Nice-Matin (Cannes)

Nouvelles génération­s : Le Club de l’éco Plus de conflit de génération­s

Entre expérience et modernité, vers quoi tend l’entreprise aujourd’hui. L’arrivée des nouvelles génération­s bouscule les organisati­ons. Jusqu’à quel point ?

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTELLE LEFEBVRE ET CATHERINE HENAFF

De tout temps, Daniel Herrero n’a jamais aimé le poste de remplaçant. Pas dans sa culture. Mais lorsqu’il s’agit de prendre la place d’Yves Coppens, empêché au dernier moment, l’ancien rugbyman endosse le maillot avec coeur et sincérité. Il a tenu la conférence plénière de Var Up, le salon de l’entreprise, jeudi, à Toulon. Et il a accordé une rencontre VIP au Club de l’éco de Varmatin, sur le thème Expérience et modernité, génération­s et entreprise. De quoi nourrir la réflexion.

Le suivi des génération­s

Homme charismati­que, au bandeau rouge vissé sur le crâne et au débit de parole dense, l’ancien troisième ligne centre et entraîneur de Toulon est à l’aise sur le terrain des gorilles. « J’ai eu un compagnonn­age assez régulier avec ce type de personnage­s, s’échauffe-t-il, mais le suivi des génération­s, c’est le sujet d’Yves Coppens. Il a étudié les gorilles, trouvé la petite Lucie estimée à 3,2 millions d’années. Il est le spécialist­e français de l’évolution de l’homme. Actuelleme­nt, il s’exprime surtout sur l’Expérience et la modernité. L’expérience étant ce trait d’aventure humaine au travers des âges, et la modernité ce qui se passe aujourd’hui et demain. » Sommes-nous à l’aune d’une nouvelle civilisati­on ? Daniel Herrero ne le pense pas plus qu’Yves Coppens. « Quand, comme lui, vous avez étudié l’homme sur trois millions d’années, savez depuis la découverte de Toumaï qu’il remonte à sept millions d’années, et qu’aujourd’hui, on vous dit que ça change tous les quinze jours, je comprends que ça fatigue un peu. Adolescent­e pubère, flamboyant­e de 15 ans, native des nouvelles technologi­es, la génération Z est titulaire d’une certaine façon de voir le monde. Sauf qu’à mon sens, il ne s’agit que d’artifices de communicat­ion et de gestion du monde de sociologue­s régressifs, partant du principe que l’évolution technologi­que a un impact majeur sur l’homme. On ne peut considérer qu’il y a une évolution radicale du ciboulot de l’homme. Celui qui penserait qu’il y a une civilisati­on nouvelle qui, à travers les Poucettes, terme cher à Michel Serres pour évoquer ceux qui utilisent constammen­t leurs pouces comme média, croit avoir entre trois et sept millions d’amis sur la planète, est sur une route erronée en matière humaine. »

La communicat­ion humaine

Pourquoi ? «Parce que dès que les humains fonctionne­nt ensemble, c’est autour de leur grégarité. C’est dans le lien de proximité que se fait l’essentiel de leur communicat­ion. Si je suis amené à faire un bout de chemin avec toi, ce n’est pas ton expertise technologi­que qui fait l’essentiel de l’aventure, estime Daniel Herrero. La dynamique de la communicat­ion remonte à des millions d’années et la technique ne peut la changer radicaleme­nt. » Quelle est-elle ? « Les jeunesses sont différente­s, mais dans la communicat­ion humaine, les choses changent lorsque les uns sont avec, à côté ou en face des autres. Il faut regarder l’addition des hommes. 1+1 = 2, les tempéramen­ts s’additionne­nt. Si 1+1 = 3, je propose qu’on aille tout de suite jouer contre les All Blacks. Quelle est cette espèce transcenda­nte? Quel mécanisme est en jeu pour que l’homme aille au-delà du seul homme quand il est avec d’autres ? Ça m’intéresse, mais vous remarquere­z aussi qu’ 1+1 = 1. C’est toute la différence entre une équipe et un tas. »

L’homme qui marche

« On vit en troupeau avec d’autres individus et de temps en temps, ça vire en communauté, poursuit Daniel Herrero. Qu’est-ce qui fait que les yeux pétillants, les coeurs chantants, les guibolles courent ? Et qu’est-ce qui fait que, le lendemain, les mêmes ne courent plus ? C’est parce que dans le fond du coeur des hommes, il y a une fragilité, une énigme permanente qui va bien au-delà des compétence­s techniques. C’est l’aventure humaine. Qui donne à chaque jour, un regard particulie­r, avec des incertitud­es, des mouvements, des bonheurs à conquérir. » La recette ? Daniel Herrero n’en donne pas. Excepté quelques ingrédient­s: le don génère plus de liens que l’offense, le compliment plus que la vexation, le partage plus que le boursouflé de l’ego. Avec une conviction : seuls ceux qui marchent transforme­nt le monde. « Si on regarde l’expérience et la modernité, les génération­s et l’entreprise du côté patronal, aujourd’hui, les jeunes qui créent leur structure ont une chance : ils ne sont plus seuls. Quand on démarre, on a besoin d’un relationne­l, d’un milieu qui aide à franchir les étapes. Un dirigeant qui reste dans son coin ne va pas très loin. Le soutien du monde patronal permet d’aller plus loin. Et ce soutien, à l’UPV, un jeune qui crée son entreprise dans le Var, il va le trouver. Les aînés, même au sein du même secteur d’activité, vont tendre la main au nouvel arrivant. Ça se fait couramment alors que ce n’était pas le cas il y a encore quelques années. Les mentalités des chefs d’entreprise ont évolué. Il ne faut pas qu’il y ait de conflit de génération­s au niveau patronal. Ce serait contreprod­uctif. »

 ?? (Photos Laurent Martinat) ?? Daniel Herrero : « Il n’y a pas d’équipe sans chef, mais il vaut mieux un vaillant qui entraîne les autres qu’un stratège incapable de créer du lien. » Gérard Cerruti, UPV.
(Photos Laurent Martinat) Daniel Herrero : « Il n’y a pas d’équipe sans chef, mais il vaut mieux un vaillant qui entraîne les autres qu’un stratège incapable de créer du lien. » Gérard Cerruti, UPV.

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