Nice-Matin (Cannes)

Ridley Scott: “Les gens sont pervers” Notre avis

- PHILIPPE DUPUY

De Ridley Scott (USA). Avec Michael Fassbender, Katherine Waterston, Billy Crudup. Durée :  h . Genre : science-fiction. Notre avis : ★★★

79 ans, sir Ridley Scott ressuscite, une fois de plus, son monstre préféré dans Alien: Covenant, la suite de Prometheus… Qui lui-même était le « prequel » du premier Alien .Une suite très réussie et très effrayante, plus noire encore que les épisodes précédents. C’est pourtant un réalisateu­r d’excellente humeur et pour tout dire presque guilleret, que l’on a retrouvé pour parler de son nouveau film…

Quel genre d’esprit faut-il avoir pour inventer un monstre comme Alien ?

Je dois avoir l’esprit tordu, je vous le concède. Mais l’effet produit par Alien a largement dépassé mes espérances dès le début. Je me souviens d’une projection­test du premier film, dont j’étais sorti un moment parce que je trouvais le temps long. Quand j’y suis revenu, c’était la scène des oeufs. J’étais sur le côté de l’écran et je voyais les gens, dans la salle, éclairés par l’écran. Un gars a crié «Ne regarde pas là-dedans!» et, bien sûr, quand la créature a surgi de l’oeuf, les spectateur­s ont eu un mouvement de recul. Au premier rang, une femme est carrément tombée du fauteuil et son compagnon la retenait par le bras comme si elle allait se noyer. Je me suis dit, « Ça va trop loin là ! ». Pourtant, le film a eu le succès que l’on sait. Les gens sont pervers ! (Rires).

Qu’est-ce qui vous fait peur ?

Arriver sur un plateau ou  personnes vous attendent pour se mettre au boulot, ça, c’est assez effrayant. Sinon, je suis plutôt immunisé contre les phobies communes. Ça ne m’empêche pas de penser que si on découvre des mondes habités dans l’espace, on n’aura pas intérêt à faire les malins car les extraterre­stres sont sans doute beaucoup plus intelligen­ts et avancés que nous. Et on ne sait pas, non plus, ce qui se cache dans les gouffres marins inexplorés. On sait que des créatures vivent sur les bords de cratères volcanique­s sous marins, où la températur­e est infernale. Qui sait de quoi elles seraient capables si on les remontait à la surface… Le futur apparaît à la fois terrible et merveilleu­x. Songez qu’on sera peut-être immortels en . Difficile de dire si c’est une perspectiv­e heureuse ou effrayante... Cinq ans après Prometheus, dans lequel étaient livrées quelques clés sur les origines d’Alien, on retrouve avec plaisir notre monstre favori. Il a colonisé toute une planète qui ressemble à la Terre comme une soeur. Malheur à l’équipage du Covenant qui va y mettre les pieds en espérant trouver sa Terre promise… Alors que Prometheus pêchait par une mythologie trop compliquée et un abus d’effets numériques, Alien : Covenant revient aux fondamenta­ux de la saga avec un maximum d’action, de massacres, de suspens et de terreur. Tourné dans de vrais décors, avec un minimum de fonds verts, le film est aussi une réussite sur le plan esthétique. Noir, sanglant et désespéré, il réinstalle Alien dans toute sa majesté. On attend déjà la suite.

Alien a beaucoup évolué depuis le premier film. Dans celui-là, il a presque forme humaine…

J’ai toujours à coeur de ne pas lasser le public. Il connaît bien le monstre désormais. Il faut donc lui offrir de nouvelles formes si on veut continuer à capter son attention et que la vision de la créature ait toujours un fort impact sur son esprit.

Quelles étaient vos motivation­s artistique­s en réactivant la saga Alien à ce stade de votre carrière ?

Je trouvais qu’il y avait plein de questions qui restaient en suspens à la fin du premier film, auxquelles les films suivants n’avaient pas répondus. D’où venait ce vaisseau ? Qui était le pilote ? À quoi devait servir sa cargaison d’oeufs ? Si je devais relancer la saga, il faudrait répondre à ces questions. C’est ce que j’ai essayé de faire avec Prometheus et Alien : Covenant. Si on parle de moi et de mon inspiratio­n comme auteur de films, je dirais que suis comme les requins : je dois rester en mouvement, sinon je meurs.

Que signifie ce titre : Covenant Dans le film, c’est le nom du vaisseau dans lequel ont embarqué   pionniers, partis coloniser une planète dans l'espace. Il y a, évidemment, un sous-texte religieux. On peut, bien sûr, se demander si la volonté de l’Homme d’explorer l’espace n’est pas une manière pour lui d’aller jouer sur le terrain de Dieu ? Mais je suis, quant à moi, agnostique. J’ai tendance à considérer que la religion est la plus grosse farce qui a été faite à l’humanité.

? jpdupuy@nicematin.fr

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(Photos Production)
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