La classe sur le toit-terrasse
Quand on m’a dit «On va tous assister au Grand Prix d’un endroit différent », autant vous dire que je n’étais pas forcément hyper-enchanté. Mais bon, c’est le métier qui veut ça. Alors je me suis mis en quête d’un endroit sympa. Parce qu’à Monaco, on sait se mettre bien quelle que soit l’occasion. Sur le toit-terrasse de l’Ermanno Palace, au bout de la rue Grimaldi, je trouve un spot super-VIP. Non pas qu’on s’y vautre dans le caviar et le champagne. Mais l’endroit offre une vue exceptionnelle sur le circuit et sur le port. Au-dessus, le soleil. Un open bar, un petit buffet bien sympathique et un DJ redoutable. Oui oui, un DJ. Parce qu’après la course, il y a une vie. Et on l’aime plutôt ambiance lounge, cette vie. Nous sommes une grosse vingtaine à profiter de cet endroit magique. L’accès à tous ces lieux est réglementé par des laissez-passer délivrés par la Sûreté publique en fonction de la longueur du balcon. Manière de ne pas se mettre à fredonner « Les sardines » de Patrick Sébastien. Ça collerait pas vraiment avec l’ambiance. Gucci, Saint-Laurent, Chanel, Versace, Tom Ford sont tous présents, en sacs à main, foulard, robes, baskets et autres espadrilles. Les gros cigares aussi sont de sortie. À euros la place, ça crée une sélection, forcément. Je redoutais l’ambiance guindée, genre pince-fesses, mais en fait, c’est plutôt genre « après-midi entre potes ». Tous accoudés à la rambarde (quand je vous dis que cette histoire de quota à son intérêt), nous avons une vue imprenable sur la chicane du port, la montée d’Ostende (ou de BeauRivage, je n’ai toujours pas réussi à comprendre), mais aussi sur un bout de Sainte-Dévote, et le S de la Piscine. On voit aussi les centaines (ou les milliers) de personnes entassées sur les balcons de l’immeuble voisin. Et là, quand on n’aime pas la foule, on mesure sa chance. Croyezmoi. En cas de grande chaleur, il est essentiel de s’hydrater. Ici, on respecte ces préconisations à grands coups de mojitos (ou virgin mojitos quand on travaille), de mimosas, champagne, bière ou rosé. On ose un macaron et un fraisier en verrine, histoire de rester en forme. Alors que Vettel vient de mettre la pâtée à Räikkönen, et que tous les capitaines de bateaux du port semblent s’être endormis sur le klaxon, je remarque un étonnant duo dans un coin de la terrasse. Installés à la même place que la veille (je les avais remarqués lors de mon repérage), les deux hommes dénotent un peu. Attirail aux couleurs d’une célèbre écurie, shorts cargo et baskets (mais pas de grande marque), père et fils n’ont pas manqué une miette de la course. La rumeur prétend que le jeune homme britannique a gagné au loto. On est ficanasse ou on ne l’est pas : je vais tailler une bavette avec lui. Je n’arriverai pas à savoir si la rumeur dit vrai, mais ce grand gaillard bafouille un peu quand je lui demande comment il a choisi ce spot très privilégié : « Mon père est fan de Formule . Et entre autres choses, je voulais lui offrir d’assister au Grand Prix de Monaco. » Une attention qui témoigne d’une élégance qui dépasse l’apparence. Ému, le paternel approuve pudiquement, les yeux brillants : « Et c’est un sacré beau cadeau. »