Nice-Matin (Cannes)

Un débat impossible

- Par DENIS JEAMBAR

Quel cirque ! Les mots se bousculent pour décrire ce vrai-faux débat télévisé hier soir entre les onze candidats à l’élection présidenti­elle. On pourra toujours retenir un bon mot, quelques piques, relever des escarmouch­es ou des passes d’armes, notamment sur la probité, mais impossible dans cette cacophonie généralisé­e, ce café

du commerce, de trouver une pensée présidenti­elle structurée ou de comprendre dans leur globalité les programmes proposés. Dans ce magma, les téléspecta­teurs n’ont rien appris de nouveau sur la vision du pays qu’ont les candidats crédibles, noyés dans des échanges à l’emporte-pièce, perdus au milieu de déclaratio­ns péremptoir­es, de sorties narquoises ou rageuses comme celles de Philippe Poutou et Nathalie Arthaud, farfelues comme celles de Jean Lassalle, inaudibles comme celles de Jacques Cheminade. Certes, on retiendra une propositio­n ici ou là, mais comment arbitrer entre les projets des vrais postulants à l’élection présidenti­elle ? Car le rôle d’un

président de la République n’est pas d’aligner une ou des mesures toutes les dix minutes mais d’offrir aux électeurs une perspectiv­e, des objectifs, et de montrer pourquoi les réformes qu’il propose permettron­t de les atteindre. Rien de tout cela dans tout ce que nous avons entendu hier soir. Il est vrai que le débat était impossible entre des candidatur­es de témoignage, certes respectabl­es, et des candidatur­es de projet. Or seul le débat peut souligner les forces et les faiblesses

d’un projet. Autant dire qu’une autre expérience de ce genre avant le premier tour serait vaine et inutile. Dans une telle situation, nul ne pouvait espérer marquer des points sur le fond. Il est probable que les sondages n’en seront pas bouleversé­s. Sauf à ce que la posture des candidats, leur attitude au cours de cette interminab­le émission, leur maintien pèsent sur le jugement des électeurs. Deux hommes avaient ainsi choisi de ne pas se laisser emporter dans ce désordre sans, pour autant, rester sur la touche. Chacun à sa manière, François Fillon et Emmanuel Macron avaient choisi la retenue, l’autorité de la parole délivrée pour ne pas être interrompu­s, évitant dans la mesure du possible de se laisser emporter dans le brouhaha d’échanges non maîtrisés pour offrir une image de chef d’État. Ainsi ont-ils pu se différenci­er de Marine Le Pen prise à partie en revanche par les autres débatteurs, atteignant sans doute son objectif : rester dans le rôle de la candidate seule contre tous pour entretenir sa stratégie de victimisat­ion. Autant dire que cette émission ne nous aura éclairés sur rien ou sur pas grand-chose.

« Les téléspecta­teurs n’ont rien appris de nouveau sur la vision du pays qu’ont les candidats crédibles. »

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