Qui sont les derniers sonneurs de cloches?
Elles rythment la vie des villes, des villages et de leurs habitants depuis des milliers d’années. Dans les vallées des Alpes-Maritimes, elles résonnent grâce à des passionnés qui perpétuent les traditions
C’est au hasard d’un reportage à Lucéram que nous avons rencontré Yves Fajole : « Je sonne les cloches », me dit-il discrètement. Un sonneur de cloches au XXIe siècle comme sorti du film Les Visiteurs. Une rencontre magique, qui va nous conduire dans les vallées reculées de notre département : de Saorge à Utelle, de Lantosque à Venanson en passant par Lucéram, à la découverte de nos derniers sonneurs, qui perpétuent les traditions des vallées d’antan avec les coutumes des villages.
Intimement mêlées à la vie quotidienne
Les cloches depuis des milliers d’années ont rythmé la vie des villes, des villages et de leurs habitants : que ce soit pour la vie profane en égrenant les heures ou pour la vie religieuse. Elles ont été le premier moyen de communication de masse pour annoncer une naissance, un baptême, un mariage, le décès d’un homme, d’une femme, la disparition d’un enfant, une alerte, le début ou la fin du travail, l’annonce de la messe ou d’une fête votive : chaque événement était sonné de façon différente. Que les cloches soient joyeuses ou tristes, carillon ou glas, tocsin ou angélus, elles résonnaient à plusieurs kilomètres à la ronde : elles auraient même dissipé les fantômes et chassé les démons. Combien d’expressions ne nous ont-elles pas laissées dans notre vocabulaire ? Sons de cloches, c’est pas cloche, se taper la cloche, querelle de clochers, déménager à la cloche de bois ou quelque chose cloche.
La tradition des cloches de Pâques
Difficile pour notre quotidien de ne pas rattacher ces rencontres exceptionnelles des derniers maîtres sonneurs avec les traditions du week-end pascal. Pour la religion catholique, l’Église s’interdit de sonner les cloches en signe de deuil entre le Jeudi saint et le dimanche de Pâques afin de commémorer le temps qui s’écoule entre la mort de JésusChrist et sa Résurrection. La légende affirme qu’elles partent à Rome le jeudi soir où le pape les bénit avant de revenir le matin du dimanche de Pâques en carillonnant. À Rome, elles se chargent d’oeufs qu’elles répandent sur le chemin du retour : un lien entre le ciel et la terre.
Partons en haut des clochers
Qui se souvient encore du sonneur de cloches avec sa profession qui répercutait l’âme d’un village avec ses joies et ses peines. Quelle chance de pouvoir entrer dans l’envers du décor d’un patrimoine, remonter dans les temps anciens en gravissant les marches ou les échelles des beffrois. Qui n’aimerait pas monter dans un clocher et découvrir la vue à 360° ? Même si tous les clochers sont maintenant électrifiés, ce rituel des sonneurs de cloches qui tend à disparaître depuis l’an 2000, se perpétue grâce à une poignée de bénévoles : Yves Le Fol à Lucéram, Marie-Chantal Castel à Utelle (la seule femme), Jean-Pierre Aiperto à Saorge, Robert Guigo à Venanson, Bruno Berchi à Pelasque et Romain Otto-Bruc (le plus jeune) à Lantosque. Chacun avec sa personnalité, ils se relaient dans leur clocher. Ils perpétuent la tradition. Certains utilisent un carillon ambulant pour que se manifestent d’autres volontaires et naissent d’autres vocations. Images d’une époque reculée, imposantes ou fluettes, les cloches entrent en branle: inutile de vous dire que l’on ressent un pincement au coeur lorsqu’on les entend sonner. Marchons dans les pas des sonneurs de cloches.