Il était une fois Cannes
Avec ses soixante-dix ans, l’événement le plus médiatisé de la planète après les jeux Olympiques se rit des outrages du temps. Gilletta en est le témoin passionné au travers d’un livre qui fait la part belle à des images de légende
En 1946, le Festival du film ouvre ses portes. Dès les premières éditions, un style s’impose : mélange de glamour absolu et de décontraction sur fond de palmiers et de palaces. Sur les écrans éclate la beauté sculpturale de Sophia Loren dans L’Or de Naples de Vittorio De Sica tandis que Dora Doll se rend à la plage en peignoir de bain en traversant la route sans être inquiétée par la circulation ni par les badauds. Le nouvel ouvrage des Éditions Gilletta fait appel à des collections prestigieuses : Paul Louis et toute la dynastie Traverso, qui couvriront le Festival de ses débuts jusque pendant près de trente ans, seront parmi les plus talentueux témoins de ces années lumière. Instants volés, sourires complices…, rien n’a échappé à leurs objectifs. De Jeanne Moreau, debout sur une table de banquet pour fêter le triomphe des Amants, au couple de légende formé par Romy Schneider et Alain Delon, éblouissant de jeunesse et d’insolente beauté.
Années érotiques
Vingt ans après la première édition, Raquel Welch, dont la sublime plastique aura traumatisé une génération de mâles, remet à Claude Lelouch, à peine âgé de vingt-huit ans, la Palme d’or pour Un homme et une femme. Les festivaliers repartent en fredonnant « Chabadabada... » 1969 restera dans toutes les mémoires comme l’année érotique par excellence : Gainsbourg et Birkin affichent leur amour bohème qui incarne à la perfection le célébrissime « sea sex and sun ». Outre-Atlantique, on n’est pas en reste de l’esprit seventies. De Joan Baez à Peter O’Toole, le futur Lawrence d’Arabie, en passant par Paul Newman et un certain Steven Spielberg, qui remporte le Prix du scénario en 1974, l’Amérique se fait une place de choix dans le palmarès cannois. Les années 80 voient défiler des stars planétaires venues d’Hollywood. Francis Ford Coppola vient en famille présenter Apocalypse Now, Bob Fosse, accompagné de Jessica Lange, finit palmé avec All that Jazz tandis qu’Orson Welles, ovationné pendant plus d’une demi-heure lors de la clôture du Festival en 1983, savoure cette consécration historique. Vedettes et jet-set, avec la même jubilation, montent le tapis rouge, symbole absolu de mondanité. On se rappelle d’ailleurs avec émotion l’arrivée souveraine de Lady Di et du prince Charles en 1987, qui ruina les photographes de presse : 30 000 francs de pellicule furent dépensés en quelques secondes… Les images, elles, firent le tour de la planète. Les auteurs de ce livre, Philippe Dupuy, Jean-François Roubaud et Julien Camy, journalistes cinéphiles passionnés de la première heure, donnent à lire les plus belles pages de ces moments exceptionnels.
Stars et strass font bon ménage
Amateurs de sensations fortes, Johnny Depp et Kate Moss défrayent la chronique festivalière : la suite présidentielle qu’ils ont dévastée s’en souvient encore… L’histoire ne dit pas si c’est à Cannes que Bratt Pitt rencontra Angelina Jolie, mais c’est ensemble qu’ils revinrent en 2006 pour la sélection de Babel. Reste que le Festival, incroyablement divers, inventif, exigeant et ouvert sur le monde, récompense des films plus intimistes ou à caractère fortement engagé, comme ceux des frères Dardenne ou de Ken Loach. Car derrière ses paillettes, ses starlettes et ses fêtes, Cannes n’oublie jamais l’essentiel : le cinéma, rien que le cinéma. Dans le plus beau décor naturel du monde. Et c’est tout le mérite de ce livre que d’offrir aux amoureux du septième art une remarquable synthèse de ce Festival mythique.