Eric Ciotti - Christian Estrosi : un partout, balle au centre ?
N’allez surtout pas croire que nous faisons une fixation... Mais il faut avouer qu’il est bien difficile de lire les résultats des législatives à Nice sans les regarder – aussi – à travers le prisme de la guéguerre Estrosi - Ciotti. Les deux hommes ne s’en cachent même plus, leur rivalité s’est exacerbée depuis un moment déjà, dès lors que leurs approches politiques ont commencé à sérieusement diverger. Pour faire simple, Eric Ciotti reproche à Christian Estrosi des zigzags et une bienveillance qu’il qualifierait volontiers d’opportuniste à l’égard du nouveau président de la République. A l’inverse, Christian Estrosi, qui s’est fait le héraut de la lutte contre le FN, s’accommode mal des positions résolument droitières de celui qu’il a fait monter en politique. Car la querelle entre les deux barons azuréens revêt également un caractère intime, sentimental, forcément impalpable vu de l’extérieur. « Qu’ai-je pu faire comme cadeaux si importants qui me vaillent tant d’ingratitude ? », s’est ainsi ému Christian Estrosi, mercredi dernier lors d’une réunion, en pensant publiquement et très fort à celui auquel il a mis le pied à l’étrier.
Ciotti a tenu le choc
Mais trêve de littérature. Dans quelle mesure les résultats du premier tour des législatives ont-ils contribué à dessiner une suprématie de l’un plus que de l’autre ? Confrontée à la jeune et photogénique avocate Caroline Reverso-Meinietti, pour laquelle La République en marche ! a mis le paquet, Eric Ciotti a fait mieux que résister dans la première circonscription, obtenant le meilleur pourcentage des candidats LR dans le département. En pleine vague dégagiste, c’est un indéniable (mais provisoire) succès personnel, dont il n’a pas manqué de se féliciter, y voyant « le choix de la fidélité à des valeurs». En l’occurrence d’autorité, de sécurité et d’identité, à droite toute, qu’il porte avec fierté et sans aucun état d’âme, quitte à empiéter parfois sur les plates-bandes du FN. Dans l’entourage d’Estrosi, certains n’ont d’ailleurs pas manqué d’ironiser sur la présence face à Ciotti d’un candidat frontiste plus « conciliant » en la personne du vétéran Jean-Pierre Daugreilh, préféré au bulldozer Philippe Vardon, parti régler le sort de Rudy Salles dans la 3e. Mais chacun ses soucis. Et ceux de Rudy Salles, député sortant blackboulé dès le premier tour, peuvent être perçus comme une forme de désaveu pour Christian Estrosi. Rudy Salles est en effet l’un de ses adjoints majeurs en mairie et Estrosi l’a toujours soutenu, d’autant plus que Vardon a fait campagne contre le candidat du « système Estrosi - Salles » . Un discours qui a visiblement porté ses fruits, quand bien même Christian Estrosi le juge nauséabond, tout en refusant les amalgames.
Les victimes de Fillon
«Comme en 1981 avec Mitterrand, explique-t-il, mais de manière amplifiée, nous venons d’assister à une vague très forte en faveur de La République en marche! Je l’avais prédite. Nos candidats victimes de cette vague sont d’abord les victimes de François Fillon et de ceux qui n’ont pas voulu voir qu’il nous fallait un autre candidat. Mes relations avec les Niçois ne s’inscrivent pas dans un schéma partisan. Elles n’ont rien à voir avec des élections législatives. D’ailleurs, sur la ville de Nice, Rudy Salles est arrivé deuxième, ce sont les communes périphériques qui l’ont privé du second tour. » Christian Estrosi se réjouit en revanche que l’autre candidate qu’il soutenait, Marine Brenier dans la 5e circonscription, malgré un score pour le moins très moyen, se soit aisément qualifiée pour un second tour a priori sans histoire. «Elle a su bien rebondir par rapport au score important de Marine Le Pen à la présidentielle dans cette circonscription. Je prends son résultat comme une marque de confiance envers le maire.»
Soutien sous condition
Et maintenant ? Outre Marine Brenier, Christian Estrosi va-t-il aussi soutenir Eric Ciotti au second tour ? La réponse est plus complexe: «Partout dans le département où nous avons un candidat LR ou REM en face du FN, je le soutiendrai. Et partout où des candidats LR affrontent des candidats d’En marche !, je les soutiendrai, à une condition : que leurs positions soient sans ambiguïté à l’égard du Front national. » Or, Christian Estrosi n’a toujours pas digéré qu’Eric Ciotti n’ait pas clairement appelé à voter Macron au second tour de la présidentielle. A ses yeux, c’est une faute. Il ne désespère pas qu’Eric Ciotti «se recentre», il l’y invite même. Mais pour l’heure, on l’aura deviné, la réconciliation n’est pas encore en marche.