Nice-Matin (Cannes)

De l’Escarène à Toulon :

À la tête de l’Armée d’Italie, basée dans le comté de Nice, Brunet enchaîne les victoires pour la Révolution, mais sera guillotiné pour avoir refusé de combattre les insurgés toulonnais

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Avant qu’il n’arrive à Nice, le parcours du général Gaspard Brunet avait été sans faute. Né à Valençole, dans les Alpes-de-Haute-Provence, il avait servi dans l’armée française, en France et en Allemagne, était devenu administra­teur des Basses-Alpes et commandant général des gardes nationaux de ce départemen­t, puis avait été promu maréchal de camp. En 1791, il avait pris sa retraite, à l’âge de 56 ans. Et voilà qu’en 1792, la France révolution­naire décide de s’emparer du comté de Nice qui appartient alors au royaume de Piémont-Sardaigne. Le 28 septembre, quelque quinze mille hommes, commandés par le général Anselme, se présentent sur la rive du Var, qui délimite la frontière de la France, établissen­t un pont provisoire sur le fleuve et envahissen­t Nice. Les troupes sardes, commandées par le général niçois Thaon de Revel, résistent. Une fois Nice et Villefranc­he envahies, il n’est pas question pour l’armée française de s’aventurer plus avant dans les vallées de l’arrière-pays qui vont vers l’Italie. Les résistants, appelés les « barbets », y organisent leur lutte. Le général Anselme a besoin de renforts. Le chef des armées de la Révolution, le général Anne-Pierre de Montesquio­u, pense alors que le général Brunet pourrait reprendre du service. À 57 ans, le soldat est encore vaillant. Veut-il s’engager dans cette nouvelle aventure militaire ? Il est d’accord ! Il se voit confier le commandeme­nt de ce qu’on appelle l’«Armée d’Italie », basée à Nice et destinée à aller conquérir le territoire méditerran­éen du royaume de PiémontSar­daigne (lire encadré en page suivante). En février 1793, le général Brunet et ses hommes se lancent à la conquête des villages rebelles du haut-pays, afin de les intégrer au départemen­t des AlpesMarit­imes, qui a été créé par la Convention nationale, à Paris, le 4 février.

À l’Escarène, il plaide pour son armée

Ils envahissen­t la vallée de la Bévéra qui serpente au-dessus de Menton. Il fait froid, l’hiver est rude, les soldats sont mal équipés. Le 14 février, ils conquièren­t Sospel. Les 1er et 2 mars, dans le site montagnard qui surplombe la vallée de la Vésubie, ils s’emparent du village de Belvédère, chassent de cet endroit jugé imprenable cinq mille Piémontais équipés d’une solide artillerie, font deux cents prisonnier­s. Pour récompense­r ses succès, la Convention natio- nale de Paris, qui gouverne la France, nomme Brunet général en chef de l’Armée d’Italie. Le général Brunet, dont le seul portrait qu’on ait de lui le montre avec les traits d’un gentilhomm­e plutôt que d’un baroudeur, aime ses soldats. Afin d’être plus près d’eux, il transfère son quartier général de Nice à l’Escarène, village de la vallée du Paillon où ils sont stationnés. Il s’inquiète de leurs conditions de vie et fait savoir à sa hiérarchie qu’ils sont mal équipés et n’ont pas assez à manger. Il n’empêche, le 8 juin, il fait reculer les avant-postes de l’armée sarde qui se trouvent dans le massif de l’Authion, au dessus de l’actuelle station de PeïraCava. Ses récriminat­ions sont arrivées aux oreilles des deux redoutable­s hommes forts de la Révolution qui administre­nt la région, Paul Barras et Louis Fréron, et ne leur ont pas plu du tout. Tout homme qui est aux commandes et qui critique l’administra­tion de la France révolution­naire peut être suspecté Paul Barras, né à Fox-Amphoux dans le Var, élu député à la Convention à Paris en , est chargé de reprendre Toulon aux insurgés royalistes toulonnais en . C’est lui qui confie à un jeune capitaine d’artillerie, nommé Napoléon Bonaparte, la défense des côtes varoises. Une fois la ville de Toulon reprise, il y fit régner la terreur. Il fut par la suite membre du Directoire et mourut en  à Paris. d’être un ennemi ! Fréron est agacé. Il aurait bien vu son gendre, le général La Poype, à la place du général Brunet. C’est alors qu’en juillet 1793 surviennen­t de graves incidents à Toulon. Les royalistes se sont in surgés contre les révolution­naires. Barras et Fréron demandent à Brunet d’envoyer ses troupes réprimer l’insurrecti­on toulonnais­e.

Plus de   tués dans l’assaut de Saorge

Pour faire preuve de bonne volonté, Brunet fait franchir le fleuve Var à deux de ses bataillons, mais les fait arrêter à Biot et à Cannes, exprimant de fortes réserves sur l’emploi de la force à Toulon. Il a de bonnes raisons de penser qu’en cas d’interventi­on de l’armée française, les royalistes toulonnais feront appel aux Anglais pour les aider – ce qu’ils feront effectivem­ent, entraînant le siège de Toulon en septembre 1793 – et que cela débouchera sur un inutile bain de sang. Barras et Fréron considèren­t que Brunet est un traître à la Révolution. En guise de représaill­es, ils décident de diminuer les vivres de son armée. Le 17 juillet le général Brunet repart pourtant à l’assaut des gorges étroites de la vallée de la Roya dans les Alpes-Maritimes. Son but : prendre le village perché de Saorge, au-dessus des gorges du même nom, où se sont concentrée­s les troupes austrosard­es du général Thaon. Hélas pour lui, il échoue. Il doit se replier, laissant derrière lui plus de trois mille morts. Louis Fréron, qui fut avec Paul Barras, l’un des administra­teurs révolution­naires du Var, était originaire de Paris. Pendant la période de la Terreur, il s’avéra d’une particuliè­re cruauté. Il réprima avec Barras les insurrecti­ons de Marseille et de Toulon. Lors du changement d’appellatio­n des noms de villes, où Toulon fut appelée « Port la Montagne », il propose – insulte suprême - que Marseille s’appelle… « Ville-sans-Nom » !

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6 Nice en , année où la France révolution­naire décide de s’emparer de ce comté de Piémont-Sardaigne. 5 Les gorges de Saorge, théâtre d’une opération militaire très meurtrière. 3 Le général Brunet se voit proposer de reprendre du service après sa...

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