Nice-Matin (Cannes)

Entre deux titres : retour sur l’histoire de l’entre-deux-tours!

À J - 4, il s’agissait de ne pas se tromper dans le titre de une, au lendemain du débat entre les deux finalistes. Les lecteurs ont bien jugé le « Corps à corps » choisi par la rédaction

- F. R.

Corps à corps! » Vous avez été quelques-uns seulement à juger le titre du choc de mercredi soir – pas Monaco-Juventus, mais l’autre entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron... – un peu «court» , ne faisant référence ni à la confrontat­ion de deux visions pour la France ni à la victoire – titre forcément subjectif dans ce cas – de l’un(e) sur l’autre. Toutefois, pour la majorité des lecteurs, il résume parfaiteme­nt l’empoignade à laquelle 16 millions de téléspecta­teurs ont assisté, souvent médusés et atterrés, laissant une impression de combat devant des journalist­es-arbitres impuissant­s... Et les programmes dans les vestiaires! Pour Denis Carreaux, directeur des rédactions de Nice-Matin/Var-matin ,ce titre contraint – comme tous les titres – par la dimension de la une du journal, a été réfléchi mais s’est imposé naturellem­ent et assez rapidement : « Cette expression qui claque est le reflet, nous a-t-il semblé, exact de ce débat, âpre, violent, plus dans l’attaque/riposte que dans l’explicatio­n de textes, posée, pédagogiqu­e, présidenti­elle! De mémoire, je ne me rappelle pas d’une confrontat­ion d’entre-deux tours où il y a eu autant d’attaques ad hominem, occultant en partie les programmes... » Il conclut : « Qu’il y ait des différence­s, cela est évident. Aussi nous avons privilégié le regard sur l’ambiance et là, le titre s’est imposé. Ce débat allait audelà de la passion, naturelle, il était l’expression d’un combat ». Ce titre nous a donné envie de plonger dans l’histoire des six précédents débats et d’exhumer les manchettes de votre journal que l’on peut grouper en 5 catégories (1).

Le titre constat

C’est celui de cette élection, défendu par Denis Carreaux – « Corps à corps » – et de celle de 1974 : « Face à face passionné » pour résumer la confrontat­ion cinglante, et de haute tenue, entre deux fins lettrés, Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand.

Le titre engagé

Il n’y en eut qu’un, en 1981, à l’issue de la revanche entre Giscard et Mitterrand. Titre (historique) du journal du 6 mai 1981 : « Giscard meilleur que Mitterrand ». On sait ce qu’il est advenu.

Le titre passe-partout

Il fut utilisé à deux reprises. En avril 1988, à l’occasion du débat Mitterrand-Chirac, avec un « Le choc des différence­s » qui ne mangeait pas de pain, tout comme, 7 ans plus tard, en mai 1995 avec ce « Deux politiques pour la France » pour résumer l’affronteme­nt austère – les deux candidats s’étant entendu pour éviter les «petites phrases » – entre Jacques Chirac et Lionel Jospin.

Le titre énigmatiqu­e

Pour ne pas dire abscons, comme ce « Tout est dit ! », barrant la une du journal du 3 mai 2007, au lendemain du débat entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy...

Le titre interrogat­if

C’était en 2012. Après un débat normal entre François Hollande et Nicolas Sarkozy, le journal s’adressait aux lecteurs : « Vous ont-ils convaincus ? » C’était peu convaincan­t. À l’image du débat d’alors ? De chaque débat, on retiendra également une petite phrase largement relayée par toute la presse : « Vous n’avez pas le monopole du coeur » (De Giscard à Mitterrand, 1974) ; « Vous ne voulez pas parler du passé. […] C’est quand même ennuyeux que, dans l’intervalle, vous soyez devenu l’homme du passif » (De Mitterrand à Giscard, 1981) ; « Cesoir,je ne suis pas le Premier ministre et vous n’êtes pas le président de la France, nous sommes deux candidats... » ,dit Chirac à Mitterrand en 1988, et ce dernier, amusé et meurtrier : « Vous avez tout à fait raison Monsieur le Premier ministre... » ; « Il vaut mieux cinq ans avec Jospin que 7 ans avec Jacques Chirac », du premier au second en 1995 ; « Vous n’avez pas besoin d’être méprisante pour être brillante », glisse Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal en 2007, qui se signalera en criant à trois reprises : « Non, je ne me calmerai pas… » ; en 2012, la presse avait retenu trois minutes de « Moi, Président... » du futur président « normal », François Hollande, face à un Nicolas Sarkozy muet, comme assommé. On ne peut pas dire que, mercredi soir, les candidats ont lâché une petite phrase ciselée pour la postérité. Ils étaient trop dans le combat corps à corps. Finalement, donc, c’était un bon titre ! À défaut d’être un bon débat, dont on a pu apprécier le décryptage dans les pages intérieure­s. Heureuseme­nt, pour notre gouverne... Une dernière remarque, sur un titre encore, celui de Monaco-Juventus, en demi-finale de la Ligue des champions (0-2). Seuls les lecteurs des éditions de Menton et Monaco-Matin ont eu droit en une à cet énorme « Mona... KO ». Cruel, mais là encore tellement juste.

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