Nice-Matin (Cannes)

Trois ans ferme à un jeune chauffard

Un chauffeur de VTC niçois avait percuté deux jeunes sur la Prom’ à Nice, prenant la fuite et traînant le scooter sur 1,7 kilomètre. Il a été arrêté à la barre. Face à sa victime en fauteuil

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

L’instant est saisissant. Imed Ben Ammar, 35 ans, est face à ses juges. Fin de l’audience, dans quelques secondes. Debout à la barre, il affiche une allure impeccable dans son costume sombre. Mais son attitude est raide, sans émotion apparente : le visage qu’il a offert pendant toute l’audience. Derrière, Aurore, Niçoise de 26 ans, visage encadré par des cheveux blonds éparpillés en mèches disparates. Une jeune femme douce au regard épuisé. Suspendue aux lèvres de la présidente. Un élément détonne dans ce tableau: ce fauteuil roulant qu’elle a avancé au plus près pour entendre. Celui que cette jeune femme, dont la vie n’était jusque-là que promesses, ne peut plus quitter depuis que Imed Ben Ammar l’a fauchée le 23 mars dernier. Elle espère pouvoir remarcher. Il est hélas trop tôt pour le savoir. Laurie Duca, la présidente du tribunal correction­nel de Nice, prend la parole. Le prévenu, qui comparaiss­ait libre, ne voit pas l’escorte policière se rapprocher dans son dos. Ses avocats ont compris. « Monsieur Ben Ammar, vous êtes condamné à dix-huit mois, dont douze ferme. Vous partez en prison pour un an. Votre permis est annulé avec interdicti­on de délivrance pendant un an.» Clic-clac. L’acier des menottes enserre ses poignets.

Un véritable « gymkhana »

Est-ce un sourire que l’on a cru voir s’esquisser sur le visage d’Aurore ? Le procureur Jean-Michel Prêtre en personne, n’avait requis « que » douze mois dont quatre ferme. La salle d’audience bruisse encore d’une rumeur surprise, que Ben Ammar sort mains dans le dos, pour rejoindre la maison d’arrêt. « Justice a été rendue », murmure la jeune femme. Le 23 mars, à une heure du matin, ce chauffeur de VTC de Carros avait follement zigzagué sur la Promenade au volant de son van noir Mercedes. Lancé dans un véritable « gymkhana», comme le décrira la présidente, avant de percuter, au niveau de l’aéroport, le scooter conduit par Aurore. Derrière elle se trouvait son ami Mehdi, 27 ans. Deux jeunes dont la vie va basculer au sens propre comme au sens figuré. Projetés à 200 mètres de l’impact. Elle gisant, pantin ensanglant­é, sur la voie centrale. Six fractures, quatre ouvertes. Lui, affalé sur la voie de gauche. Épaule fracturée, vertèbres en miettes. «À ce moment-là, j’essaye de me relever, j’en suis incapable, la seule chose dont je me souviens, c’est que je pensais qu’elle était morte », a témoigné hier Mehdi. Imed Ben Ammar, lui, est loin. Il parcourt 1,7 kilomètre avec le scooter sur le capot, puis dans la calandre. Il ne se rendra pas. Ira même jusqu’à

faire réparer son véhicule prétendant avoir heurté un caillou. Interpellé grâce aux caméras de la ville, il ne reconnaîtr­a pas les faits, ni en garde à vue ni lors de la première audience de renvoi. Il est apparu hier réservé, voire froid, malgré le fait et

c’est nouveau, qu’il reconnaît les faits. Me Aurélie Huertas, pour la partie civile, plaidera avec sensibilit­é, évoquant un accident « gravissime aux conséquenc­es dramatique­s ». Et de conclure: «Ilessaye de nous expliquer, qu’il est mal, torturé, je ne crois pas

que ce soient de véritables aveux. » À l’évidence, le tribunal non plus. Me Jean Boudot, l’avocat de Ben Ammar, a annoncé son intention de faire appel.

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