Le vote Macron par l’entrée des artistes
Hier soir à Avignon, mobilisation de plusieurs poids lourds du spectacle vivant en Région Paca pour convaincre leurs collègues tentés par l’abstention. Une performance difficile
Répétition générale, hier soir, à La Fabrica, cette salle aménagée dans un quartier populaire d’Avignon, où les artistes répètent d’habitude les spectacles qui défieront le mistral dans la cour d’honneur du Palais des papes. Rôles inversés, Christian Estrosi dans celui de metteur en scène, les grands noms du spectacle vivant en Paca autour de lui, coudes à coudes, front contre front, pour roder les arguments qui font mouche avant le second et dernier acte de la présidentielle. Belle distribution: Michel Boujenah (Ramatuelle), Daniel Benoin (Antibes), Irina Brook (Nice), Jean Flores (Grasse), ou bien encore Charles Berling (Toulon, en vidéo).
Un déclic anti-FN qui n’est plus automatique
Un gros casting pour une performance difficile: convaincre le monde de la culture de voter Emmanuel Macron au second tour. Comme un seul homme. Parce que ce candidat «qui voulait être comédien aime la culture et veut la défendre?» L’argument, signé Daniel Benoin, est timidement repris par ses voisins. Le problème pour Macron, c’est qu’il ne suffit plus, comme en 2002, de brandir la menace d’une victoire lepéniste – Jean-Marie il y a 15 ans, Marine aujourd’hui – pour mobiliser les artistes. Le déclic électoral anti-FN n’est plus automatique. Christian Estrosi s’en est ému : «Quand le père fait 20 %, il y a beaucoup de courageux pour défendre la République. Quand la fille est à 40 %, le courage se raréfie.» Belle réplique, un brin bravache, destinée à piquer un électorat qui a massivement voté Mélenchon le 30 avril. Pas un public facile pour un élu Les Républicains même si, en 2015, il avait déjà convaincu, aux régionales, un grand nombre d’hommes et femmes de théâtre à faire barrage au Front national.
La grippe et le choléra
Quand les artistes parlent aux artistes, cela donne: Charles Berling (solennel) sur «les méfaits incommensurables que l’élection de Marine Le Pen pourrait provoquer dans notre pays» .OuMichel Boujenah (doux-amer): «mettre sur le même plan Macron et Le Pen me donne l’impression de devenir fou. La peste et le choléra ? Le Pen, c’est la peste et le choléra. Macron, c’est peutêtre la grippe». Colère rentrée, il ajoute: «ces derniers temps, des hommes politiques de droite et de gauche ont montré de la dignité. Et il y a des hommes politiques de droite et de gauche qui ont montré de l’indignité.» Lors de cette soirée, Marine Le Pen n’a pas grappillé de voix dans la salle. Reste à savoir combien Emmanuel Macron en a gagné. Directrice de La Criée à Marseille, Macha Makeïeff a eu les applaudissements les plus nourris de la soirée pour un texte écrit pour l’occasion, qui commence par ces mots : « Le flirt avec l’abîme, une passe avec le diable. Ça fait mal comment, le néofascisme ? Ce vertige délétère que donne la posture du ni-ni, un petit jeu pervers pour se faire peur et exister dans un fragment de nihilisme, le coup de latte à l’avenir de nos libertés et à notre pays aimé. Masochisme ? Morbidité passagère qui nous prendrait ? Ô les fallacieux prétextes de l’interstice désastreux »...