Les Macronistes à petit pas, Fillon à buffet froid...
À Cannes, le candidat LR conserve son leadership, mais son élimination a douché les enthousiasmes. Les partisans de Macron, troisième ici, savourent un avant-goût de victoire
Pff, c’est fou, je ne réalise pas encore… Je suis très fier de nos concitoyens et croyez-moi, Macron, ça va changer le monde ! (sic) ». Un verre de blanc à la main, Niels Cohen, 26 ans, ne célèbre pas l’arrivée en tête de Macron en marchant, ni en courant. Le jeune responsable du comité cannois s’est tranquillement attablé à la crêperie de la rue Buttura, devenu QG d’une vingtaine de Macronistes locaux. À ses côtés, Philippe Buerch, délégué régional de La Droite avec Macron, dont l’étude de notaire est voisine de l’établissement. Pas besoin non plus de marcher longtemps pour prendre l’apéro, avec assiette de charcuterie en prime. « Vous vous rendez compte, ça fait trente ans que le PS et LR se partagent le pouvoir et le pays. Ce soir, nous assistons enfin à l’émergence d’un nouveau mouvement démocrate, humaniste et européen, se réjouit l’ancien membre de l’UMP. Et même si leur champion n’est arrivé qu’en troisième position (18,07 %) à Cannes, nettement distancé par François Fillon (34,81 %) et Marine Le Pen (25,11 %), cela suffit au bonheur des Macronistes, tout emplis d’admiration pour le nouveau « golden boy de la politique française ».
« L’humain au coeur »
« Au-delà du clivage gauchedroite et malgré les exigences de sécurité et d’autorité, Emmanuel a réussi à remettre l’humain au coeur de la politique, souligne Philippe Buerch. Moi, je suis séduit par la dimension intellectuelle du candidat, qui a fait un travail colossal pour en arriver là». Et derrière l’icône Paris Match, un vrai mouvement ? « Je suis convaincu qu’il s’agit d’une vraie recomposition politique, avec une nouvelle donne et de nouveaux visages» , conclut l’ex-candidat malheureux aux législatives et aux municipales à Cannes, qui postule à l’investiture législative pour En Marche. Les petits fours et le champagne, ce sera donc pour plus tard. Mais les Macronistes savourent déjà ce petit avant-goût de victoire. Même à petits pas.
Soupe à la grimace
Changement de décor, comme d’atmosphère, à la permanence Nouvelle Énergie de David Lisnard, rue des Suisses. Seul un rai de lumière qui filtre à travers la porte laisse à penser qu’il y a quelqu’un. Le buffet est pourtant là, comme au soir euphorique du 27 novembre dernier, où la sortie des primaires semblait mener François Fillon tout droit vers l’Élysée. Mais le buffet est froid, quasiment pas consommé. Et pour les rares militants de « veille » dans ce local déserté tôt par le député Bernard Brochand, l’amertume prédomine. Le score réalisé par Fillon à Cannes, en particulier à la pointe Croisette ou en centre-ville, ne panse pas la plaie profonde de son élimination au premier tour. « Fillon, c’est la défaite d’un homme, mais ça doit néanmoins obliger toute la droite républicaine à faire son autocritique, il faut une remise en question à tous les niveaux », soupire Eric Elbaz, militant LR du quartier… République. Lui votera Macron, au 2e tour. Mais ce n’est pas le cas d’un couple, qui dénonce des médias assassins pour Fillon. Contrairement aux consignes de Bernard Brochand, ceux-là envisagent déjà d’apporter leurs voix à Marine Le Pen, plutôt que de lui « faire barrage ». Ah, le Front National. Même si sa progression a été relativement contenue à Cannes, il s’ancre dans les quartiers populaires comme la Bocca, Ranguin ou la Frayère, où Marine se permet de devancer Fillon dans plusieurs bureaux de vote, alors que les scores de Mélenchon entérinent la disparition du PS à Cannes, déjà observée au niveau municipal. Pas de quoi consoler les militants LR, décidément. Ces derniers n’avaient pas la Nouvelle Énergie prônée par le maire David Lisnard pour se coucher tard, dimanche soir.