« Innover et pérenniser »
S’il est concentré à fond sur la prochaine renaissance de la course reine, Stéphane Clair ,le directeur du circuit Paul-Ricard, regarde aussi au-delà de 2018 avec l’envie de tenir la distance
Il court, il court, il court... Entre deux réunions, dont une pour tracer les grandes lignes de l’opération portes ouvertes destinée au grand public ce week-end (voir en page précédente), Stéphane Clair, fait enfin une halte dans son bureau. Pendant que les jeunes loups de l’Eurocup Formule Renault . affûtent leur coup de volant en rêvant de F, dehors, l’homme qui tient les manettes du circuit Paul-Ricard, depuis plus de cinq ans déjà, garde le pied au plancher. Dans une quinzaine de mois, le Grand Prix de France remontera les couleurs au Castellet. Un come-back ô combien attendu qui accapare le directeur et ses équipes presque sans relâche. Pour lui, demain se prépare aujourd’hui. Et après-demain aussi !
Lorsque vous prenez les commandes du circuit PaulRicard, en septembre , le retour de Grand Prix de France constitue-t-il d’emblée votre priorité ?
Non, même s’il y avait déjà un dossier dans les tuyaux, en réflexion depuis . À l’époque, à vrai dire, c’était un rêve, mais pas le chantier prioritaire. En toute logique, il fallait d’abord que le circuit renoue le contact avec le public perdu lors de la période où il avait fonctionné à huis clos. Nous devions donc accueillir dans un premier temps des événements populaires à fort retentissement. De quoi faire
‘‘ comprendre aux gens que les portes étaient à nouveau ouvertes. Les World Series by Renault et le festival Mini United ont tenu ce rôle majeur. Le circuit a vite retrouvé son aspect originel. Un retour vers le futur encore accéléré par le come-back du Bol d’Or en .
Auparavant, entre fin et début , le premier projet F varois porté notamment par François Fillon et Alain Prost tombe à l’eau. Qu’est-ce qui vous fait alors garder espoir ?
On n’était pas passé loin d’aboutir. En écoutant les critiques émises sur le dossier, je me suis dit qu’il y avait un vide quelque part. En fait, celui-ci concernait la réalité de la valorisation économique de ce Grand Prix à l’échelle nationale. À partir de là, nous avons changé notre fusil d’épaule. On s’est tourné vers les collectivités locales, vers ces élus qui oeuvrent pour le développement du territoire dont ils ont la charge. Notre seule chance, c’était de redimensionner le projet, revoir son montage, les équilibres financiers, afin de
le présenter à la Région.
Peut-on dire que Christian Estrosi a réussi là où François Fillon a échoué ?
[sourire] Je me garderais bien de tout commentaire politique... Pour le premier ministre François Fillon, à Paris, bien sûr, c’était un sujet parmi d’autres. Aux yeux de Christian Estrosi, ici, en revanche, ça représente forcément un outil important pour le développement économique, touristique, de la région Paca. Je tiens à le saluer parce qu’il a eu le courage d’aller convaincre un à un ses confrères dirigeant les collectivités voisines. Il leur a expliqué l’intérêt qu’il y avait à recevoir cette manifestation et tous l’ont accompagné. Nous seuls, sans lui, on n’aurait jamais recueilli l’unanimité.
Cet hiver, après l’annonce de l’accord avec Bernie Ecclestone, avez-vous craint que l’arrivée du groupe américain Liberty Media aux commandes de la F change la donne?
Personnellement, oui, j’ai eu un petit doute qui a perturbé mon sommeil [sourire]. C’était juste trois jours avant la fourniture des derniers documents requis pour la signature définitive. Des rumeurs se sont mises à circuler. Mais nos interlocuteurs de la FOM (Formula One Management), en premier lieu, puis les nouveaux propriétaires américains, ont vite chassé nos doutes. Tous se réjouissent tous du retour de cette épreuve. Pour eux, la France est un pays indispensable sur la carte delaF.
Quoi de neuf depuis la création du Groupement d’intérêt public ?
Charlie Whiting, le directeur de course de la FIA (Fédération Internationale de l’Automobile) est venu inspecter le circuit le février. Celui-ci a validé les aménagements que nous lui avons présentés concernant le tracé, les tribunes et les équipements de sécurité.
Côté piste, quelles sont les modifications prévues?
Que les puristes se rassurent, il n’y
‘‘ aura pas de révolution. Le grand circuit (, km) garde son caractère. Seuls trois virages, ceux de la Verrerie juste après le départ, du Camp, côté Sainte-Baume, et de la Tour, le dernier avant la ligne droite des stands, vont être redessinés dans le but de favoriser les dépassements, donc d’améliorer le spectacle. Compte tenu de la chicane à négocier au milieu de la ligne droite du Mistral, il y aura trois endroits où les F atteindront leur vitesse maximale. Un cas unique, m’a dit Charlie Whiting.
La sécurité ?
Il s’agit d’aménagements spécifiques en bord de piste servant à bien marquer la ligne de course. Principalement des vibreurs qui empêcheront les pilotes de couper des virages ou de trop élargir leur trajectoire.
Quand ces travaux seront-ils effectués ?
Pour les barrières et grillages, une première tranche est programmée durant l’été. Et puis, comme prévu, en fin d’année sera posé le nouveau revêtement, une fois les modifications faites. On souhaite que la piste soit opérationnelle dans une dizaine de mois. Peut-être qu’elle pourrait alors accueillir des essais d’avant-saison...
Quid de la date de la course ?
On la connaîtra en principe courant juin. Ici, vous le savez, un Grand Prix n’a de sens qu’en période estivale. Notre préférence va à la fin de l’été, car ce serait l’opportunité de prolonger la saison après le pic de fréquentation. Liberty Media a annoncé sa volonté d’augmenter le nombre de GP, jusqu’à . Le calendrier sera-t-il remodelé un peu ou beaucoup en ? On verra...
Durant sa première vie varoise, le Grand Prix de France n’a jamais attiré plus de spectateurs payants. Comment faire mieux?
La forte attente engendrée par l’absence de cette course depuis et le retour au Castellet ans après son départ vers Magny-Cours nous laissent croire, sans excès d’optimisme, que ce cap sera atteint en . Il sera peut-être même largement dépassé. S’il est encore tôt pour dévoiler notre plan de bataille en termes de communication et de concept, je peux dire que nous n’allons pas vendre une simple course de F. Il s’agira d’un événement international. Mais attention, le challenge le plus dur se situe au-delà : , et après. Au moment où la discipline est en train de changer, de se réinventer, nous devrons faire de même chaque année. Innover et pérenniser, voilà notre double défi.
Puisque vous visez loin, avez-vous l’intention de battre le record de longévité de François Chevalier, le premier directeur qui a tenu les rênes du circuit durant près de trois décennies ?
Je crains que ce soit difficile [rire]. La structure privée qui détient le circuit aujourd’hui n’est pas implantée de longue date ici. Elle n’a pas le même attachement que Paul Ricard, que François, à la terre du Castellet. Aujourd’hui, donc, difficile de savoir si la future conjoncture économique nous permettra de faire un long bout de chemin. Moi, en tant que natif de Nice vivant dans la région depuis longtemps, je l’espère de tout coeur, évidemment.
Le circuit gardera son caractère” Prolonger la saison estivale”