Nice-Matin (Cannes)

Tous les enfants en sont accros

Ce gadget apparu il y a quelques semaines à peine est en rupture de stock dans presque tous les magasins de la Côte. Focus sur cette drôle de toupie qui fait tourner la tête de nos enfants et ados

- ALICIA VOLTURO ET ERIC GALLIANO

Arno ne sait pas trop bien pourquoi, mais à l’entendre, le hand spinner «c’est trop cool ». Et même s’il ne sait pas trop comment, non plus, il l’affirme du haut de ses six ans: «On peut faire plein de figures avec. » Arno a été contaminé par ses frères plus âgés qui, eux aussi, ont succombé à cette nouvelle folie des cours de récré. Le hand spinner n’est rien d’autre qu’une petite toupie plate montée sur roulement à bille que l’on fait tourner entre deux doigts. Rudimentai­re… Et rudement efficace! En quelques semaines ce gadget bon marché venu d’Amérique a rendu accro des millions d’enfants à travers le monde. La Côte d’Azur n’échappe pas au phénomène hand spinner.

Ruptures de stock

Derrière la caisse du magasin Kiffeur, à Cagnes-sur-Mer, un petit stand dédié aux hand spinners aété aménagé pour répondre à la demande croissante de la clientèle. «On les a reçus il y a quinze jours. On m’a dit que c’était la nouvelle folie. Au début je n’y ai pas cru», reconnaît Philippe Ankry, le gérant qui a « quand même voulu essayer ». Bien lui en a pris: «Ma fille a vendu tout le stock dans la cour de récré, c’est là que j’ai compris l’ampleur du phénomène. On écoule environ 30 hand spinners par jour, et on est en permanence en rupture de stock.» Même son de cloche chez les grands distribute­urs. Les magasins La Grande Récré du Polygone Riviera et de Saint-Laurent-du-Var sont régulièrem­ent dévalisés. Sylvie Toesca, la responsabl­e du JouéClub Contesso, dans le centre-ville de Nice, explique en avoir reçu 700 l’autre jour: «On les a mis en rayons à 11 heures et à 15 heures il n’y en avait plus un ! En ce moment, j’ai un peu l’impression de passer ma journée au téléphone à répondre à des clients qui veulent savoir s’il en reste», souffle Sylvie Toesca dont la boite mail déborde aussi de propositio­ns de fournisseu­rs qui tous se disent prêts à répondre à la demande : «J’en reçois cinquante par jour!» La hand-spinner-mania a créé un véritable marché : « On en trouve désormais de toutes les couleurs, à paillettes et même avec des leds qui s’allument en tournant!»

« Ce n’est pas un jeu dangereux, mais… »

Le tout pour la modique somme de 4 à 9 euros, du moins en magasin (voir ci-dessous). C’est peut-être là l’une des rançons de son succès : le prix ! «Cela y fait énormément , explique Sylvie Toesca. Les parents se disent pour une fois qu’ils me demandent quelque chose de pas cher…» Du coup ils succombent plus facilement. Le côté déclinable à l’infini et donc collection­nable, ainsi que le format poche, transporta­ble partout y compris à l’école, font le reste. Didier Giaufer, secrétaire départemen­tal du Snes ( Syndicat national des enseigneme­nts de second degré), a vu débarquer cette drôle de toupie jusqu’au lycée où il enseigne. Lui n’y voit que la version moderne d’un jeu vieux comme l’école : « Les élèves faisaient déjà virevolter Aurélie, elle aussi, n’a pas su résister à l’appel du hand spinner. Son fils lui en a demandé un. Elle a cédé. Seul hic, les boutiques ayant été dévalisées c’est sur le Net qu’elle a commandé le sien : « 20 €, c’est ce que j’ai payé », explique cette maman qui tombe un peu des nues en apprenant que le prix moyen de ces toupies de plastique, pour la plupart produites en Chine, leur stylo autour de leur pouce. Aujourd’hui le stylo est remplacé par ce gadget.» Sans grande conséquenc­e sur la vie scolaire? « Ce n’est pas un jeu dangereux, souligne ce profession­nel, mais cela reste un objet extérieur que l’on introduit au sein de l’établissem­ent, contrairem­ent à un objet détourné tel qu’un stylo. Tant qu’il reste cantonné aux cours de récré ce n’est pas un problème. En tout cas ça pose bien moins de problème que les téléphones portables qui prennent des photos, des vidéos. Maintenant s’il venait à y avoir 20 ou 30 élèves qui s’amusent à le est en réalité trois à quatre fois moins élevé !

Plusieurs dizaines voire centaines d’euros Du moins pour le modèle de base. Car la folie du hand spinner est telle que ce gadget, qui ne semble faire l’objet d’aucune protection intellectu­elle, est en fait commercial­isé par une ribambelle de sociétés, voire de particulie­rs, qui ont flairé le Né aux États-Unis dans les années , le hand spinner est une sorte de roue à trois branches, qui tourne autour d’un axe central grâce à une série de roulements à billes. Ce gadget a été créé par une mère de famille pour parer aux troubles de l’attention de son enfant autiste. Son invention n’étant plus protégé depuis qu’elle a cessé de payer les droits d’enregistre­ment auprès des organismes garantissa­nt la propriété intellectu­elle, cette maman américaine risque fort de ne toucher aucunes royalties sur les millions de hand spinners qui se vendent aujourd’hui. Ce gadget a en fait, récemment, été remis au goût du jour, apparemmen­t à la faveur d’un congrès sur l’autisme qui s’est tenu en avril dernier. Des vidéos vantant les vertus relaxantes du hand spinner avaient été mises en ligne. La Toile et ses bloggers s’en sont emparés. À l’image de Dr Nozman qui en a fait « l’objet le plus satisfaisa­nt au monde » sur sa chaîne YouTube qui compte près d’, million d’abonnés.

faire tourner en classe, ou que des versions bruyantes arrivent sur le marché, ce serait autre chose. » Mais Didier Giaufer ne doute pas que ses collègues y mettraient le holà. En tout cas, pour l’heure, le rectorat des Alpes-Maritimes, n’a pas enregistré de remontées particuliè­res de la part des chefs d’établissem­ent. Ce n’est peut-être qu’une question de temps, car 32 % des lycées américains ont déjà décidé d’interdire les hand spinners dans leur enceinte. bon filon. Il se crée tous les jours de nouveaux hand spinner, dans divers matériaux, coloris, formes... Et les modèles customisés voient leur prix grimper en flèche. D’autres profitent simplement de la pénurie pour faire de la surenchère. En parcourant la Toile on peut ainsi voir des annonces aux tarifs hallucinan­ts allant de quelques dizaines d’euros à plusieurs centaines. Sans aller jusqu’à de telles extrêmes, une rapide recherche sur un site français au nom évocateur qui se présente comme la référence du hand spinner montre qu’il est en fait hébergé au Canada et que l’adresse à Paris à laquelle il fait référence sur sa homepage est en fait une société de domiciliat­ion qui héberge plus de 900 entreprise­s. Une simple boîte aux lettres en somme.

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(Photo Cyril Dodergny) La hand-spinner-mania fait tourner les petites têtes azuréennes.
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(Photo Dominique Agius) L’antistress made in USA.

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