Nice-Matin (Cannes)

Joaquin Phoenix : Ghost in the Hell

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Tellement surpris d’être récompensé, Joaquin Phoenix s’est excusé de recevoir son prix baskets aux pieds. Il avait « renvoyé ses souliers vernis» avant la cérémonie ! « Mes chaussures ne sont pas de circonstan­ces… Je suis sans voix». Mais il aurait tort d’être désolé. Dans You Were Never Really Here, son personnage distribue les coups (de marteau), mais sa prestation a mis une grosse claque aux festivalie­rs. L’acteur américain y réussit la prouesse d’être déjà (quasiment) mort. Joe est un antihéros. Vétéran d’Afghanista­n, ancien agent du FBI, le voilà désormais employé pour arracher des fillettes aux réseaux de prostituti­on. Mais sa lourde carcasse traîne déjà toutes les victimes qu’il n’a pu sauver par le passé, ainsi que les traumatism­es d’une enfance blessée. Fantôme erratique, dont la vie ne tient qu’à un sac plastique qui n’a pas suffi à le suicider. Mort vivant aussi mutique que violent, Joe est en quête désespérée de sa propre rédemption, voire de sa résurrecti­on. Chevelure et barbe christique, la peau lardée de cicatrices, le regard las et la silhouette massive, Joaquin Phoenix nous engloutit dans cette ronde funèbre. Hypnotisan­t sur tous les plans de ce polar elliptique et stylisée, signée Lynne Ramsay. On pense évidemment à Travis Bickle, autre antihéros de Taxi Driver, « un de ces personnage­s qui m’ont donné envie d’être acteur», reconnaît Joaquin. Romantique paumé dans Two Lovers, méchant Impérial dans Gladiator, le Phoenix a peut-être convoqué ses propres spectres (son frère River mort d’overdose, ses parents adeptes d’une secte…) pour incarner desperado Joe…

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