Au bout de l’interminable suspense, la victoire en marche et en nage
Le poing rageur. Le regard victorieux. Le cri de rage exprimant tant de soulagement. A 22 h 48 hier, Cédric Roussel ressemble à un tennisman qui vient de claquer sa balle de match, au terme du cinquième set et d’un échange haletant. Le dénouement fut long à venir, mais cette fois, c’est fait. A 44 ans, ce novice en politique va intégrer l’Assemblée nationale, dans le costume de député REM de la 3e circonscription. Et sa victoire au bout du suspense fait basculer dans une douce euphorie ses supporters rassemblés à Nice-Nord, au Grand Chelem. « C’est génial, oh c’est génial ! » s’exclame une militante à bout de soufle, alors que Cédric Roussel tombe dans les bras de sa suppléante Tassadit Derradj et de ses militants, lessivés. Dans ce restaurant avec vue sur les courts de tennis Gorbella, la délivrance est à la mesure du stress suscité par l’interminable attente. «Çavamieux!» , s’exclament les militants, enfin disposés à se défouler sur les petits fours.
Défaite anticipée
Paradoxe de cette victoire si longue à se dessiner : elle ne souffre, au final, d’aucune contestation. Cédric Roussel est même le député « marcheur » le mieux élu du département. Et Philippe Vardon, son adversaire frontiste, ne nourrissait guère plus d’illusion. « Je ne suis pas député », confie dès 21 h le conseiller régional FN, à l’arrivée à son QG. Dans l’immeuble Nice-Europe - les candidats de la 3e ont décidément le sens du symbole -, Philippe Vardon se veut lucide, malgré un premier résultat partiel qui le place en tête à la Trinité. Il anticipe d’ores et déjà sa « défaite, autour de 40 % ». Le résultat final lui donnera raison. A cet instant, les cadres locaux du FN se veulent pourtant prudents. A l’image de Bryan Masson, responsable départemental du FNJ 06, qui préfère saluer « l’élection de Marine Le Pen, très largement élue. » Philippe Scemama, suppléant du candidat frontiste, pointe déjà du doigt « l’abstention dramatique. Il n’y a pas de plafond de verre, mais une démobilisation des électeurs. » Assis face à l’écran, Denis Bourgoin fulmine. « 60 % d’abstention, ça veut dire que plus d’un Français sur deux n’en a rien à foutre de son avenir ! Ils sont contents : ils vont pouvoir acheter leur burka en euros », peste ce retraité de 62 ans, qui dit s’engager « pour ses enfants et petits-enfants ». Philippe Vardon, pour sa part, met en garde des parlementaires « hors sol et hors peuple ». Plus tard dans la soirée, il invitera son adversaire victorieux à « être lucide sur sa faible assise électorale ».
« C’est du bizutage ? »
Mais député, Cédric Roussel ne l’est pas encore à cet instant. Plus haut, à Nice-Nord, le candidat En marche ! ronge son frein, entouré de ceux qui ont battu la campagne pour lui. « On avait une avance intéressante au premier tour, s’interroge Florence De Peretti, animatrice de terrain. Mais on sentait que c’était dur. On disait aux gens “C’est l’homme de la photo”. Mais ils sont très sceptiques. Il va falloir leur prouver qu’on fait ce qu’on dit et qu’on dit ce qu’on fait. » La soirée avance, les résultats défilent, les faux espoirs s’enchaînent. Et toujours rien, alors que chacun guette télé et smartphones. A 22 h 24, Philippe Vardon, sur France 3, déclenche un cri de joie en annonçant la victoire de Cédric Roussel. Mais ce dernier reste calme. « Heureusement que je suis encore jeune ! C’est une forme de bizutage ? », s’efforce-t-il de plaisanter. Plus qu’une vingtaine de minutes. Et enfin, la délivrance. L’euphorie submerge la salle. Cédric Roussel étreint Georges-Claude Trova, président de comité de quartier : « On arrive en tête à l’Ariane ! » Cédric Roussel peut enfin tomber la veste et poser pour ses partisans soulagés. Le novice en politique sait qu’il sera « jugé sur ses actes ». Hier soir, il a remporté son premier combat : la victoire contre l’incertitude.