Une victoire « difficile » qui présage une nouvelle guerre… fratricide celle-là
« Ici, à Nice », «avec Nice », «pour Nice »... Le nom de la capitale azuréenne résonne, haut et fort, sur le quai des Deux-Emmanuel. Il revient en boucle dans le discours d’Eric Ciotti. 21 heures à peine passées, le député sortant Les Républicains s’adresse enfin à ses militants. Ces derniers savent déjà à quoi s’en tenir. Ils n’ont guère dû patienter. Depuis la mezzanine de sa permanence, où il s’est retranché avec son état-major dès la fermeture des bureaux de vote, Eric Ciotti leur a annoncé son soulagement d’un signe entendu, quelques minutes plus tôt: un pouce levé en guise de victoire.
Elu « avec l’opposition de Christan Estrosi » Sa « plus belle victoire ». Parce que « la plus difficile aussi ». Christian (un autre), l’un de ses fidèles soutiens, en convient: le baron de la droite azuréenne « a eu quelques sueurs ». Carrément « les chocottes », estime pour sa part Marie-Christine, militante de La République en Marche! plus par fidélité familiale que par conviction : « La politique je ne m’y intéresse pas trop, mais Caroline [Reverso-Meinietti] est ma petite-cousine. Au moins, avec elle, je sais qu’on sera bien défendue…» C’était avant que le résultat ne tombe, qu’Eric Ciotti ne soit réélu pour un troisième mandat de député et que sa rivale ne « décompense ». Caroline Reverso-Meinietti ne peut s’empêcher d’essuyer une larme. Un peu par « déception » ( «on y croyait tellement fort »), beaucoup à cause de cette « émotion intime » à l’égard de « ces gens extraordinaires qui m’ont accompagnée » .Entout cas, une chose est sûre, pour la candidate de la majorité présidentielle : « cette élection aura eu le mérite de changer le visage de cette circonscription » et « la guerre est loin d’être terminée ». Caroline Reverso-Meinietti, la jeune avocate novice en politique, ne croit pas si bien dire. Car, à quelques centaines de mètres de son QG, un autre front vient déjà de s’ouvrir. Lui aussi ému aux larmes, Eric Ciotti vient de dédier cette élection à ses militants… Et à eux seuls. « Ma première victoire, je la devais à Christian Estrosi et à Nicolas Sarkozy, se souvient le nouveau député de la première circonscription. Celle-là, je ne l’ai due qu’à notre travail…» Le président de l’assemblée départementale le dit « sans acrimonie ni animosité », mais le dit quand même: cette fois il a été élu sans le maire de Nice, voire « avec l’opposition de Christian Estrosi ».
« La mairie, la mairie… » On l’aura compris, son premier coup de téléphone n’aura pas été pour celui dont il fut, jadis, le directeur de cabinet et qui lui a mis le pied à l’étrier en politique. Ce temps-là est révolu depuis un moment déjà. Mais, hier soir, on semblait même avoir basculé dans une nouvelle ère. Pas seulement parce qu’Eric Ciotti explique avoir téléphoné, en revanche, à sa rivale pour la remercier d’avoir mené cette campagne, certes difficile, avec « qualité et dignité ». Mais parce que les mots qui suivent sont lourds de sens et de conséquence : « Je préfère un adversaire dans un camp bien identifié que des pseudos amis qui vous tirent dessus », ajoute ce baron de la droite locale qui va, sans pour autant citer Christian Estrosi, enfoncer le clou. À ceux, de sa « propre famille politique », qu’il estime responsable de l’échec des candidats LR, Eric Ciotti les envoie « voir M. Macron pour prendre les petites places qui les y attendent ». «A la gamelle!», hurle un militant. Tandis que des dizaines d’autres reprennent en coeur : « La mairie, la mairie…» Le résultat de cette législative, si « difficile », vient à peine de tomber et l’on se croirait déjà engagé dans une autre campagne. Dont l’horizon n’est pourtant qu’en 2020. Eric Ciotti briguera-t-il alors le siège de Christian Estrosi à la mairie de Nice ? « Je ne répondrai pas à cette question… ce soir », balaye l’intéressé. Il est vrai que, sur le quai des DeuxEmmanuel, l’heure est plus aux réjouissances qu’à une nouvelle déclaration de guerre.