Nice-Matin (Cannes)

Histoire d’un flop

En 2010, Pierre-Emerick Aubameyang a joué six mois à Monaco avant de partir. Souvenirs.

- MATHIEU FAURE

Les habitués du stade Louis-II ont dû se frotter les yeux à plusieurs reprises en regardant les statistiqu­es offensives de Pierre-Emerick Aubameyang au Borussia Dortmund. Depuis son arrivée dans la Ruhr en 2013, le Gabonais affiche plus de 100 buts toutes compétitio­ns confondues et sort d’une saison à 25 cartouches en championna­t. Cette saison, il a déjà planté 24 buts en Bundesliga et 7 en Ligue des champions. A Monaco, on a du mal à croire que cet attaquant valorisé 80 millions d’euros

‘‘ sur le marché des transferts est le même que celui qui avait marqué deux petits buts en 23 matches en 2010

et qui a filé à Saint-Etienne après (1) six mois en Principaut­é. Au départ pourtant, l’arrivée du garçon formé à l’AC Milan semblait être une bonne idée. Fils de Pierre Aubame, défenseur au tempéramen­t généreux qui porta le maillot de l’OGC Nice durant la saison 9798, le fiston ne débarque pas n’importe où. La Côte d’Azur, un endroit qu’il connaissai­t plutôt bien à en croire ses premiers mots lors de son arrivée en Principaut­é : « J’ai joué moi aussi une saison à Nice… chez les poussins. Je n’ai pas oublié les matches de mon père au stade du Ray ». Dans la famille, le football est un trait d’union. Papa a mis au monde trois footeux: Pierre-Emerick, Catilina - l’aîné qui a notamment joué à l’AC Ajaccio et Willy qui a voyagé entre l’Italie, l’Ecosse et l’Allemagne. Les trois frères sont tous internatio­naux gabonais. Quand il signe à Monaco pour une saison, prêté par l’AC Milan, Aubameyang a 21 ans. « Signer à Monaco est une chance. C’est à moi de bien travailler. Je veux m’imposer. L’ASM est un club important qui a révélé de nombreux jeunes, lâche-t-il lors de sa présentati­on. Je dois progresser au niveau de la présence dans la surface, aussi acquérir plus de volume physique ». Sur le banc de l’ASM en 2010, Guy Lacombe se souvient très bien de son ancienne recrue. « Il était très jeune et sortait d’une saison à Lille où il avait peu joué mais il avait beaucoup de qualités, à l’entraîneme­nt, il était très technique et je pensais que ça allait le faire avec le temps. Seulement, le temps je n’en ai pas eu et lui non plus, se remémore l’entraîneur qui sera débarqué à mi-saison. Il lui a manqué l’efficacité offensive et avec le temps, les gens ont commencé à douter de lui. » Dans un Monaco qui va vivre une saison cauchemard­esque, avec une relégation au bout, Aubameyang peine à trouver ses marques. « Il jouait surtout milieu droit avec nous et on sentait que la ligne de touche pouvait le bloquer alors que dans l’axe, il dévorait les espaces rembobine Vincent Muratori, monégasque en 2010 et latéral de Nancy aujourd’hui. Pierre-Emerick avait déjà une vitesse phénoménal­e et sa technique n’était pas mauvaise non plus. » Un avis technique partagé par Guy Lacombe: « Sa vitesse était très étonnante, il avait un gros potentiel mais ce n’était pas encore un talent. Il a eu le déclic en étant replacé dans l’axe par Christophe Galtier à SaintEtien­ne. Au départ, je le faisais jouer sur un côté car avec Mbokani et Park, deux purs axiaux, j’étais bien fourni dans ce secteur ». Même sur un côté, l’entraîneur de l’ASM sent quelque chose chez son attaquant et en fait part à sa direction. « A Monaco, les dirigeants n’avaient pas confiance en son potentiel alors qu’on avait demandé à lever l’option d’achat très rapidement. Naturellem­ent, quand j’ai été débarqué en janvier, il a suivi, c’était dans les tuyaux, d’autant que mon successeur ne comptait pas sur lui. » C’est Saint-Etienne qui va récupérer le garçon et la mayonnaise va prendre (plus de 40 buts en deux saisons et demie). Guy Lacombe toujours : «On avait senti son potentiel mais c’est toujours compliqué de savoir où un joueur peut aller. Didier Drogba, que je vais chercher au Mans quand je suis à Guingamp, personne n’imaginait qu’il allait devenir un tel joueur ensuite. Pierre-Emerick, son père a toujours cru en lui, ce qui prouve qu’avec du travail et de l’abnégation, on y arrive ». Pour Vincent Muratori, « Monaco a été une étape dans sa progressio­n, c’était un jeune joueur appliqué, souriant, travailleu­r. A SaintEtien­ne, il a pris confiance dans sa capacité à être un attaquant axial. » Il ne faut pas oublier qu’en 2010, Aubameyang a 21 ans et découvre un univers particulie­r. Être jeune et riche sur la Principaut­é, ce n’est pas si simple. Tout le monde se souvient de son Audi R8 aux motifs Louis Vuitton. «C’était déjà quelqu’un de bling-bling, il aimait tout ce qui brille, notamment les fringues mais il s’en amusait, il avait de l’autodérisi­on, balance Muratori. Aujourd’hui, il a une stabilité dans ses performanc­es, c’est une valeur sûre offensive.» À tel point qu’en janvier dernier sur RMC, l’homme n’a pas fermé la porte à un retour en France: «La Ligue 1? Ça peut toujours attirer. Je connais bien, c’est ma première langue, forcément ça peut intéresser. Ce n’est pas ma première option, mais pas inenvisage­able non plus. Pour moi, le PSG est au-dessus mais Marseille, Monaco ou Paris peuvent m’attirer ». L’histoire serait belle.

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