Nice-Matin (Cannes)

Xavier Garcia: «Refaire du PS un parti de gouverneme­nt»

Le responsabl­e du Parti socialiste azuréen estime sa famille politique capable de surmonter ses déroutes électorale­s. A condition, dit-il, de se réformer et de réapprendr­e à vivre ensemble

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Xavier Garcia savait que la séquence électorale 2017 serait mortifère pour ses troupes. Mais le résultat a dépassé les pires cauchemars du secrétaire fédéral du PS. Avec un score moyen de 2,62 % des voix

(1) dans les six circonscri­ptions où il a présenté des candidats aux législativ­es, le Parti socialiste a touché le fond dans les Alpes-Maritimes. A la tête du PS azuréen depuis deux ans et demi, Xavier Garcia croit malgré tout son parti capable de se relancer. A certaines conditions…

Le PS peut-il se relever ?

Je pense que oui. Le PS s’est relevé de beaucoup d’épreuves alors qu’on l’avait donné moribond. La question est de savoir si nous le voulons collective­ment. La première condition pour parvenir à nous relever sera notre capacité à vivre ensemble, qui n’a pas été évidente ces cinq dernières années, c’est le moins qu’on puisse dire. Si on a cette volonté de ne pas parler à tort et à travers pour dire noir alors que le petit copain a dit blanc cinq minutes avant, on pourra se relever. Il reste des gens de qualité, un réseau important d’élus locaux et des personnali­tés de premier plan au PS. Mais une autre question va vite devenir centrale, celle du leadership, de fait très liée à celle du vivre ensemble. Il nous faut un leader capable à la fois de regagner le respect des Français et d’unir la famille socialiste. Potentiell­ement, il n’en existe pas trente-six.

L’homme ou la femme idéal(e) à vos yeux ?

Je vois bien Bernard Cazeneuve, en particulie­r. Reste à savoir si lui aura envie de jouer ce rôle.

Localement, craignez-vous une vague de départs ?

Le pire est derrière nous. Ceux qui ne sont pas partis dans l’épreuve vont rester dans les mois qui viennent. Mais si nos militants ne ressentent pas une volonté de nos dirigeants de vivre ensemble et de réformer le parti, l’hémorragie risque alors de continuer. Moi-même, j’attends beaucoup de nos instances. Elles doivent proposer de nouvelles pistes de réflexion et ne pas se contenter d’attendre les erreurs des autres.

Vous attribuez-vous une part de responsabi­lité dans la déroute ?

Oui, bien évidemment, même si nous avons été emportés par une vague nationale. Dans la préparatio­n des législativ­es dans le départemen­t, nous avons sans doute été trop attentiste­s, même si avec des candidatur­es préparées de longue date, nous ne nous en serions pas forcément mieux sortis. Je regrette aussi de ne pas avoir réussi à convaincre nos partenaire­s de gauche que nous étions dans un départemen­t un peu spécial et que partir en ordre dispersé à la bataille était un suicide collectif. Je n’ai pas su être assez convaincan­t, notamment avec Europe Ecologie avec qui on a toujours plutôt bien travaillé. Pourriez-vous être tenté par l’aventure En marche ! si les choses ne bougeaient pas au PS ? Non, je ne l’envisage pas du tout. Pour moi, le choix est entre le Parti socialiste et faire autre chose. L’action publique me passionne, mais on peut aussi être utile et faire des choses pour la collectivi­té dans un cadre associatif. Si je partais, ce serait par déception que mon parti ne veuille pas se réformer. Aujourd’hui, j’ai toujours espoir et je n’envisage pas de le quitter pour « marcher ». Pour la première fois de ma vie d’adulte, je ne me suis pas senti représenté à la présidenti­elle. Le candidat de mon parti ne représenta­it pas mes idées et je ne me suis pas retrouvé non plus dans le ni droite ni gauche d’Emmanuel Macron. Mais je suis et je resterai un homme de gauche, un socialdémo­crate, un modéré. Je ne suis pas sectaire mais mes valeurs sont à gauche, pas entre la gauche et la droite. Après, travailler localement avec des gens d’En marche!, du Modem ou des Républicai­ns modérés ne me pose aucun problème de principe. Ma famille, c’est le PS. Si elle ne fait pas les efforts nécessaire­s pour être ce qu’elle doit être, un parti de gouverneme­nt, je réfléchira­i. Les candidatur­es de témoignage, ça va un moment, mais je n’ai pas vocation à être toute ma vie responsabl­e d’un parti marginalis­é.

Des élections internes auront lieu cet automne. Serez-vous candidat à votre succession ?

Elles auront probableme­nt lieu cet automne. Mais je n’ai encore pris aucune décision. Je verrai comment les choses évolueront. Si je me sens en phase avec la tournure que prend le débat national, j’aurai sans doute envie de continuer. S’il y a beaucoup de divisions, je pourrai aussi en tirer les conclusion­s et redevenir un simple militant. Cet enjeu-là est secondaire. L’important est aujourd’hui de refaire du PS ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être, un parti de gouverneme­nt. Sur quelles orientatio­ns le PS peut-il se refonder ? La voie est étroite entre le PCF et les Insoumis d’un côté, les marcheurs de l’autre, qui vous prennent en étau… Nous nous sommes retrouvés pris en étau à la présidenti­elle, car nous nous sommes mis dans cette situation du fait du programme de Benoît Hamon, qui était trop proche de celui de Jean-Luc Mélenchon et qui a laissé un espace abyssal à Emmanuel Macron. Je pense malgré tout qu’il y a toujours eu et qu’il reste un espace entre le centre et l’extrême gauche. On a su l’occuper pendant des décennies, il n’y a pas de raison que nous ne retrouvion­s pas cet espace qui est celui de la socialdémo­cratie et de la gauche de gouverneme­nt. Je crois par ailleurs que nous n’avons jamais tiré les leçons du  avril  et que nous nous sommes reposés sur le vote utile, en disant aux électeurs : « Attention, si ce n’est pas nous, vous aurez le Front national ». Une sorte de paresse intellectu­elle s’est emparée du PS, on ne l’a pas réformé comme il le fallait, on n’a pas opéré les clarificat­ions idéologiqu­es qui s’imposaient et c’est cela qu’on paie aujourd’hui. Mais les valeurs social-démocrates sont plus actuelles que jamais et ne sont portées ni par Jean-Luc Mélenchon, ni par Emmanuel Macron.

Votre siège niçois vient de servir à accueillir des migrants. Cela participe-t-il d’une volonté de ne pas laisser le monopole du coeur à l’extrême gauche ?

Non. On n’a fait aucune publicité là-dessus, d’abord pour ne pas exploiter la misère humaine. J’ai été saisi par des associatio­ns et c’est un geste humanitair­e que j’aurais effectué y compris quand la gauche était encore aux responsabi­lités. C’était ça ou laisser les gens dormir dans la rue. Ce n’est pas un positionne­ment politique. Nous sommes des légalistes, mais en attendant que les dossiers de ces réfugiés soudanais soient étudiés, ils avaient juste besoin d’être traités avec dignité et d’avoir un toit. Il n’y a aucune leçon politique à en tirer.

A trois ans des municipale­s, le PS a-t-il des personnali­tés capables d’y jouer un rôle ?

Oui. Bizarremen­t, ça ne se voit pas compte tenu de nos résultats, mais nous avons pas mal de personnali­tés qui ont émergé localement. On voit arriver une génération de jeunes responsabl­es qui s’impliquent, sur Cannes ou Cagnes notamment. Il reste évidemment des endroits où ça sera moins évident, comme à Antibes. Mais cette génération ne suffira pas. Il nous faudra aussi créer les conditions d’alliances qui nous permettent de jouer mieux que les seconds rôles.

PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

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(Photo François Vignola) Xavier Garcia : « Une sorte de paresse intellectu­elle s’est emparée du PS. »

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