Nice-Matin (Cannes)

Le Cannois Boudina, des flirts au djihad

La cour d’assises de Paris se penchait hier sur la personnali­té du Cannois Ibrahim Boudina, entre conquêtes sentimenta­les et intérêt tardif pour la religion

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Quand Ibrahim Boudina parle de « conquêtes », il ne pense pas au djihad… mais à ses amours. Il a raconté hier ses « succès », aux assises de Paris où il est jugé avec dixneuf autres membres présumés de la filière djihadiste de Cannes-Torcy. « Là, c’est le coup de foudre » : large sourire, cheveux noués en queue de cheval sur un blouson noir, l’accusé, 26 ans, semble très à l’aise à la barre. Un rien cabotin, il raconte son dernier amour, les joues soudain empourprée­s. Il sait qu’il n’aura pas à répondre aujourd’hui de son départ en Syrie – seize mois dans les rangs d’un groupe djihadiste entre septembre 2012 et janvier 2014 – l’audience du jour étant consacrée à sa personnali­té.

Décrochage scolaire et petits boulots

Après avoir rapidement évoqué sa naissance à Alger, un père plombier et une mère aide-soignante qui émigrent, l’arrivée en France, à Cannes, quand il a trois ans, puis le décrochage scolaire et les petits boulots qui s’enchaînent, le président annonce que l’on va aborder sa vie sentimenta­le. « Ah, grand sujet, ça », sourit Ibrahim Boudina. Il se souvient de Salomé, de Barbara – «Ça n’a pas collé» –, puis de relations éphémères avant le départ en Syrie, où il a épousé Zieneb. Il relate avoir rencontré un ambulancie­r en sortant de l’hôpital où il était allé soigner une blessure après l’ explosion d’un char. L’ambulancie­r lui présente sa soeur. «C’est pas comme ici, où tu rencontres des femmes dans la rue, tu parles, tu dragues quoi. Là-bas, il faut voir le papa, le frère… Ça a pris quinze jours de négociatio­n. » De cette union naîtra un fils, âgé aujourd’hui de trois ans et dont il n’a «aucune nouvelle », sa mère étant toujours en Syrie. C’est finalement en prison, où il se trouve depuis son retour en France, qu’il a «le coup de foudre » pour Farah, l’amie d’une de ses ex-compagnes : « On se parlait beaucoup, franchemen­t, ça a été le coup de foudre. » L’accusation, qui a «un peu perdu le fil de [son] actualité sentimenta­le », veut savoir comment il l’a rencontrée. «Ah, on se parlait au téléphone quand j’avais mon portable en prison » – il a depuis écopé d’une peine de six mois ferme pour détention de téléphone.

Il n’avait « rien compris » au Coran

Il ne veut pas en dire plus. Une fois, la jeune femme, entièremen­t voilée, est venue discrèteme­nt le soutenir à l’audience, restant au fond de la salle. Avant Farah, Ibrahim avait eu une relation avec Zohra, une jeune femme qui a récemment comparu au tribunal correction­nel pour avoir tenté de gagner la Syrie fin 2013. Elle voulait rejoindre un mari épousé religieuse­ment via Internet, puis avait « divorcé ». Lassée des « conquêtes » ,la cour attaque sur le djihad et la pratique de l’islam. Ibrahim Boudina, qui encourt une peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle, décrit une famille musulmane «de tradition», qui fait « les trucs de base : la prière, le ramadan… » C’est la rencontre avec un jeune converti lors de vacances à Marrakech qui lui « ouvre les yeux » sur sa propre religion, «l’obligation» de faire sa prière: «Je me suis dis, tu sais quoi, vingt minutes par jour [de prière, Ndlr] , ça fera de moi un bon musulman. » Il a 19 ans et se met à lire le Coran – «Je n’ai rien compris ». Il apprend via des ouvrages de vulgarisat­ion, se met à fréquenter la mosquée de Cannes, où il retrouve plusieurs de ses copains d’enfance. C’est avec l’un d’eux, Abdelkader Tliba, qu’il partira en Syrie, par «altruisme», « solidarité », selon lui. Il conteste le mot «djihad» («lutte»), lui préférant celui de « qital » (« combat »), contournan­t une question des parties civiles sur la mort en martyr. Avant de partir en Syrie, le beau gosse du groupe avait laissé un «testament ».

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 ?? (Photo d’illustrati­on AFP) ?? Arrêté en février  à Mandelieu-la-Napoule, Ibrahim Boudina était parti en Syrie en septembre , où il avait rejoint les rangs du Front al-Nosra (ci-dessus, l’un des combattant­s de cette ancienne branche d’al-Qaïda).
(Photo d’illustrati­on AFP) Arrêté en février  à Mandelieu-la-Napoule, Ibrahim Boudina était parti en Syrie en septembre , où il avait rejoint les rangs du Front al-Nosra (ci-dessus, l’un des combattant­s de cette ancienne branche d’al-Qaïda).

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