Les réponses aux questions que tout le monde se pose
Erwan Lestrohan, directeur d’études à l’institut de sondages BVA Opinion, nous décrypte, chiffres à l’appui, les résultats du premier tour de la présidentielle.
Quel avenir pour le PS ?
«Benoît Hamon a récolté 2,2millions de voix. C’est à peine plus que le nombre de votants à la primaire de la gauche. Cela s’explique notamment par un réflexe de vote utile. Il y a eu une grosse déperdition du vote socialiste vers Mélenchon et Macron. Et cela se retrouve dans les chiffres : 48 % des sympathisants socialistes ont voté Macron, 24% Mélenchon, et seulement 21 % pour Hamon. Pour le PS, il s’agit de retrouver une vision et un projet fédérateurs en vue des législatives. Mais on ne peut pas prédire que le PS soit complètement à la traîne comparé aux autres. Cela ne dit rien non plus sur l’avenir du parti. Il faut voir désormais ce que les militants souhaitent adopter comme ligne directrice entre les deux tours. »
Comment expliquer la dynamique Mélenchon ?
«Il a récolté près de sept millions de voix. C’est trois millions de plus qu’il y a cinq ans. Il a réussi à capter les abstentionnistes mais aussi le vote des catégories populaires (24% des employés et ouvriers). C’était aussi le candidat des jeunes de 18 à 24 ans qui ont voté à 27% en sa faveur. Il est très bien placé également dans les foyers à bas revenus, avec 28 %, juste derrière Marine le Pen (30 %). Le problème qui se pose pour lui aujourd’hui, c’est qu’il n’a pas créé de passerelle avec les autres candidats et reste isolé en vue des législatives, tant dans sa posture à l’égard de l’Europe que dans sa lutte contre le déficit public. »
La droite est-elle trop déchirée pour être encore réconciliable ?
«La ligne qu’a soutenue François Fillon et les affaires qui l’ont rattrapé expliquent en partie cette désaffection électorale. Car le candidat LR n’a capté que 53% des votes des sympathisants de droite et du centre. Alors qu’à titre de comparaison, le score de Marine Le Pen est de 91 % à ce niveau. Pour elle, on peut parler d’une réelle dimension hégémonique. Aujourd’hui, les Républicains doivent se retrouver autour d’une figure et s’entendre sur un projet plus rassembleur. En parlant par exemple à la droite plus modérée, sachant que Fillon n’a récolté que 11 % des voix des moins de 50 ans. D’où la nécessité de parler aux Français les plus jeunes mais aussi les plus précaires. »
Les Républicains peuvent-ils rebondir aux législatives ?
« Bien sûr. Le 1er tour n’augure rien pour les législatives, même si ce mauvais score prive le parti d’une dynamique qui aurait pu être instillée lors de cette campagne d’entre deux tours. Après, l’ancrage local des candidats remet les choses à plat et permet aux Républicains d’envisager ces législatives avec un minimum de sérénité. Mais c’est sûr qu’en étant dominés par le FN, les Républicains n’arriveront pas en position de force. »
Que penser du score du Front national ?
« Avec 7,1 millions de voix, le FN n’a jamais été aussi haut dans une élection nationale. C’est très au-dessus de 2012 (6,4 millions de voix) ce qui s’explique par une assise extrêmement populaire. Le FN a engrangé 37 % des voix des « CSP– », dont 45% des votes ouvriers. L’électorat du FN s’est surtout montré très mobilisé pour ce scrutin. »
Marine Le Pen peut-elle devenir présidente ?
«La question est de savoir si elle dispose d’un réservoir de voix suffisant et si son score est susceptible de progresser. Avant le premier tour, nos derniers sondages disaient qu’en cas de duel Macron Le Pen, 43 % électeurs de Fillon voteraient pour Macron, 16% pour Le Pen, et 41 % s’abstiendraient ou voteraient blanc. La question de la mobilisation va être un sujet à surveiller ces deux prochaines semaines. L’autre élément important concerne le choix des électeurs de Mélenchon. Dans quelles mesures vont-ils se mobiliser pour faire barrage au FN au 2nd tour ? »
Doit-on s’étonner de la victoire de Macron au er tour?
Il était le favori des sondages. Même s’il faut noter qu’il reste un candidat qui a été choisi un peu par défaut. 29% de ses électeurs disent avoir voté pour « le moins pire». C’est surtout un candidat qui plaît aux cadres et aux urbains. Mais il a été élu autour d’un certain pragmatisme et du renouveau qu’il a su incarner. Sa base électorale s’est confortée dans les dernières semaines puisqu’il a bénéficié alors des affaires de Fillon et du ralliement de Bayrou. 79 % de ses électeurs se sont décidés dans les deux derniers mois (contre 31% pour Le Pen). Sa grande force est d’avoir réussi à rassembler les Français, en devenant le réceptacle des déçus de la radicalité des candidats socialiste et républicain. La question, désormais, c’est de savoir quelle est sa perméabilité avec les différents partis, ce qui dira alors sa capacité à dégager des majorités aux élections législatives.