Nice-Matin (Cannes)

Une soirée au coeur

La présence des « petits » candidats a contribué à régénérer le deuxième débat présidenti­el, hier soir. Mais l’éclatement des interventi­ons n’aura pas permis un vrai match entre favoris

- THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Bigre ! Quiconque avait le moral dans les chaussette­s a sans doute couru se réfugier sous la couette dès les premières minutes du débat « historique », on nous l’a assez répété, qui réunissait les onze candidats à la présidenti­elle, hier soir sur BFM TV, CNews et RMC. C’est que tous les postulants, dans un bel élan consensuel, nous ont décrit en ouverture un pays en ruine, parti à vau-l’eau, agonisant « dans un océan de malheur » selon la formule de Mélenchon. De quoi pousser l’anxiomètre à saturation d’emblée. Une belle gifle pour mieux nous vendre ensuite les solutions censées changer notre vie : interdicti­on des licencieme­nts (Poutou), injection de cent milliards d’euros par an pour créer cinq millions d’emplois (Cheminade), reconnaiss­ance du burn out comme maladie profession­nelle (Hamon), baisse d’impôt massive de soixante milliards d’euros (Dupont-Aignan), patriotism­e économique (Marine Le Pen)… Ou, plus prosaïquem­ent, baisse des charges et liberté accrue insufflée au monde du travail, une approche finalement largement partagée par Fillon et Macron, par-delà quelques nuances sémantique­s.

La minute de Poutou

Sur l’Europe, comme sur la sécurité ensuite, chacun se sera inscrit dans un spectre très large, de l’approche très européiste d’Emmanuel Macron au repli revendiqué de François Asselineau. La question de la moralité a valu à Philippe Poutou sa minute trente de gloire. Plus confus, voire un peu perdu sur les autres sujets, il a trouvé sa cadence pour balancer tout ce qu’il avait sur le coeur à Marine Le Pen et François Fillon, porte-parole sur ce coup-là d’une France ouvrière qui n’est plus très loin de vomir la classe politique. Ce débat à onze relevait de la gageure, on le savait. S’il n’a pas viré à la pétaudière, il aura fatalement fini par semer les téléspecta­teurs les plus endurants, à l’usure. Les « petits » candidats y auront trouvé tribune à leur pied et chacun en retirera sans doute quelques milliers de voix, sur ses idées, sa bonne mine ou son accent chantant (dommage que Jean Lassalle n’ait pas poussé la chansonnet­te, soit dit en passant). Nicolas Dupont-Aignan, en particulie­r, a su mettre à profit une pugnacité bien connue des parlementa­ires et un peu plus cadrée que celle d’autres candidats habités par la révolte.

Statu quo en tête ?

Pour le reste, la dilution des échanges n’aura guère fait avancer le schmilblic­k entre les postulants présumés à l’Elysée. Par petites touches éphémères, les échanges auront essentiell­ement conforté les impression­s du premier débat. A gauche, sans préjuger des idées elles-mêmes, la parole de Jean-Luc Mélenchon a de nouveau semblé peser davantage que celle de Benoît Hamon. A droite, François Fillon a confirmé son aisance dans ce type d’exercice, campant volontiers sur le statut professora­l de celui qui a déjà mis les mains dans le cambouis des affaires de la France et qui parle d’expérience, au coeur du brouhaha. D’une prudence de Sioux en mars sur TF1, Emmanuel Macron s’est montré un peu plus direct, un peu moins « laïusseur », pour reprendre une critique qui lui avait été faite. Marine Le Pen, enfin, aura été égale à elle-même, le nationalis­me revendicat­if à fleur de peau. Ce deuxième débat n’aura probableme­nt pas beaucoup fait bouger les lignes, ni totalement éclairé les quatre Français sur dix qui ne savent toujours pas avec certitude pour qui ils désirent voter. Pour ceux-là, et tous les autres, on ne saurait trop conseiller une solution simple et efficace, quoique fastidieus­e : s’armer de courage et aller éplucher les programmes des onze candidats directemen­t sur leurs sites. Par chance, Bruno Le Maire n’est plus en lice. Aucun projet ne dépasse donc mille pages, très loin de là.

 ?? (Photo AFP) ?? Pour la première fois de l’histoire, tous les candidats à la présidenti­elle ont débattu ensemble sur un même plateau.
(Photo AFP) Pour la première fois de l’histoire, tous les candidats à la présidenti­elle ont débattu ensemble sur un même plateau.

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