est le spécialiste français de l’évolution de l’homme. Actuellement, il s’exprime surtout sur l’Expérience et la modernité. L’expérience étant ce trait d’aventure humaine au travers des âges, et la modernité ce qui se passe aujourd’hui et demain. » Sommes-nous à l’aune d’une nouvelle civilisation ? Daniel Herrero ne le pense pas plus qu’Yves Coppens. « Quand, comme lui, vous avez étudié l’homme sur trois millions d’années, savez depuis la découverte de Toumaï qu’il remonte à sept millions d’années, et qu’aujourd’hui, on vous dit que ça change tous les quinze jours, je comprends que ça fatigue un peu. Adolescente pubère, flamboyante de 15 ans, native des nouvelles technologies, la génération Z est titulaire d’une certaine façon de voir le monde. Sauf qu’à mon sens, il ne s’agit que d’artifices de communication et de gestion du monde de sociologues régressifs, partant du principe que l’évolution technologique a un impact majeur sur l’homme. On ne peut considérer qu’il y a une évolution radicale du ciboulot de l’homme. Celui qui penserait qu’il y a une civilisation nouvelle qui, à travers les Poucettes, terme cher à Michel Serres pour évoquer ceux qui utilisent constamment leurs pouces comme média, croit avoir entre trois et sept millions d’amis sur la planète, est sur une route erronée en matière humaine. »
La communication humaine
Pourquoi ? «Parce que dès que les humains fonctionnent ensemble, c’est autour de leur grégarité. C’est dans le lien de proximité que se fait l’essentiel de leur communication. Si je suis amené à faire un bout de chemin avec toi, ce n’est pas ton expertise technologique qui fait l’essentiel de l’aventure, estime Daniel Herrero. La dynamique de la communication remonte à des millions d’années et la technique ne peut la changer radicalement. » Quelle est-elle ? « Les jeunesses sont différentes, mais dans la communication humaine, les choses changent lorsque les uns sont avec, à côté ou en face des autres. Il faut regarder l’addition des hommes. 1+1 = 2, les tempéraments s’additionnent. Si 1+1 = 3, je propose qu’on aille tout de suite jouer contre les All Blacks. Quelle est cette espèce transcendante? Quel mécanisme est en jeu pour que l’homme aille au-delà du seul homme quand il est avec d’autres ? Ça m’intéresse, mais vous remarquerez aussi qu’ 1+1 = 1. C’est toute la différence entre une équipe et un tas. »
L’homme qui marche
« On vit en troupeau avec d’autres individus et de temps en temps, ça vire en communauté, poursuit Daniel Herrero. Qu’est-ce qui fait que les yeux pétillants, les coeurs chantants, les guibolles courent ? Et qu’est-ce qui fait que, le lendemain, les mêmes ne courent plus ? C’est parce que dans le fond du coeur des hommes, il y a une fragilité, une énigme permanente qui va bien au-delà des compétences techniques. C’est l’aventure humaine. Qui donne à chaque jour, un regard particulier, avec des incertitudes, des mouvements, des bonheurs à conquérir. » La recette ? Daniel Herrero n’en donne pas. Excepté quelques ingrédients: le don génère plus de liens que l’offense, le compliment plus que la vexation, le partage plus que le boursouflé de l’ego. Avec une conviction : seuls ceux qui marchent transforment le monde. « Si on regarde l’expérience et la modernité, les générations et l’entreprise du côté patronal, aujourd’hui, les jeunes qui créent leur structure ont une chance : ils ne sont plus seuls. Quand on démarre, on a besoin d’un relationnel, d’un milieu qui aide à franchir les étapes. Un dirigeant qui reste dans son coin ne va pas très loin. Le soutien du monde patronal permet d’aller plus loin. Et ce soutien, à l’UPV, un jeune qui crée son entreprise dans le Var, il va le trouver. Les aînés, même au sein du même secteur d’activité, vont tendre la main au nouvel arrivant. Ça se fait couramment alors que ce n’était pas le cas il y a encore quelques années. Les mentalités des chefs d’entreprise ont évolué. Il ne faut pas qu’il y ait de conflit de générations au niveau patronal. Ce serait contreproductif. »