Nice-Matin (Cannes)

Trois fois en trois mois Paroles d’expatriés

- ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

L’attaque au véhicule bélier, perpétrée samedi soir à Londres, rappelle «l’opération d’écrasement» – telle que l’avait revendiqué­e Daesh – de Mohamed Lahouaiej Bouhlel, le 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais. Ce mode opératoire rudimentai­re est préconisé depuis des années par la propagande djihadiste, aussi bien celle de Daesh que celle d’al-Qaïda. C’est pourtant à Nice, il y a un peu moins d’un an, qu’il avait été mis en oeuvre à grande échelle pour la première fois en Europe. Depuis, le tueur au camion de la Prom’ a eu plusieurs imitateurs en Allemagne, en Angleterre, mais aussi en Suède.

Le message du ministre des attentats de Daesh en  La plupart de ces attaques à la voiture ou au camion bélier, souvent qualifiées d’attentats «low cost», ont été revendiqué­es par Daesh. En 2014, l’un des chefs militaires de cette organisati­on, le Syrien Abou Mohammed al-Adnani, considéré comme le chef des «opérations terroriste­s extérieure­s» de l’organisati­on djihadiste, avait appelé les «soldats du califat» à tuer les «infidèles» – «en particulie­rs les mécréants et sales Français» – de n’importe quelle manière. «Frappez sa tête avec une pierre, égorgez-le avec un couteau, écrasez-le avec votre voiture…», exhortait alors al-Adnani qui a été ciblé, le 30 août 2016, par un tir de drone américain. Ce message diffusé le 22 septembre 2014 par le « ministre des attentats» de Daesh semble avoir été entendu par un jeune Canadien qui, moins d’un mois plus tard, fauchait deux militaires sur le parking d’un supermarch­é de la ville de SaintJean-sur-Richelieu, dans la périphérie de Montréal. Ce jeune homme, dont la radicalisa­tion était connue des autorités, avait ensuite tenté de s’en prendre avec un couteau aux policiers qui le poursuivai­ent.

La piste terroriste écartée lors des précédents en France Fin décembre 2014, deux attaques, au mode opératoire apparemmen­t similaire, se produisaie­nt en France. Le 21 décembre à Dijon, en plein centrevill­e, et dès le lendemain à Nantes, sur un marché de Noël. Toutefois, la piste terroriste n’avait pas été privilégié­e pour expliquer ces drames qui avaient fait un mort et plusieurs blessés. Les deux conducteur­s n’avaient non seulement aucun lien entre eux, mais ils souffraien­t en outre de sévères troubles psychiatri­ques. L’hypothèse d’un attentat est une nouvelle fois écartée lorsque, le 1er janvier 2016, un homme fonce avec sa voiture sur quatre militaires en faction devant une mosquée de Valence. La piste terroriste est en revanche très vite retenue au lendemain de ce tragique 14 juillet 2016, qui a coûté la vie à 86 personnes sur la promenade des Anglais. Le procureur de Paris, saisi de l’enquête, évoque alors un «type d’action» en tout point conforme à ces «appels au meurtre permanents» lancés par les organisati­ons terroriste­s. Daesh, par la voix d’Al-Adnani dès septembre 2014, mais aussi al-Qaïda.

Préconisé par al-Qaïda dès  Car, bien avant Daesh, les disciples de Ben Laden avaient, eux aussi, incité leurs sympathisa­nts à commettre des attentats à l’aide de véhicules béliers. «Vous devez faire prendre un maximum de vitesse à votre véhicule afin d’augmenter votre force d’inertie et être capable de frapper autant de gens que possible…», pouvait-on lire dès 2010, dans la rubrique « Lone Djihad Guide Team» de la revue Inspire ,un organe de propagande de la filiale d’al-Qaïda dans la péninsule arabique. Si ce mode opératoire a mis plusieurs années à s’imposer, il semble être devenu, depuis l’attentat de Nice, le scénario privilégié des terroriste­s en Europe. Le 19 décembre 2016, en Allemagne, un Tunisien a foncé sur le marché de Noël de Berlin, fauchant mortelleme­nt douze personnes et en blessant 48 autres. Le 22 mars dernier, à Londres déjà, un automobili­ste converti à l’islam renversait plusieurs personnes dans le quartier de Westminste­r avant de poignarder un policier. Bilan de l’attaque, revendiqué­e une nouvelle fois par Daesh: cinq morts et des dizaines de blessés, dont trois lycéens français. Quelques jours plus tard, le 7 avril, un homme au volant d’un camion de livraison volé tuait à son tour cinq personnes en pénétrant à vive allure dans une rue piétonne de Stockholm, en Suède… Quelque   Français vivraient à Londres, parmi lesquels des nombreux Azuréens et Varois. C’est le cas de Denis, dont la famille habite dans la capitale azuréenne. Il vit depuis  ans à Londres et se rend régulièrem­ent à la City pour son travail. Le célèbre quartier d’affaires se trouve à proximité du London Bridge. Il y retournera cette semaine sans trop d’inquiétude : « On ne va pas changer notre quotidien, sinon on ne vit plus. Depuis les précédents attentats, il y a cependant plus de vigilance dans les lieux publics, notamment dans le métro. » « Les habitants de Londres ne montrent absolument pas leur peur, confirme Pauline, expatriée depuis trois ans. Ils ne souhaitent faire aucun cadeau aux terroriste­s en leur montrant le moindre signe de faiblesse. » Une autre Azuréenne, Camille, vit à Londres depuis  mois avec son compagnon. «Et nous en sommes déjà à notre deuxième attentat », souligne-t-elle. Sachant que nous habitions près de Nice et que nous avons déjà vécu une situation semblable l’an dernier. » Est-elle inquiète ? « Nous savons que nous devons être vigilants. Nous ne pouvons rien faire de plus mis à part continuer à aller de l’avant et croire à notre bonne étoile.» Pour Mathieu, un Cannois de  ans, diplômé de la fac de droit de Nice qui vit à Londres depuis  ans, l’attentat de samedi soir a rappelé celui du Bataclan. A l’époque, il habitait Paris. « Les mesures de sécurité mis en place sur Londres sont beaucoup plus visibles, explique-t-il. Les  minutes d’attente avant l’interventi­on de la police est l’exemple de son efficacité. » Ambre,  ans, habite dans le quartier de Hammersmit­h depuis près de deux ans et fréquente régulièrem­ent le London Bridge. « J’ai quitté la France à l’époque car je voulais apprendre l’anglais, mais également car je ne me sentais pas du tout en sécurité dans mon pays. J’ai décidé de partir de la Côte d’Azur à l’époque où Hervé Gourdel nous a quittés. Je l’ai dit à mon compagnon, je ne sortirai plus à Londres en période de fêtes. »

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(Photo Franck Fernandes) Nice,  juillet .
 ?? (Photo EPA/MaxPPP) ?? Berlin,  décembre .
(Photo EPA/MaxPPP) Berlin,  décembre .
 ?? (Photo AFP) ?? Stockholm,  avril .
(Photo AFP) Stockholm,  avril .

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