Génération Macron
Il y a deux façons de lire la liste des candidats investis par La République en marche pour les législatives de juin. La première, c’est de constater que comme promis, la génération Macron marque un profond renouvellement du personnel politique. C’était un choix : le taux de « recyclage » est faible. Vingt-quatre parlementaires sortants, tous socialistes ; un seul membre du gouvernement (l’écologiste Barbara Pompili) ; peu de personnalités de notoriété nationale, hormis François de Rugy, ancien candidat à la primaire de gauche, Richard Ferrand et Christophe Castaner, piliers de la maison Macron. C’était aussi une obligation : n’ayant que treize mois d’existence et n’ayant jamais concouru à aucune élection, En Marche !, par définition, ne peut pas s’appuyer sur un stock d’élus aguerris. Les trois quarts de ses candidats n’ont aucun mandat, la moitié n’en ont jamais eu. Ils sont jeunes ( ans en moyenne, contre pour les députés sortants), majoritairement venus de la société civile ; hommes et femmes à égalité. Quelques noms sortent du lot : le mathématicien Cédric Villani, dans la circonscription d’Orsay et Saclay, ça a du sens. La plupart – qu’ils nous pardonnent – nous sont totalement inconnus. Leur score donnera la mesure de la dynamique créée par la victoire d’Emmanuel Macron. Si dynamique il y a.
Mais cette liste peut et doit également « Les trois quarts se lire en de ses candidats creux : aussi (et peut-être plus) intéressante n’ont aucun mandat, est la la moitié n’en ont
liste des circonscriptions jamais eu. » non pourvues. Ces cases blanches esquissent le périmètre de la majorité parlementaire que voudrait bâtir Emmanuel Macron. Elles jouent en somme le rôle des cases noires des grilles de mots croisés : elles dessinent le cadre. On notera d’abord qu’aucun candidat n’a été investi contre Manuel Valls – manière habile et élégante de clore un feuilleton très humiliant pour l’intéressé –, ni contre Marisol Touraine, Myriam El Khomri et Stéphane Le Foll, trois figures du quinquennat Hollande. Encore plus parlant : La République en marche, pour l’heure, ne présente personne dans les circonscriptions de plusieurs ténors des Républicains, candidats ou non à leur réélection mais tous réputés macrono-compatibles et prêts, sous conditions, à sauter le pas. Outre Bruno Le Maire, il en va notamment ainsi de Nathalie Kosciusko-Morizet, des lemairistes Franck Riester, Thierry Solère ou Arnaud Robinet, du juppéiste Benoist Apparu. Et surtout du maire du Havre, Edouard Philippe, très proche d’Alain Juppé, et fréquemment cité comme Premier ministrable. Pas besoin de faire un dessin. Comme le dit Richard Ferrand, il s’agit de « maintenir un espace vivant permettant la recomposition ». En clair : creuser les lignes de clivage qui sont apparues au PS et à LR. Favoriser l’émergence de deux pôles de rassemblement symétriques destinés à asseoir la majorité en épaulant, sur sa gauche et sur sa droite, le futur groupe REM. Ce ne serait pas du luxe, vu les épreuves qui guettent le nouveau Président, quand bien même son parti décrocherait le jackpot – la majorité absolue –, ce qui est très loin d’être acquis. Les négociations vont bon train. Elles sont liées au choix du Premier ministre et à la composition du futur gouvernement. Le Président devra jouer serré. L’équation n’est pas simple. Grignoter la droite sans paraître se livrer à un simple débauchage (une « prise d’otages », dit Baroin), ni heurter les électeurs de gauche qui ont fourni le gros de ses voix. Récupérer une partie du PS sans perdre le talisman du renouveau qui a fait son succès. Et aussi prendre en compte le paramètre Bayrou, qui semble avoir été un peu oublié dans l’opération. Le président du Modem sait ce que Macron lui doit. Il entend être payé de retour et ne veut pas être le cocu du mariage à trois qui se dessine. Il l’a fait savoir hier avec éclat. La recomposition est un combat.