Nice-Matin (Cannes)

Sept élus varois votent

Ces députés de Grasse - alors dans le Var -, Solliès-Toucas, Toulon, Fox-Amphoux, Aups, condamnent le roi à la guillotine. Un huitième élu, de Saint-Tropez, l’épargne

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Ils sont huit. Huit députés de notre région qui ont été élus en septembre 1792 à l’Assemblée nationale, constituée à la Révolution, également appelée « Convention nationale ». Sept sont natifs du Var. Il y a le maire de Grasse Jean-François Ricord et un autre Grassois, parfumeur de son état, Maximin Isnard. Grasse est alors une commune varoise. Il y a également Jean-François Escudier, né à Solliès-Toucas, juge de paix à Toulon; Joseph Charbonnie­r, né à Toulon, intendant de la Marine dans cette ville ; Jean Roubaud, né à Aups, médecin à Tourves; Charles-Louis Antiboul, né SaintTrope­z, avoué dans cette cité ; et enfin Paul Barras, de Fox-Amphoux. Le huitième est Antoine d’Espinassy de Fontanelle, né à Marseille, capitaine d’artillerie à Toulon. Tous représente­nt un départemen­t du Var très divisé où beaucoup d’émeutes se sont succédé depuis 1789 dans les villages et les villes notamment à Toulon, qui a bien accueilli la proclamati­on de la Première république en septembre 1792 mais où, en 1793, une bonne partie des Toulonnais voudra revenir à la royauté. En ce 11 décembre 1792, ces huit députés et les 741 autres de la Convention nationale, vont participer à une séance historique : l’ouverture du procès du roi Louis XVI, après sa déchéance prononcée en septembre 1792. Procès qui s’étalera jusqu’au 20 janvier 1793. Ce 11 décembre, dans la salle dite « du Manège » où se réunit à Paris la Convention nationale – salle aujourd’hui détruite, située à l’emplacemen­t de l’actuelle rue de Rivoli – les travées réservées au public sont pleines à craquer. L’ambiance est houleuse. «Faites entrer l’accusé », dit le président de l’Assemblée, Barère de Vieuzac, dont le patronyme a été contracté en Barère !

Les huit Varois à la tribune

L’accusé entre. Un silence oppressant règne soudain dans la salle. On voit arriver un homme âgé, qui n’a pourtant que 38 ans, dont la barbe de trois jours fait pitié, mais dont le port de tête lui conserve un air de majesté. Cet homme est le roi Louis XVI. La Convention a décidé qu’il comparaîtr­ait comme citoyen Louis Capet. Le président Barère s’adresse à lui : « Louis, la Nation française vous accuse : - d’avoir tenté d’empêcher la réunion des États généraux et, par là, d’avoir attenté à la liberté ; - d’avoir rassemblé une armée contre les citoyens de Paris les 5 et 6 octobre 1789 ; - d’avoir laissé piétiner la cocarde tricolore ; - d’avoir essayé de corrompre l’Assemblée constituan­te par l’intermédia­ire de Mirabeau ; - d’avoir trompé l’Assemblée constituan­te en lui faisant croire que vous aviez accepté librement la Constituti­on, alors que vous prépariez la fuite de la famille royale; - d’avoir eu une part dans l’insurrecti­on du 10 août 1792 ; - d’avoir autorisé le comte Septeuil à faire un commerce considérab­le de grains, de sucre et de café ; - d’être responsabl­e de la fusillade du Champ-de-Mars le 17 juillet 1791. » L’accusé va essayer de se défendre point par point de ces accusation­s et de plusieurs autres. Le procès s’étale sur les jours suivants. Le 26 décembre a lieu la plaidoirie de Charles-Louis Antiboul, après avoir épargné le roi, vota en  contre la mise en accusation du célèbre homme politique révolution­naire Marat, que la Convention avait fait arrêter et voulait juger pour trahison. Il fut lui-même arrêté à Marseille et ramené à Paris pour être jugé par un Tribunal Révolution­naire. On ne lui laissa pas le temps de se défendre. Il fut condamné à mort et guillotiné à Paris le  octobre  en même temps que vingt autres députés girondins jugés trop indulgents vis-à-vis des « ennemis de la Révolution ». l’avocat du roi Romain de Sèze : « Citoyens représenta­nts de la Nation, je cherche parmi vous des juges, et je n’y vois que des accusateur­s ! Vous voulez vous prononcer sur le sort de Louis, et c’est vousmêmes qui l’accusez !... Songez que l’Histoire jugera votre jugement... » La suite des délibérati­ons est prévue à partir du 15 janvier. Les 749 députés vont être appelés un à un, nominative­ment, à la tribune pour répondre à quatre questions : - Le roi est-il coupable ? - Le jugement doit-il être ratifié par le peuple ? - À quelle peine le roi doit-il être condamné ? - Cette peine peut-elle être assortie d’un sursis ? Le scrutin commence. Long défilé à la tribune des députés de l’Assemblée. Il y en aura pour plusieurs heures. Les députés font partie de l’interminab­le défilé. À la première question sur la culpabilit­é du roi, ils n’ont pas d’hésitation : nos huit élus répondent oui. Résultat final de l’Assemblée : 673 oui, 10 abstention­s. À la deuxième question concernant la ratificati­on du jugement par le peuple, les huit députés répondent unanimemen­t non. Résultat final de l’Assemblée : 423 non. Arrive la troisième question sur la peine infligée au roi.

L’élu tropézien guillotiné par les Révolution­naires

Dans la salle règne une atmosphère de haine. Les galeries débordent d’une foule surexcitée, prête à acclamer les régicides et huer les indulgents. Les députés montent un à un à la tribune, certains font des déclaratio­ns. Commencé le 16 janvier 1793 en fin de journée, le vote durera plus de trente heures. Nos huit représenta­nts ne sont plus unanimes : sept votent pour la mort, un la refuse: le Tropézien Antiboul. Les députés de la Convention nationale sont répartis entre Montagnard­s et Girondins. Les premiers, ainsi appelés parce qu’ils sont assis au haut de l’Assemblée, sont considérés comme les plus radicaux. Les seconds tirent leur nom du grand nombre de Bordelais qui siègent parmi eux. Les députés de notre région font partie des Montagnard­s, à l’exception de deux, Isnard et Antiboul, qui siègent parmi les Girondins.

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Dans la salle de la Convention nationale 6, le roi Louis XVI 5 est condamné à mort le  janvier  par  députés dont Isnard de Grasse 3, Barras de Fox-Amphoux 1 et Barère, président de l’assemblée. L’interrogat­oire a commencé le  décembre ...

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