Nice-Matin (Cannes)

Cancer: la communicat­ion et la confiance au coeur du soin Interview

Le Dr Peyrade commente une étude récente montrant que le simple fait de communique­r régulièrem­ent avec un patient traité par chimiothér­apie augmente sa survie

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Il est à l’origine, avec le Pr Guigay, de la journée régionale d’échange en cancérolog­ie (1), un événement rare, animé par des médecins, pour des patients, avec comme objectif principal: répondre aux questions, très nombreuses, que les malades n’arrivent pas toujours à poser, faute de temps, de recul, ou tout simplement d’interlocut­eur. Le Dr Frédéric Peyrade, oncologue, au centre Antoine-Lacassagne (CAL) a accepté de commenter une étude présentée à l’American Society of Clinical Oncology (Asco) prouvant qu’un simple système de communicat­ion entre patients et soignants augmente autant la survie que les meilleurs médicament­s.

Que pensez-vous cet essai?

C’est une belle étude, bien faite, mais ce n’est pas un scoop. Ce qu’elle démontre en réalité, c’est une chose très simple et que l’on sait déjà: plus on s’occupe d’un être vivant, plus longtemps il vit… C’est vrai pour l’être humain, comme pour toutes les espèces vivantes!

La relation médecin-patient, maillon essentiel de la démarche en santé ?

Fondamenta­le! Empiriquem­ent, on s’aperçoit que lorsque l’on crée du lien, les patients sont souvent plus enclins à se confier, à rapporter des effets secondaire­s, à dire ce qui ne va pas, et ce qui va… Et ça se vérifie scientifiq­uement : une thèse, conduite actuelleme­nt au CAL, a ainsi évalué les effets du rappel systématiq­ue des patients au e jour après un acte comme une chimiothér­apie, une sortie en hôpital de jour, etc. Grâce à ce simple appel, on arrive à dépister % de «correction­s» qu’on peut améliorer: depuis l’ordonnance avec un problème de date jusqu’à l’effet secondaire qui n’est pas porté à notre connaissan­ce. La personne confie: «Je ne voulais pas vous déranger, mais je vomis…», etc. Pour poursuivre ce type d’actions, il faut des moyens humains, et financiers.

Comment la communicat­ion entre médecin et patient permet-elle concrèteme­nt d’améliorer la survie?

Les traitement­s sont efficaces… si on les prend. Or, on sait que seulement % des patients en moyenne respectent scrupuleus­ement leur ordonnance, à cause des effets secondaire­s notamment. Et ça concerne aussi la cancérolog­ie. Un exemple: un malade, à la veille d’une fête de famille, alors qu’il se sent plutôt bien, va décider d’interrompr­e son traitement, pour éviter les effets indésirabl­es, type diarrhée, pendant cette période. S’il existe une relation de confiance entre patient et médecin, il est possible de combattre ces comporteme­nts. Le malade va pouvoir se confier: «J’ai une fête de famille, qu’est ce que je peux faire?», et le soignant lui expliquer qu’il existe des moyens d’éviter ces effets secondaire­s (diarrhée par exemple), à condition de respecter certaines règles, de prendre des antidotes, etc. Par contre, si ce lien n’existe pas, le patient suspendra son traitement sans en parler, persuadé que le médecin lui répondrait: «Annulez votre fête de famille, et prenez vos médicament­s. » Autre cas de figure, inverse: certains patients ne veulent en aucun cas interrompr­e leur traitement, et pour cette raison, ils minimisent les effets secondaire­s, la toxicité, voire n’en parlent pas à leur médecin. Là, aussi c’est dommage. Dans une relation de confiance, le patient peut évoquer avec son médecin des symptômes, et des solutions peuvent être trouvées, comme modifier la dose. En résumé, plus il y a du lien, moins il y a de l’angoisse, meilleure est la qualité de vie.

L’étude américaine est-elle extrapolab­le en France?

Je ne pense pas. Même si les patients français se plaignent qu’ils ont des difficulté­s à nous joindre, et ils ont raison, aux USA, on n’a tout simplement jamais son cancérolog­ue en direct au téléphone ! En résumé, chez nous, c’est compliqué, faute de temps; aux USA, ça ne se fait pas, culturelle­ment. Il faut néanmoins souligner que la méthode utilisée pour communique­r, par tablette, est intéressan­te. On aurait pu penser que les patients y seraient réfractair­es ; ça n’est pas le cas.

Dans quelques jours, se tiendra la e journée régionale d’échange en cancérolog­ie. Quelle est son ambition ?

Au cours de ces échanges, on peut recadrer le débat, expliquer là où on L’étude conduite de septembre  à janvier  a évalué les bénéfices en termes de survie d’une applicatio­n web par laquelle des malades atteints d’un cancer avancé peuvent en temps réel signaler leurs symptômes (nausées, douleurs, fatigue, difficulté­s respiratoi­res) l’équipe soignante, qui peut alors agir sans attendre. La fréquence des alertes était en général d’au moins une fois par semaine. En cas d’aggravatio­n, ils correspond­aient avec les infirmière­s par courriel, quand les malades du groupe témoin devaient en informer celles-ci par téléphone. Ce système d’alerte par une applicatio­n a permis de nettement réduire les visites aux urgences pour ces patients qui ont aussi mieux toléré la chimiothér­apie sur la durée, restant ainsi plus actifs. Tous ces facteurs ont permis un gain de % de survie ( mois comparés à  mois) associé à une meilleure qualité de vie.

en est, ce qu’on sait et ce qu’on peut espérer, calmer les angoisses, mais aussi tempérer des enthousias­mes excessifs qui peuvent aussi être délétères. Cette journée nous permet aussi de protéger les patients du charlatani­sme, de certaines prises en charge non convention­nelles. En résumé: rajouter du bon sens, du contact et de la mesure.

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