Nice-Matin (Cannes)

À Puget-Théniers, des électeurs indécis

À dix jours du premier tour de l’élection présidenti­elle, rencontre dans l’arrière-pays niçois avec des citoyens à l’heure du déjeuner. Certains sont en colère, tous hésitent encore

- AURORE MALVAL amalval@nicematin.fr

Aune poignée de semaines du premier tour de l’élection présidenti­elle, nous plaçons les électeurs au coeur de la campagne. Chaque jour, un lecteur nous sert de guide dans son environnem­ent (quartier, immeuble, associatio­n, club, entreprise, commerce) à la rencontre de ceux qui en sont acteurs. Ils commentent la campagne présidenti­elle, l’attitude des candidats, évoquent leurs conviction­s, leurs doutes, leurs attentes. Leurs coups de gueule aussi. Aujourd’hui, tour d’opinions à Puget-Théniers.

C’est les vacances et il est presque midi. Sur la place principale, les terrasses au soleil ne sont pas encore bondées, mais elles le sont rarement, à Puget-Théniers. Dans dix jours, on vote. « Mimi » est à table avec sa tante Suzanne, elle dit qu’elle ne sait pas pour qui parce que « c’est toujours la même histoire ». L’autre opine : « Ils prennent un peu de droite, un peu de gauche, on en revient au même point. il faut que ça change. » Comment ? Elle répond en riant qu’elle n’en sait rien. Hésite à voter blanc, ce qu’elle n’a encore « jamais fait », jure-telle, parce que « c’est pas bien ». Sa réponse à cette campagne qu’elle juge pauvre sur le fond : « Personne ne parle des retraites. » Myriam, en écho : «Et la rémunérati­on des salariés ? Quand on travaille, on a le strict minimum. » Elle a 45 ans, accumule les CDD depuis 5 ans à l’hôpital de Puget-Théniers. « C’est le plus gros employeur du secteur », commente Laurent Bernardi, le directeur de l’école primaire. Il vote à gauche, ce n’est un secret pour personne dans la petite commune où il a déjà été à deux reprises candidat sur une liste municipale. Cette fois, lui aussi est indécis. Balançant entre le candidat « de son coeur et celui de la raison ». Il s’assoit à côté d’Isabelle et Marie-Thérèse, la première refuse de parler politique parce qu’elle est en colère – « Je ne les supporte plus » – la seconde dit qu’elle est en colère aussi, mais qu’elle ne veut pas de Marine Le Pen. « Le bulletin, on le tient pincé comme ça au-dessus de l’urne. On le lâche, on sait qu’on va se faire enfler. » Jean-Louis, 83 ans, fait le geste d’une main, l’autre est crispée sur le pommeau de sa canne. Sur le banc en face de lui, Pierre, 80 ans, en est sûr, « les gens vont voter Fillon au premier tour et Marine au second ». Jean-Louis dit qu’il a « toujours voté De Gaulle ». Son copain approuve : « Même quand j’étais syndiqué à la CGT au travail, je votais à droite.» Natif de Tunisie, il reproche à Emmanuel Macron d’avoir « polémiqué sur la décolonisa­tion » et croit savoir que «ça va lui faire du tort ici ». « On ne parle pas de leur projet, de ce qu’ils vont faire, on parle des vieux dossiers de leur vie perso. » Laëtitia a 33 ans, et elle regrette que la politique soit devenue « limite people ». « Ils sont tournés en ridicule, et les meetings à l’américaine, ce n’est pas ce que j’attends. Et la sécurité? L’emploi? L’éducation ? » La jeune maman dit qu’elle n’a « confiance en personne », qu’elle va aller voter « par défaut ». Elle pense que les autres sont comme elle : « Autour de moi, j’entends dire “on verra le jour-même” .» Le pouce levé, lunettes de soleil et petit sac à l’épaule, elles attendent à l’arrêt de bus à la sortie de la ville. « Généraleme­nt, les vieux ralentisse­nt, nous regardent et continuent. » Charlotte, Inès et Émilie rigolent. Elles ont 20 ans et 18 ans. L’une travaille à l’hôpital, une autre à la station-service de SaintMarti­n-du-Var, « en bas ». C’est là qu’elles vont, à la Manda, pour faire les courses parce que le supermarch­é « là-haut » est trop cher. C’est la première fois qu’elles vont voter pour élire le président de la République. « À droite », lâchent les deux premières. « FN », fait la troisième. Parce que l’Europe et « Schengen », parce que « si mes arrièregra­nds-parents voyaient ce qu’est devenue la France, ils ne seraient pas contents ». Elles suivent « un peu » la campagne : « Quand Mélenchon parle du smic à 1 800 euros, on aimerait bien, mais on sait que ça ne va pas marcher. Ou alors le litre de lait, il sera à 3,20 euros et ce sera comme en Suisse. »

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(Photos A. M.) Midi à Puget-Théniers. Laëtitia avoue ne pas savoir aujourd’hui quel bulletin elle glissera dans l’urne.
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