Une militante italienne jugée pour avoir transporté des migrants Les autorités italiennes mobilisées à la frontière
Francesca Peirotti, une Italienne de 30 ans, originaire de Cuneo, est une militante et elle ne s’en cache pas. Elle a passé six mois dans la « Jungle » de Calais, est membre de plusieurs associations humanitaires, parle six langues dont l’éthiopien. « La frontière m’enlève ma liberté d’être humain », a-t-elle expliqué hier soir à la barre du tribunal correctionnel de Nice. Animatrice socioculturelle, elle comparaissait libre pour avoir, à Menton, le 8 novembre dernier, facilité l’entrée en France de huit étrangers en situation irrégulière: des Erythréens et des Tchadiens. Elle avait également deux grammes d’herbe de cannabis sur elle au moment de son arrestation. Le procureur Alain OctuvonBazile a requis contre elle huit mois de prison avec sursis et deux ans d’interdiction du territoire français. Le jugement a été mis en délibéré au 19 mai.
Interruption d’audience
Le procès a été marqué par un incident. Les débats ont été interrompus quand le procureur s’est estimé injurié par Me Zia Oloumi, l’avocat de la défense. Tout est Huit mois de prison avec sursis ont été requis hier contre Francesca Peirotti. Le jugement a été mis en délibéré. (Photo Ch. P.)
rentré dans l’ordre après l’intervention du bâtonnier et des excuses à huis clos. Devant le palais de justice, une centaine de personnes étaient venues soutenir la prévenue, notamment Cédric Herrou, l’agriculteur de Breil-sur-Roya et Pierre Mannoni, un ingénieur niçois, qui ont été eux aussi poursuivis par la justice pour des faits similaires. L’un ayant été condamné l’autre relaxé (1). Francesca Peirotti, elle, avait été repérée par
une patrouille de policiers français et italiens en civil. Près d’un supermarché de Vintimille, huit migrants dont un enfant de deux ans dans une poussette avait été pris en charge par la jeune femme au volant d’un fourgon. « Je ne vois pas quel acte criminel j’ai commis dans cette affaire. Je n’ai fait qu’aider des amis à passer », a-t-elle expliqué. « Vous dites que j’ai passé la frontière : pour moi cette frontière n’existe pas,
elle n’a jamais existé. C’est un filtre qui sélectionne ceux qui peuvent passer et ceux qui ne peuvent pas. La sélection se fait surtout par rapport à la couleur de la peau.» Me Zia Oloumi, après avoir soulevé plusieurs exceptions de nullité de la procédure, a plaidé la relaxe de sa cliente, estimant qu’elle avait agi dans un but humanitaire. Réunies, hier, à Vintimille, les diverses autorités italiennes intervenant en zone frontalière ont présenté à la presse leur dispositif de sécurité. Une organisation qui mise sur la coopération et l’échange d’informations entre chacune des entités : police d’État, douane, carabiniers, militaires ou encore pouvoirs judiciaires et homologues français. De manière à lutter, entre autres, contre le trafic d’êtres humains. Sur les 210 arrestations effectuées durant l’année 2016, 53 concernaient ainsi des passeurs. Les autorités disent avoir d’ores et déjà identifié un réseau international, tandis que d’autres enquêtes sont en cours.
En , « non-admissions »
Quant au flux de migrants, en hausse, il s’illustre avant tout – selon le responsable de la Police aux frontières (PAF) à Vintimille, Martino Santacroce – par le nombre de demandes de non-admission enregistrées en 2016 : 18 000. « L’Italie est en train de signer un accord avec les Libyens pour tenter de ralentir le flux. Face à la bipartition politique du pays, cet accord tend à essayer de faire la paix », complète le responsable régional de la PAF, Raffaele Cavallo. De son côté, le procureur d’Imperia, Grazia Pradella, insiste sur le « sacrifice de jour comme de nuit des policiers et magistrats », appelés à s’exprimer d’urgence sur « la dangerosité des personnes entrant en Italie. Notamment en matière de terrorisme. » « Nous avons dû inventer ce travail, puis le peaufiner, pour assurer la sécurité de l’État italien et des pays limitrophes. », explique-t-elle. Concluant que chacune des autorités mobilisées « sait faire face au défi que l’Histoire nous impose ».