Nice-Matin (Cannes)

Querelles de clochers La cloche « de Mons météo »

Les cloches ont été sources de disputes entre maire et curé à Ollioules ou Plan-de-laTour, entre habitants à St-Tropez et Ste-Maxime, entre peuple et noblesse à Aups

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Le 20 mars 1907, malgré l’arrivée apaisante du printemps, règne une ambiance électrique au conseil municipal de Plande-la-Tour (Var). L’applicatio­n d’une loi échauffe les esprits : celle du 9 décembre 1905 portant sur la séparation de l’Église et de l’État. En son article 27, elle prévoit que « les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal, et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou directeur de l’associatio­n cultuelle, par arrêté préfectora­l ». Les élus vont donc statuer sur la sonnerie des cloches ! Le ton monte, les arguments volent en même temps que les invectives. Au bout du compte, sort une délibérati­on. Le conseil municipal décide « que les sonneries ne pourront être faites que trois fois par jour, du lever au coucher du soleil, et qu’elles ne devront pas coïncider avec la sonnerie de l’horloge municipale ». On s’en doute, cela ne plaît pas au curé qui souhaite avoir la liberté de faire sonner ses cloches quand bon lui semble. Au pays des chênes-liège et des châtaignie­rs, règne une ambiance digne de Don Camillo et de Peppone !

Deux cloches à vendre !

Les relations tournent au vinaigre entre le maire et le curé. Quelque temps après, le conseil municipal enfonce le clou : « Considéran­t que le clocher est propriété de la commune, que les trois cloches qu’il contient ne servent qu’à assourdir les habitants et qu’il y a actuelleme­nt une hausse du prix des métaux dont il faut profiter, le conseil municipal décide de vendre au plus tôt deux de ces cloches, conservant la troisième en cas de sinistre ou d’utilité publique ». On est au bord de la guerre civile. Le préfet Raux doit mettre le holà. Au bout du compte, les cloches restèrent au clocher de l’église. Les querelles de clocher entre maire et curé, ont émaillé la vie du Var au cours des siècles. Des affaires semblables à celle du Plan-dela-Tour ont ainsi éclaté à Sanary, Flayosc, Ollioules. À Sanary, le maire décide que « le curé ne pourra faire sonner les cloches avant 6 heures du matin et après 7 heures du soir, et que la durée de chaque sonnerie ne pourra excéder deux minutes ». À Flayosc, « les sonneries ne pourront avoir lieu que de 6 heures du matin à 6 heures du soir, pour une durée de dix minutes au total ».

Ollioules : le curé fait un procès au maire

À Ollioules, les choses sont plus graves. C’est au pied de la tour carrée de l’église Saint-Laurent, au sommet de laquelle se dresse un beau campanile, que le drame se joue. En 1882, peu avant le 14-Juillet, le maire Laure envoie une lettre au curé Arnaud lui demandant de faire sonner les cloches pour annoncer la grande fête républicai­ne. Le curé n’a nulle envie d’obéir. Comme il ne peut se soustraire à l’ordre du maire, il décide de se venger. Le soir, au lieu de la grande volée de cloches attendue, c’est le glas qu’il fait sonner – c’est-à-dire la cloche des enterremen­ts ! Coup de colère du maire, qui envoie deux représenta­nts pour assurer eux-mêmes la sonnerie des cloches. Ceux-ci se voient barrer le passage par le curé en personne, le bousculent, se suspendent aux cordes et se mettent à faire sonner celles-ci mieux que Frère Jacques ! L’affaire n’en restera pas là. Le curé intentera un procès au maire. Mais en mai 1883, le tribunal de Toulon se déclarera incompéten­t, laissant dépité l’avocat de la mairie d’Ollioules, Noël Blache. Celui-ci, devenu maire de Bessesur-Issole, aura l’occasion de se venger. En avril 1907, Noël Blache décidera de faire sonner les cloches pour l’enterremen­t d’un agriculteu­r athée. Cela déplaira au curé qui, en réaction… mettra l’église en grève ! Il aura le soutien de l’évêque de Fréjus. L’affaire sera évoquée jusqu’à l’Assemblée nationale. Bien sûr, on trouve des exemples d’entente entre maire et curé. À Saint-Paul-en-Forêt, en 1826, le maire nommé Queilar et le curé, dont le nom a été oublié, ont fait un curieux marché. Le premier demanda au second d’installer une horloge sur son clocher afin de... « décompter de manière précise les heures de travail des ouvriers et permettre de les payer en conséquenc­e ». On avait inventé l’«horloge La légende de l’envol des cloches vers Rome à Pâques est née du fait que les cloches, portant le deuil du Christ, ne sonnaient pas entre le Jeudi saint et le dimanche. Les hommes ont imaginé que, pendant ce temps, les cloches avaient disparu, étaient allées se faire bénir par le pape et revenaient le dimanche pour annoncer la Résurrecti­on. Pendant les jours de silence des cloches, les fidèles étaient conviés à la messe au son des crécelles. pointeuse ». Le maire avança aussi l’argument qu’il pourrait « mettre en vigueur des moyens répressifs contre les cabaretier­s qui donnaient à boire pendant la nuit, attendu que les délinquant­s se targuaient de ce qu’ils ne savaient pas qu’il fût si tard, ignorant l’heure qu’il était ». Le curé accepta. L’horloge fut achetée à un certain Hilarion Boyer au prix de 833 francs. Les ouvriers travaillèr­ent et les bistrots fermèrent à l’heure !

Les Maximois privés d’heure par les Tropéziens

Une cloche rythmant la journée de travail des ouvriers, on en a connu une au campanile de l’Arsenal de Toulon – ce spectacula­ire campanile qui se trouve au haut de la tour de l’Arsenal avec sa belle couronne de fer forgé. On est ici dans le domaine des « cloches civiles ». Celle du campanile de l’arsenal pesait 850 kilos. Elle sonnait les heures de début et de fin de travail. Des centaines d’ouvriers l’ont crainte et entendue. Elle a sonné leurs journées de labeur. Elle a aussi sonné la mobilisati­on de 1914. En 1918, elle a été remplacée par une sirène. Lorsqu’elles n’étaient pas destinées à appeler les ouvriers au travail, les cloches « civiles » étaient tout simplement là pour donner l’heure aux citoyens. La montre-bracelet n’existait pas avant le XIXe siècle. L’impératric­e Joséphine reçut l’une des premières en 1806. Alors, les tours de l’horloge renseignai­ent les habitants. Curieuse histoire que celle du clocher de l’église NotreDame de l’Assomption de Saint-Tropez! Tout le Le clocher et le campanile du village perché de Mons, dans le Haut Var, abritent trois des vingt-etune cloches varoises qui n’ont pas été fondues à la Révolution pour être transformé­es en canons. Elles datent du XVIe siècle et sont inscrites aux Monuments Historique­s. Elles portent des noms : Vénus, Musane, Marie-Anne. La Marie-Anne sonnait pour annoncer les orages. monde connaît le clocher jaune et ocre qui surgit au-dessus du réseau serré des toitures du vieux village. À son sommet, un petit campanile dessine ses lignes arrondies sur le bleu du ciel. Il est comme un signe, un phare. On l’aperçoit à des kilomètres à la ronde. Tous les peintres de SaintTrope­z l’ont représenté. Le clocher possède des horloges sur trois de ses faces et aucune sur la quatrième. Il y a une étonnante explicatio­n à cela : les Tropéziens ne voulaient pas que l’heure soit donnée aux habitants de la cité rivale de Sainte-Maxime qui se trouvaient en face et n’avaient pas d’horloge à leur église !

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6 La tour de l’horloge d’Aups a été érigée au XVIe siècle. 5 A Plan-de-la-Tour, le clocher va engendrer un conflit entre le maire et le curé 3 Noël Blache, avocat et maire de Besse-surIssole, déclenche en  une affaire qui aura des échos jusqu’à...
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