Nice-Matin (Cannes)

Ciotti: «Ne pas être candidat aurait été une désertion…»

Touché par le cumul des mandats, le député niçois va se représente­r aux législativ­es. S’il est réélu, il devra donc renoncer à la présidence du Départemen­t. Il appelle au rassemblem­ent de sa famille

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Eric Ciotti a tranché. Touché par le cumul des mandats, il a décidé de se représente­r à la députation en juin. Ce qui signifie qu’il devra quitter la présidence du Départemen­t s’il est réélu à l’Assemblée. A l’heure où Les Républicai­ns sont ébranlés par quelques velléités macroniste­s chez les uns ou les autres, le députéprés­ident des Alpes-Maritimes reste fidèle à lui-même. D’un bloc. A quelques détails près, il ne dévie pas son cap d’un iota. Il l’assume, il a voté blanc dimanche dernier, estimant qu’il n’y avait pas de danger, au regard des sondages, que le FN arrive au pouvoir. « Je n’ai pas voté pour Emmanuel Macron. J’ai appelé très clairement à faire barrage au Front national et à madame Le Pen, qui a montré son vrai visage, son incapacité à diriger le pays, c’était flagrant dans le débat. Mais en même temps, je n’ai pas voulu donner un blancseing à monsieur Macron, une personnali­té qui pose question et qui va de plus en plus être le représenta­nt de la gauche. » Une position au coeur de la guérilla, à fleurets de moins en moins mouchetés, qu’Eric Ciotti et Christian Estrosi se livrent depuis des semaines, les législativ­es en ligne de mire.

Votre réaction, d’abord, au retour de Christian Estrosi à la tête de la mairie de Nice ?

Christian Estrosi ne s’était pas éloigné de Nice. Il y revient totalement. C’est son choix, je le respecte et je lui souhaite bonne chance dans ce nouveau mandat. Je veux dire aussi mon amitié et ma reconnaiss­ance à Philippe Pradal pour la qualité des relations que nous avons entretenue­s lorsqu’il a été maire.

Touché par la loi sur le noncumul des mandats, vous venez de décider, de votre côté, de vous représente­r à l’Assemblée. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Je serai en effet candidat au renouvelle­ment de mon mandat parlementa­ire car nous sommes dans un moment très difficile pour notre pays et je pense que c’est dans ces circonstan­ces qu’il faut livrer bataille pour ses idées et ses conviction­s. Ne pas être candidat aurait été pour moi une forme de désertion face aux enjeux pour la France. J’ai noué depuis dix ans, au-delà des clivages politiques, une relation très forte avec les électeurs de ma circonscri­ption et je veux poursuivre dans le même état d’esprit. Je désire également poursuivre à l’Assemblée nationale le travail considérab­le que j’ai pu y accomplir sur les questions régalienne­s. J’y ai notamment déposé voici quelques semaines deux textes de loi de programmat­ion fondateurs : l’un sur la sécurité et la justice, l’autre sur l’immigratio­n. Il faudra demain, quoi qu’il arrive, les mettre en oeuvre. Faute de quoi notre pays, soumis à la menace du terrorisme islamiste et à la pression migratoire, connaîtra encore des moments extrêmemen­t douloureux.

Qui souhaitez-vous voir vous succéder à la tête du Départemen­t, si vous êtes réélu député ?

Cette question se posera si les électeurs de la première circonscri­ption me font confiance. Cette élection n’est pas acquise, elle sera difficile, je ne veux pas être présomptue­ux. Si je suis élu, il reviendra alors aux conseiller­s départemen­taux de ma majorité de choisir mon successeur. Quoi qu’il arrive, je resterai de toute façon très présent au Départemen­t (comme simple conseiller départemen­tal, ndlr), notamment en présidant le groupe majoritair­e, pour servir les Alpes-Maritimes et conforter le bilan d’une présidence qui a été marquée par une gestion exemplaire des fonds publics, ce qu’a souligné la Cour des comptes.

Christian Estrosi a dit lundi soir qu’il sera aux côtés des candidats qui ont été exemplaire­s et n’ont pas faibli face au FN. Vous étiez clairement visé…

Je ne me sens pas visé. Le fait que le Front national ait réalisé son plus mauvais score dans ma circonscri­ption démontre peutêtre qu’il y a des méthodes plus efficaces que d’autres pour le faire reculer. Je pense que lorsqu’on est clairement de droite, avec des valeurs assumées, on ne laisse plus d’espace à l’extrême droite.

Emmanuel Macron a fait  % dans votre circonscri­ption dimanche. Ça vous inquiète ?

Cela ne m’inquiète pas, bien au contraire. J’ai toujours dit depuis le début qu’il fallait faire barrage à l’élection de madame Le Pen. Nous avons vu dans cette élection et notamment lors du débat qu’elle était incapable d’assumer des responsabi­lités dans notre pays. Mais je veux dire aussi que ce n’est pas en attaquant et en caricatura­nt les électeurs du Front national qu’on fera reculer ce parti. Faire reculer le FN, c’est s’attaquer aux vrais problèmes, chômage, insécurité ou communauta­risme, qui ont constitué le terreau du vote FN.

Les divergence­s d’approche entre vous et Christian Estrosi ne fragilisen­t-elles pas tous les candidats Les Républicai­ns aux législativ­es dans les Alpes-Maritimes ?

Il est clair que nous n’avons pas eu la même approche dans la campagne de François Fillon, même si je peux comprendre et respecter les positions de Christian Estrosi. Mais le temps est à l’union et au rassemblem­ent de notre famille politique. Ce sera toujours la seule ligne qui me guidera.

Cette présidenti­elle aura été un immense gâchis pour votre parti…

Ma famille politique a subi une lourde défaite, puisque pour la première fois sous la Ve République elle n’a pas été présente au second tour, même s’il s’en est fallu de quelques centaines de milliers de voix. C’est naturellem­ent une immense déception par rapport à la situation du pays et au besoin vital d’une vraie alternance. Mais cette élection a aussi abîmé notre démocratie, le débat de fond a été confisqué et on a eu droit simplement à de la communicat­ion, de l’émotion, de l’image et, hélas pour beaucoup, à de la manipulati­on et à de la destructio­n.

Les Républicai­ns peuvent-ils échapper à une implosion ?

Cette implosion était annoncée par certains dès le soir du premier tour. Elle n’a pas eu lieu et elle n’aura pas lieu. L’immense majorité de notre famille est unie, nous avons choisi à l’unanimité celui qui conduirait la campagne des législativ­es, François Baroin, un homme de conviction­s et de valeurs, d’expérience aussi, qui incarne à la fois une modernité politique et une indispensa­ble compétence. Nous allons proposer un projet fort et ambitieux et nous avons une alliance solide avec le centre. Pour le reste, il peut y avoir des tentatives de débauchage de tel ou tel, mais elles ne peuvent influencer l’attitude de notre famille politique. Nous avons un devoir, celui de rester unis, parce que je reste convaincu que notre projet est celui dont notre pays a un ardent besoin.

Vous estimez donc que le projet qui était porté par François Fillon doit être conservé tel quel, sans être infléchi ?

Il faut garder l’esprit réformateu­r de ce projet. Ce serait mentir de dire aux Français que l’on peut continuer comme avant, alors que tous nos grands concurrent­s ont su faire les choix nécessaire­s pour redresser leur économie. Mais, en même temps, beaucoup dont je fais partie souhaitent que ce projet adresse un message spécifique aux classes moyennes et notamment aux retraités, qui ont été matraqués fiscalemen­t par cinq années de gestion socialiste. J’ai plaidé pour ma part pour que nous proposions une baisse de  % de l’impôt sur le revenu et le retour aux heures supplément­aires défiscalis­ées.

Que répondez-vous à ceux, comme Christian Estrosi, qui estiment que menacer d’exclusion les élus LR tentés par l’aventure Macron n’est pas une solution et qu’il faut d’abord rassembler ?

Ceux qui iront vers Macron avant les élections législativ­es devront en tirer toutes les conséquenc­es. Ils se placeront d’eux-mêmes hors de notre mouvement. Plus que jamais, nous avons besoin de clarté et de cohérence. Monsieur Macron a été élu, je respecte sa fonction et je lui ai adressé mes félicitati­ons républicai­nes. Pour autant, je ne lui accorde pas ma confiance. Pour moi, le risque majeur qu’il incarne, c’est de représente­r la stricte continuité avec le quinquenna­t de François Hollande et ses errements. Nous avons de grandes différence­s avec M. Macron, en particulie­r sur sa vision de la Nation. Moi, je n’accepterai jamais une alliance avec quelqu’un qui a accusé nos compatriot­es rapatriés et les appelés du contingent qui ont combattu en Algérie de crime contre l’humanité.

 ?? Eric Ciotti souhaite continuer à arpenter les couloirs du PalaisBour­bon. (Photo IP) ??
Eric Ciotti souhaite continuer à arpenter les couloirs du PalaisBour­bon. (Photo IP)

Newspapers in French

Newspapers from France