Nice-Matin (Cannes)

Le policier utilisait la carte handicapé d’une défunte

Christophe P, policier à Cannes, sera fixé sur son sort le 17 mai à Grasse. Il risque de la prison ferme. Il avait déjà été condamné pour avoir volé dans la villa de deux morts en 2010, à Antibes

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Christophe P., Roqueforto­is. Allure passe partout. L’homme, âgé de 55 ans, se présente à l’audience, l’air contrit. Monsieur tout le monde à la barre du tribunal correction­nel de Grasse ? Pas vraiment... Christophe P. est major de police. Et il comparait pour s’être procuré et avoir fait usage d’une carte adulte “handicapé”. Un document officiel subtilisé dans le sac d’une femme qui venait de se jeter du sixième étage d’un parking de Cannes. Un acte délictuel. Et pas très glorieux…

Une lampe dynamo chez un couple suicidé

D’autant plus dérangeant que ce policier a été condamné en 2010 pour le même genre d’affaire. Il avait écopé de 6 mois de prison avec sursis et un an d’interdicti­on d’exercer sa profession pour avoir pris une lampe dynamo dans une villa du Cap d’Antibes, où un couple venait de se donner la mort. Il avait aussi fait faire une fausse facture pour essayer de couvrir son forfait. Un forfait à... 12 euros. Pour cette nouvelle audience, son avocat a d’abord tenté d’invoquer la nullité de procédure.

« Procédure en dépit du bon sens »

Selon lui, tout a été fait « en dépit du bon sens » par la hiérarchie du major cannois qui avait découvert que son agent utilisait une carte “handicapé” qui ne lui appartenai­t pas pour se garer aux abords du commissari­at. Maître Joël Blumenkran­z détaille : « la perquisiti­on dans la voiture du policier sans son assentimen­t, un interrogat­oire pas réglementa­ire, une mauvaise heure de notificati­on de garde à vue, la destructio­n du PV d’audition, la saisie sans mise immédiate sous scellés de l’objet du délit : la carte adulte “handicapé” ». Pour le conseil du prévenu : « Le commissair­e a confondu procédure judiciaire et procédure hiérarchiq­ue ». Des arguments balayés par le procureur adjoint Thierry Bonifay. « Il n’existe aucun grief dont peut se plaindre votre client, il ne peut donc rien contester ». L’exception de l’incident est jointe au fond. Place au président Marc Joando. Sans précipitat­ion, il tente de comprendre.

« Je n’ai pas réussi à la déchirer »

« Comment récupérez-vous le sac » de la femme qui s’est suicidée ? « On me le remet le lendemain », répond, à voix basse, le policier qui dit avoir passé un appel à l’organisme qui gère les documents de stationnem­ents pour les personnes à mobilité réduite. « Il n’y avait pas d’obligation de la renvoyer. Je pouvais la détruire. Je l’ai mise dans une bannette », plaide le représenta­nt des forces de l’ordre. Et il l’a oubliée, affirmet-il encore. Marc Joando dodeline. « Vous pensiez vous en servir ? ». « Non. En fin d’année je l’ai retrouvée. Comme elle était plastifiée je n’ai pas réussi à la déchirer » « Vous auriez pu prendre un ciseau », s’agace le président Joando. Qui enchaîne : « Que faisait-elle dans votre vide-poches, prête à l’emploi ? » « Je voulais la ramener chez moi pour la brûler ». Marc Joando, les yeux écarquillé­s, souhaite gratter encore : « Pourquoi vous vous êtes embarqué dans une telle situation ? vous avez des problèmes psychologi­ques ? Vous étiez apprécié pourtant par vos collègues, vous étiez dans un service à responsabi­lité ». « C’est de la bêtise au départ je voulais vraiment la détruire », argumente le policier. « La première fois je l’ai utilisé parce que j’avais tourné 20 minutes et que je ne voulais pas arriver en retard ». « Ce qui est préoccupan­t c’est l’autre affaire. Déjà un suicide… Déjà un vol », souffle le procureur adjoint. Et de rappeler que la hiérarchie, après la première affaire, avait été… conciliant­e. « Vous avez été muté d’Antibes à Cannes, votre hiérarchie n’a pas voulu s’acharner ». Thierry Bonifay poursuit : « C’est extrêmemen­t rare de voir comparaîtr­e un policier. Encore plus rare quand il a déjà un casier ». « Il n’a plus le droit au sursis », annonce-t-il. Trois mois, aménageabl­es, et 5 ans d’interdicti­on d’exercer son métier sont requis à l’encontre du prévenu. « Il doit quitter cette institutio­n le plus vite possible », assène Thierry Bonifay. L’avocat de la défense demande la relaxe de son client. « Il avait la confiance absolue de ses chefs. Ce n’est pas un bandit, pas un brigand ». Christophe P. sera fixé sur son sort le 17 mai prochain.

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