Mathilde : « Une situation jamais vue »
Des voitures circulaient dans Cayenne, où les stations-service ont été approvisionnées. Les commerces étaient ouverts. La mobilisation était timide pour le démarrage de la « grève générale illimitée », hier en Guyane, alors que le Premier ministre Bernard Cazeneuve a annoncé la venue de ministres « avant la fin de semaine », répondant à l’une des revendications des acteurs sociaux. Plusieurs centaines de personnes, pour la plupart des enseignants, se sont rassemblées calmement dans la matinée (dans l’après-midi en métropole) devant le rectorat de Cayenne. « Ceux qui sont hors Cayenne n’ont pas pu passer les barrages », a noté un professeur de sport gréviste, qui s’« attendait à plus de monde ». L’affluence était moindre que les jours précédents autour des barrages routiers : quelques dizaines de manifestants empêchaient les voitures d’entrer ou sortir de Cayenne, là où des centaines d’entre eux se tenaient la veille. Air France a annulé ses vols vers Cayenne dimanche et hier, et Air Caraïbes hier.
« Une journée morte » prévue aujourd’hui
« La première priorité, c’est la lutte contre l’insécurité, le renforcement des moyens », a déclaré François Hollande depuis Singapour, où le chef de l’État a entamé la dernière tournée internationale de son mandat. « En France, l’image de la Guyane se résume à la délinquance, mais il n’y a pas que cela. Le plus important, c’est le chômage », a regretté, près d’un barrage, Pierre-Édouard, pestant contre l’absence de « réalisations » de « la droite comme de la gauche ». Trente-sept syndicats réunis au sein de l’Union des travailleurs guyanais (UTG) ont voté la « grève générale illimitée » et prévoient une « journée morte » aujourd’hui, selon le journal France-Guyane. Mathilde Romagnan, Tropézienne et ex-collaboratrice au sein de Var-matin, réside à Cayenne depuis bientôt deux ans. Témoin privilégiée, elle raconte la montée en puissance du mouvement. « Les premières mobilisations se sont produites il y a dix jours. D’abord par des blocages stratégiques avec les institutions et tout ce qui représente l’État français comme la CTG (Collectivité territoriale de Guyane), etc. À présent, c’est un peu l’ambiance Mai avec de nombreux ronds-points barrés et des barrages routiers. En fait, on peut circuler dans les villes, mais pas de l’une à l’autre », résumait-elle hier après-midi alors qu’une grosse manifestation a lieu ce matin dans une ambiance « ville morte ».
Métropolitains solidaires
« Étant donné que personne ne travaille, il n’y a pas un chat dans les rues. L’atmosphère est plutôt bon enfant et sans violence, hormis quelques débordements passés de casseurs. Tout le monde est solidaire et pense que c’est un mal nécessaire pour faire bouger les choses, y compris les métropolitains. Nombre d’entre eux sont professeurs et comme l’une des revendications touche l’éducation, ils sont aussi en grève ! », poursuit Mathilde qui pour sa part relate les événements pour Radio Péyi, antenne privée locale du territoire. « C’est une situation inédite. Du jamais vu au sein d’une population qui n’a pas spécialement la culture de la manifestation. Les rayonnages des supermarchés commencent à se clairsemer puisque les ports d’où viennent tous les approvisionnements sont bloqués depuis une semaine... Concernant les carburants, le groupement de gérants des stations a pu négocier le passage de camions ce week-end, du coup ça va mieux. En revanche, les liaisons aériennes directes quotidiennes avec la métropole sont suspendues ces jours-ci. Il faut passer par les Antilles », souligne notre consoeur.
Humiliation
Pour l’instant, aucun candidat à la présidentielle (seuls Marine Le Pen et Emmanuel Macron y ont tenu meeting) n’a les faveurs des foules grévistes. « C’est avant tout vers le gouvernement de François Hollande que se tournent les Guyanais pour obtenir des avancées. Il faut espérer que ça va bouger car avec la délégation de hauts fonctionnaires arrivée samedi sans ministres, ils se sont sentis floués, voire humiliés... », conclut Mathilde avant de repartir micro en bandoulière.