Douglas Kennedy : « Oui, je serai président à Toulon»
Après le Festival du livre de Nice, l’écrivain américain présente, lors d’une pause à Saint-Tropez, sa prochaine saga, et annonce qu’il sera le président du Festival du livre... à Toulon Bush était une lumière à côté de Trump”
Classe Douglas. Mr Kennedy a pris ses quartiers au Château de la Messardière avant une rencontre-dédicace organisée lundi en fin de journée place des Lices. Une venue inespérée, boutiquée par La Librairie de Saint-Tropez, dans la continuité de sa cinquième présence au Festival du livre de Nice dont il était l’une des têtes d’affiche ce week-end. À 62 ans, pantalon de treillis paré pour l’abordage mais yeux ultrasensibles au soleil, l’écrivain américain aux huit millions d’exemplaires écoulés tient à s’exprimer en français. Une langue que cet enfant de la classe moyenne new-yorkaise maîtrise finement tout au long de cet entretien durant lequel il le confirme, un Kennedy sera de nouveau président… Mais dans le Var cette fois.
Quel bilan de votre salon niçois ?
Pour moi, il est essentiel de rencontrer mes lecteurs mais il était également très important de revenir cette année après les événements du -juillet. Ironie du sort, l’ombre de Londres était partout ce week-end… Nous vivons une période très instable… C’est la maladie contemporaine.
Comment encaissez-vous la présidence Trump ?
Franchement, j’ai de la nostalgie pour George W. Bush! (rire) C’était une lumière comparée à Trump… Lorsque je l’entends parler de fermer les frontières, quelle aberration ! Le problème de l’État islamique, c’est qu’audelà de l’organisation, c’est une idée… Louer un camion et commettre un acte terroriste avec, comment peut-on arrêter ça? Face à cela, il faut préserver nos valeurs et se prémunir des dérives de leaders totalitaires. J’ai peur des gens avec des réponses définitives. D’où le titre de mon dernier livre.
Flaubert, Gide, Valéry, Simenon, Butor… Vous y citez de nombreux écrivains français. Leur importance est déterminante ?
Absolument. Balzac aussi! Je viens juste d’achever un grand roman et j’ai dit à mon éditrice, voici ma Comédie humaine. Le roman moderne a commencé avec Flaubert et Madame Bovary. C’était la première fois qu’un écrivain abordait l’ennui conjugal et le cauchemar de la vie quotidienne. Parmi les auteurs actuels, je lis aussi Modiano, Echenoz…
Quel est le postulat de cette Comédie humaine version Kennedy ?
Une fresque américaine – peutêtre un triptyque – qui s’étendra des années à la réélection de Reagan. Nous pénétrerons dans l’intimité d’une famille, un pays et ses secrets. Tout une époque à travers le destin de mes personnages. Il faudra attendre novembre , mois de sa sortie, pour en savoir plus…
Novembre sera aussi le mois de votre « investiture toulonnaise » paraît-il ?
[rire] Comment savez-vous cela ? Oui, c’est vrai, je serai président de la Fête du livre . J’aime Toulon, les contacts avec les lecteurs et ce sera la période de sortie de mon nouveau livre. Donc tous les ingrédients étaient réunis pour que j’accepte la proposition.
À la lecture de votre dernier livre, une grande empathie se crée avec votre fils Max diagnostiqué autiste…
[Très fier] Max a décroché son diplôme dans une grande école des Beaux-arts, il y a trois semaines. Maintenant, j’espère qu’il va suivre un master à l’université de Londres. Il est photographe. Il a une vie presque indépendante. Le chemin pour y parvenir a été immense – à cinq ans, les spécialistes ne nous laissaient pas beaucoup d’espoir – mais quel résultat ! Ma fille Amelia aussi est extraordinaire. Elle a une place dans un grand conservatoire d’art dramatique. Elle vit à Los Angeles, mais va passer un mois cet été dans mon appartement parisien pour apprendre, elle aussi, le français [sourire].
Vous gardez donc votre piedà-terre parisien ?
Tout à fait, depuis seize ans. Avec Berlin et Londres. J’ai aussi un passeport irlandais [ses racines paternelles, Ndlr]. Je cumule donc pas mal d’options si ça tourne mal aux États-Unis… [rire] J’ai découvert Paris grâce à Rivette, Chabrol, Godard, la Nouvelle vague… Des cinéastes dont j’allais voir les films adolescent à la cinémathèque, au sous-sol du Musée d’art moderne de Manhattan.
Écrire pour le cinéma trotte-t-il toujours dans votre tête ?
Oui. J’adore écrire des scénarios. J’ai quelque chose dans les tiroirs qui devrait se tourner en en France… L’adaptation de l’un de mes romans en série est aussi en cours aux États-Unis… Inutile d’en dire davantage car tant que l’on n’en est pas au premier jour de tournage, rien n’est gagné dans ce milieu !
Votre analyse est-elle achevée ?
Non. Je parle avec mon psy une fois par semaine. Même lorsque je suis à l’étranger. Skype, le téléphone… Nous travaillons ensemble depuis seize ans. Un écrivain me disait que s’il entrait en analyse, cela tarirait son inspiration… Pour moi, c’est exactement l’inverse. Cela me nourrit. La question primordiale est de savoir si cela vous change ou pas ? En tout cas, il est absurde de penser que l’on va enfermer dans une boîte ses démons. Je prône plutôt l’entente cordiale. En finir avec la colère qui vous ronge.
Si vous aviez un pouvoir magique, quelle personnalité souhaiteriez-vous rencontrer sous le soleil de Méditerranée ?
Définitivement Graham Greene. Il a vécu à Antibes et je suis persuadé qu’il est passé aussi par Saint-Tropez. Il est l’un de mes écrivains préférés. Très british, ouvert aux voyages, avec un style très accessible tout en ayant un point de vue éclairé sur la condition humaine. Il méritait le Prix Nobel. Il a même écrit contre Jacques Médecin (le pamphlet J’accuse: the Dark Side of Nice en ), où il dénonce un système de crime organisé sur la Côte d’Azur. Moi-même en lorsque j’étais journaliste freelance, j’avais rédigé un grand article sur l’ancien maire pour le Sunday Times. Un personnage très romanesque. C’était ma première rencontre avec Nice. À l’époque, je ne parlais pas un mot de français.
Je vais signer ma Comédie humaine”