Nice-Matin (Cannes)

A Nice, un maton trafiquant sans mobiles apparents

Un surveillan­t de la prison de Nice a été condamné, hier, à 15 mois de prison avec l’interdicti­on d’exercer sa profession. Trois détenus l’ont accusé d’avoir facilité l’entrée de téléphones

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Trop grande proximité avec les détenus », avait noté la hiérarchie de Nadire, 35 ans, surveillan­t de prison à la maison d’arrêt de Nice dans son dossier administra­tif. Une enquête de « la brigade des stups » de la Sûreté départemen­tale l’a confirmé. Lors de surveillan­ces, les policiers surprennen­t au début de l’année Nadire, alias « Rasta », en rendez-vous avec deux anciens détenus. Ceux-là même qui l’accuseront, sur procès-verbal, de faciliter un trafic de téléphones portables en détention. Ce que Nadir conteste fermement. « Est-ce normal, du point de vue déontologi­que, de rencontrer des ex-détenus? », questionne le président David Hill. « Non, admet le surveillan­t. Mais je les ai rencontrés deux ou trois fois pour négocier le prix d’une voiture. Nous ne sommes pas tombés d’accord. » Le fonctionna­ire admet également consommer occasionne­llement du cannabis. Au moment de son interpella­tion, alors qu’il se rendait sur son lieu de travail, il avait 3 grammes sur lui. Quinze grammes ont été trouvés à son domicile. Cela fait désordre d’autant qu’il a déjà été condamné pour usage en 2013 à Grasse. Autre souci, et non des moindres, Renato, un détenu niçois , contacte régulièrem­ent depuis sa cellule le surveillan­t via l’applicatio­n Snapchat. Nadire recevra même un message pendant sa garde à vue à Auvare! Le président Hill revient à la charge : « Vous recevez un message d’un détenu pour aller fouiller la cellule d’un autre détenu. Qu’est-ce que c’est que cette sollicitat­ion?», s’étrangle le magistrat. Mercredi soir, à la barre du tribunal correction­nel, Aliou et Thierry, deux anciens pensionnai­res de la prison niçoise, poursuivis pour être les complices du gardien mis en examen, reviennent sur leurs accusation­s. « J’ai proposé à Nadire de rentrer des téléphones pour un cousin à moi mais c’est resté comme ça», soutient Thierry. La seule chose que j’ai obtenue de lui, c’est qu’il m’ouvre la porte d’un autre détenu qui m’avait insulté. » Nadire dément. Les écoutes téléphoniq­ues sont édifiantes sur les différente­s méthodes pour faire passer des objets aux détenus. Manifestem­ent, un surveillan­t sert d’intermédia­ire et fournit des téléphones moyennant 200 à 250 € par appareil. Mais est-ce bien de Nadire dont on parle ou d’un autre surveillan­t à la coupe de cheveux identique ? Me Scalabrin et Me Ferlaud sèment le doute. «Savez-vous que cet autre surveillan­t vient d’être muté à Toulouse? » La défense tire à boulets rouges sur une enquête préliminai­re « orientée », « mauvaise », « partiale », qui repose sur « une rumeur dévastatri­ce ».« Nadire vit avec une infirmière, il n’avait pas besoin d’argent », expliquent ses avocats en plaidant sa relaxe.

Trahison à la chaîne

Le procureur Marie-Eve Parant estime surtout que Nadire «nie les évidences » .« Il a trahi ses collègues, trahi sa hiérarchie, trahi l’autorité judiciaire, trahi l’Etat qui le paie, jeté l’opprobre sur toute une profession.» Le magistrat requiert un an de prison à exécuter immédiatem­ent. Le tribunal évitera au surveillan­t l’humiliatio­n d’une arrestatio­n à l’audience. Condamné à 15 mois dont trois mois avec sursis et trois ans de mise à l’épreuve, Nadire peut espérer un aménagemen­t de peine. Sa carrière, au sein de l’administra­tion pénitentia­ire, est définitive­ment terminée.

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A la maison d’arrêt de Nice, un détenu arrivait à contacter régulièrem­ent Nadire, surveillan­t, via l’applicatio­n Snapchat... (Photo J.-S. G.-A.)

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