« On a toujours voté on a toujours été déçus »
Ils font partie de cette France invisible, ouvrière, travailleuse, sans histoire, mais sans illusions non plus. Aujourd’hui, ces Brignolais ne se reconnaissent pas dans le débat et envisagent de voter blanc
Plus que trois semaines avant de faire son choix et de déposer un bulletin dans l’urne, au premier tour de la présidentielle. Dans cette dernière ligne droite de la campagne, votre journal continue de vous donner la parole. Rencontre avec Nora et Yves Duvent, un couple de Brignolais vivant dans le quartier du Pré de Pâques.
Yves et Nora reçoivent chaleureusement dans leur appartement du premier étage de la cité du Pré de Pâques. Âgés de 52 et 53 ans, ils assument leur condition modeste. Lui est maçon façadier, elle est au service de personnes âgées. Ils ont élevé deux garçons : le plus grand, 24 ans, est aujourd’hui militaire ; le plus jeune, collégien, se verrait bien artiste de cirque professionnel. La campagne, ils la suivent, un peu dans le journal, auquel Yves est abonné ; un peu à la télé, « mais les débats ne servent à rien » ; pas mal sur les réseaux sociaux, « on en discute en famille ».
Toujours pareil
Pour qui voter ? Question difficile : « On a toujours voté et on ira encore, mais on n’a pas d’espoir de changement. Gauche ou droite, on est déçus depuis des années. C’est toujours pareil : on travaille beaucoup, mais on gagne de moins en moins. »
Blanc
Aux promesses non tenues se sont ajoutés les scandales, achevant la motivation politique des Duvent: « Nous, on n’a jamais magouillé. Sur rien. » Nora se souvient de son enfance en Algérie, où ses parents lui ont inculqué le respect de la vérité : « C’est simple: si tu mens une fois, personne ne te fera plus confiance. » Ils ont envisagé, un temps, de confier leurs voix à Mélenchon, « il parle bien, mais il est comme les autres, c’est du “bla bla”… Ma mère, qui a toujours voté à gauche, est un peu perdue, elle aussi… C’est dommage que les votes blancs ne soient pas comptés. Moi, c’est ce que je vais faire quand même », assure Yves. Nora, elle, a un petit faible pour Hamon, davantage par sympathie pour l’homme que par adhésion à son programme. « Il n’a pas la carrure », assure Yves.
Pas crédible
Et puisque la question revient souvent dans les thèmes des candidats et que l’électorat régional y est particulièrement sensible, les Duvent ont un avis tranché sur l’immigration : « Des immigrés, il y en a toujours eu et on en a toujours eu besoin : Italiens, Portugais, Maghrébins. Surtout dans le bâtiment… Des travaux que peu de Français acceptent de faire. » Le vote FN ? « Pourquoi pas, mais disons que c’est comme Trump: ça promet plus que ça ne peut faire, surtout au niveau des échanges internationaux. C’est pas crédible. C’est un vote de seniors qui ont peur pour leur sécurité. Et puis, elle n’est pas assez entourée, estime Yves. Elle n’aura jamais de majorité pour gouverner. Si elle passe, ce sera la révolution. » « On est tous invités sur Terre. Il nous faut quelqu’un qui nous rende le sourire, pas qui nous divise », contrebalance Nora.
Un autre mai
« Oui, il nous faudrait un leader, un type “droit”, estime Yves. Mais c’est la guerre làhaut… Ceux-là, ils disparaissent vite: Bérégovoy, Coluche… » Sa solution ? « Un autre mai 1968… Seulement : les gens sont mécontents, mais à l’heure de se mobiliser, on ne trouve personne… On est “tenus”, coincés dans le système. C’est devenu “chacun pour soi”. »
Je pense que, cette fois, le vote blanc va totaliser plus de %.”