Nice-Matin (Cannes)

À Drap, « les gens ont préféré aller à la plage »

Dans cette commune sans histoires de la 4e circonscri­ption où le taux d’abstention est un des plus élevés du départemen­t, on balance entre désintérêt et sentiment d’abandon

- LAURE BRUYAS lbruyas@nciematin.fr

Drap, hier en début d’aprèsmidi. Rue principale déserte, écrasée de soleil... personne. Tout juste quelques éclats qui fusent par la porte ouverte de Chez Cauvin, un petit resto pur jus de l’avenue du Général-de-Gaulle. Ici, on tape le carton au frais et… sous l’oeil de la caméra de France 3. « Voilà Nice-Matin maintenant, ben ça ! », souffle la serveuse médusée. « L’abstention ? Les élections? Ça n’intéresse que les journalist­es… », grogne un client. Antoine Curau n’est pas d’accord. Il quitte la table de jeu. «Si on perd le droit de vote, on perd tout, on est foutus!». Lui, près de 63 % d’abstention au premier tour des législativ­es, il trouve ça « bête».

« C’est à cause des politiques ! »

« Antoine, il sait de quoi il parle : il a été adjoint de l’ancien maire», renchérit Khalil, un commerçant du coin, qui se mêle à la conversati­on. « Deux mandats », renseigne Antoine qui s’est installé à Drap en 1969. Il hausse les épaules: «Les gens ont préféré aller à la plage… Ils sont désorienté­s, perdus. » «C’est à cause des politiques! Ça fait 30 ans qu’ils sont au pouvoir, les gens n’y croient plus!», intervient Khalil. « J’ai 53 ans et j’ai toujours vu les mêmes ! » « Les gens en ont marre! Un jour, plus personne ne votera et les politiques comprendro­ntpeut-être!», tranche Pierrot, 64 ans. Il lâche: « Ça fait 40 ans que je vote et 40 ans qu’on est dans la même panade». Dimanche, « pour la première fois », il n’est pas allé aux urnes. Et il ne votera plus, « c’est fini, qu’est-ce que ça va changer?». Pierrot est fatigué : « Les ouvriers galèrent, les artisans, on leur pille tous leurs bénéfices, on ne fait rien pour les travailleu­rs ! Les politiques y sont juste bons à augmenter nos impôts. » Du coup, Bettati le candidat FN, est arrivé en tête avec 30,31 %

(1) mais Pierrot «s’en fout»: «Bettati je le connais pas ! ». «Ici on est racistes, on sait même pas pourquoi… », rigole un client Ça énerve Antoine : « Les gens mélangent tout ! Drap est un village calme. La Condamine, un quartier pas pire qu’un autre… Ici, il n’y a pas de problème particulie­r… »

« Un FN connu aurait tout fait exploser »

Le centre et la Condamine, deux versants d’une même commune d’un peu plus de 4 000 habitants, sans plus d’histoires qu’ailleurs. L’abstention est un plus importante dans ce quartier, « où le taux de chômage est important », explique Mourad Fatfouta, directeur général de l’Office municipal de la jeunesse de la culture et des loisirs. La principale associatio­n de Drap travaille beaucoup sur l’insertion profession­nelle. « Le quartier est délaissé : les politicien­s sont là, à la veille des élections, font un peu de commerce, promettent et puis s’en vont. Rudy Salles parlait, l’autre jour, à L’Ariane, d’élus fantômes. Je lui ai répondu qu’il valait mieux ça que l’homme invisible ! Ici, les jeunes se sentent abandonnés. Dans leur tête, peu importe qui est élu, ça ne changera pas ! Et puis voter pour qui ? Le seul qui est venu à Drap pendant la campagne, c’est Beck… L’électeur lambda ne connaissai­t pas les candidats ». Le centre de Drap, c’est «différent», poursuit le responsabl­e associatif. «Bettati n’est pas connu, mais une figure FN locale emblématiq­ue aurait fait tout exploser… » Lui-même, le militant du devoir citoyen, n’a pas voté cette fois-ci. Il s’en va. La partie de cartes reprend. Rebelote au deuxième tour?

 ?? (Photos Frantz Bouton) ?? Centre-ville quasi désert hier à Drap. Antoine et Pierrot (à gauche) et Mourad Fatfouta (à droite).
(Photos Frantz Bouton) Centre-ville quasi désert hier à Drap. Antoine et Pierrot (à gauche) et Mourad Fatfouta (à droite).

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