Nice-Matin (Cannes)

Signé Roselyne

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Interrogée au Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro, Marine Le Pen s’embourbe stupidemen­t sur la désignatio­n des responsabl­es de l’abominable rafle du Vel d’Hiv. En juillet ,   policiers et gendarmes français avaient arrêté   juifs, les avaient parqués dans ce vélodrome avant qu’ils ne soient exterminés dans les camps. La polémique a été tranchée par Jacques Chirac dans un discours prononcé le  juillet  qui reconnaiss­ait la responsabi­lité de la France dans la commission de ce crime contre l’humanité. La présidente du Front national, toute à son entreprise de dédiabolis­ation, pouvait sans peine esquiver un débat dont elle sait mieux que personne combien il plombe l’histoire du parti qu’elle dirige aujourd’hui. Comment vit-on, comment grandit-on quand on est la fille de Jean-Marie Le Pen ? De celui qui dirigea un mouvement qui fut clairement d’extrême droite, refuge des collaborat­eurs du régime nazi et complice de l’OAS ? L’enfant de celui qui fut l’homme politique le plus détesté de France est prisonnièr­e d’un conflit intérieur insoluble Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité et toute sa carrière témoigne de cet amour-haine qui la fait exister entre vénération et reniement. Comme la Walkyrie, elle n’échappe pas au cercle de feu que son père a dressé autour d’elle, donne alternativ­ement des gages aux deux p ôles antagonist­es qui minent le FN et paie chaque incursion dans le nouveau champ doctrinal et lexical de son parti par un retour à ses fondamenta­ux les plus méphitique­s. On n’est pas impunément la fille de Jean-Marie Le Pen.

François Fillon joue le tout pour le tout et continue sa route avec une impavidité dont les moins perspicace­s sentent bien qu’elle est toute de façade. A part quelques modificati­ons mineures, il poursuit la défense d’un programme qui lui avait largement assuré la victoire à la primaire de la droite et du centre mais l’avait fait décrocher dans les intentions de vote bien avant les révélation­s du Canard enchaîné . Ilavait assuré dans un de ses livres que la France pouvait supporter la vérité. A voir le déroulemen­t de cette campagne et le flot de stupidités déversées,

on en vient à se demander si, pour gagner, il ne vaut pas mieux miser sur la démagogie. Fillon assure avec humour que son étonnante résilience est due «àson ostéopathe qui est extraordin­aire ». Toutefois on le sent fatigué, miné par une campagne où cet homme d’une pudeur extrême a vu sa vie personnell­e et familiale exposée au pilori médiatique. Loin de moi l’idée d’excuser des comporteme­nts dont il a reconnu lui-même qu’ils étaient des fautes et dont la justice décidera s’ils sont des délits. Le tribunal de la machine judiciaire n’a pas rendu son verdict, mais celui de la machine médiatique lui a d’ores et déjà infligé une sanction d’une dureté peu commune si l’on veut bien considérer les errements de ceux qui l’ont précédé ou de certains qui participen­t à cette campagne. Peu importe ce qu’il ressent, il lui faudra avancer maintenant dans ce torrent de boue.

Vertudieu ! Le suspense est à son comble, nos quatre lascars, dans l’ordre alphabétiq­ue, Fillon, Le Pen, Macron et Mélenchon se tiennent dans un écart de trois points selon les derniers sondages, c’est-à-dire la marge d’erreur reconnue pour ce type d’enquête. Tout devient donc

possible le  avril, même un second tour Mélenchon-Le Pen qui mettrait vraiment la France c… pardessus tête. La dynamique de cette campagne s’est faite autour de Jean-Luc Mélenchon avec l’incroyable complicité objective de la quasitotal­ité de la classe politique. Les pourfendeu­rs de l’extrême droite ont vu dans le programme réputé populiste de la France insoumise un moyen de déstabilis­er Marine Le Pen et la droite classique une grenade qui dynamitera­it la gauche, faisant ainsi d’une pierre deux coups. Quant au PS et à son candidat Benoît Hamon, ils ont raisonné selon un schéma éculé qui, il faut le reconnaîtr­e, a fonctionné pendant soixante ans. Autour d’un Parti socialiste hégémoniqu­e, les autres sensibilit­és de la gauche faisaient un tour de manège au premier tour de la présidenti­elle, grappillan­t ainsi les voix dans tous les rabicoins doctrinaux, des trotskiste­s et anarcholib­ertaires aux écolos et radicaux de tout poil. Une fois cette opération de mobilisati­on terminée, tout ce joli monde, tel des vestales en procession, venait faire offrande des suffrages ainsi collectés au grand Moloch socialiste qui les engloutiss­ait sans même un merci. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Mélenchon – qui semble sur cette affaire frappé d’une étonnante amnésie – en appelant à voter François Hollande en . Hamon et Cambadélis, suivant l’ensemble des commentate­urs, ont cru que le processus se reproduira­it. Tels des apprentis sorciers, ils voient, aujourd’hui, leur créature leur échapper et piller le fonds de commerce dont ils ont, eux-mêmes, sapé les fondations.

Décidément, dans cette campagne présidenti­elle, pour analyser les déclaratio­ns des uns et des autres, il vaut mieux faire appel à Sigmund Freud qu’à René Rémond. Ce matin, Benoît Hamon déclare au journal Libération : « Je refuse de m’accrocher… » ; tiens, tiens renoncerai­t-il ? Mais non, notre sémillant porteur du revenu universel poursuit… au monde ancien ! Dans une France qui ne rêve que du c’étaitmieux-avant, qui s’effraie des mutations technologi­ques, qui idéalise un pays aux racines qui seraient purement gauloises et chrétienne­s, il faut reconnaîtr­e que c’est courageux. On peut douter toutefois que ce soit un bon angle d’attaque pour lutter contre les billevesée­s néo bolivarien­nes de Mélenchon, les coquecigru­es nationalis­tes de Le Pen et les pollicitat­ions vaporeuses de Macron… Mon petit Benoît, maintenant, si tu veux non pas gagner, ça, c’est cuit, mais à tout le moins ne pas quitter l’arène sous les crachats de tes propres amis, il va falloir cogner et dur.

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