Le désir « macronien » des nouveaux visages
L’enjeu était d’importance. Quatre ministres sur du premier gouvernement Philippe avaient dû, après le deuxième tour des législatives, quitter leur ministère. Et pas les moindres, de Richard Ferrand, partisan de la première heure d’Emmanuel Macron à François Bayrou, garde des Sceaux, qui avait apporté, dès février , son appui et son alliance au futur président de la République. Autrement dit, le remaniement prévu et annoncé comme étant purement technique était devenu depuis dimanche dernier éminemment politique. Avec ce désir, « macronien » par excellence, de faire apparaître dans son équipe gouvernementale de nouveaux visages, si possible jeunes, et inconnus du grand public. Leur choix répond néanmoins à un sens subtil de l’équilibre politique. Deux ministres proches du Parti socialiste font leur entrée au gouvernement, l’une, ancienne membre du Conseil constitutionnel, Nicole Belloubet, qui hérite du ministère de la Justice et Florence Parly, ancien membre du cabinet de Lionel Jospin, de celui des Armées. Deux personnalités venant de la droite les rejoignent, Sébastien Lecornu et Jean-Baptiste Lemoyne. Quant au MoDem, il n’est pas oublié : l’arrivée de Jacqueline Gourault et de Geneviève Darrieussecq est la démonstration de la présence au « Le remaniement prévu
gouvernement et annoncé comme de deux membres du MoDem, toutes technique est devenu
deux très proches éminemment
de François politique. » Bayrou. Après le départ de ce dernier et de Marielle de Sarnez, le MoDem, avec un groupe parlementaire nouveau et important, restera donc, à l’Assemblée nationale un pilier de la majorité. Les jeunes macronistes enfin ont la part belle : plus jeunes, la trentaine, tous « marcheurs » de la première heure, ils prennent, secrétaires d’État ou ministres délégués, leur place dans le gouvernement Édouard Philippe II, qui est aussi, largement, on s’en doute, celui d’Emmanuel Macron. Équilibre politique solide, donc, et parité presque parfaite entre hommes et femmes : pour la première fois dans une équipe ministérielle, les femmes sont plus nombreuses que les hommes. Et pas à n’importe quel poste : l’une est ministre des Armées, l’autre ministre de la Justice, toutes deux donc à des postes dits régaliens, qui échoient rarement aux représentantes du deuxième sexe. Ainsi se termine le feuilleton politique de ces dernières quarante-huit heures, riches en rebondissements après l’exfiltration de Richard Ferrand lundi, le jet d’éponge de Sylvie Goulard mardi, suivi hier de l’abandon du président et de la vice-présidente du MoDem. Quarante huit heures pendant lesquelles le climat politique, après, pourtant, la victoire électorale dimanche des candidats d’En marche !, s’était dégradé à vive allure, où le spectre des affaires refaisait surface, avec cette impression lourde que la classe politique française n’en finirait jamais d’altérer son image et sa crédibilité. Cette mauvaise page est pour le moment, tournée. Si l’on ajoute au résumé de la journée d’hier qu’elle a vu exploser Les Républicains avec la constitution, à côté des Républicains canal historique, d’un groupe Républicains « constructifs », UDI et indépendants, on se dit que le Premier ministre pourra désormais, au-delà du groupe pléthorique d’En marche !, accroître sa majorité. Pendant que le secrétaire général de l’Élysée annonçait la composition du gouvernement, Emmanuel Macron accueillait ostensiblement devant photographes et cameramen, le président de la République de Colombie. Façon de montrer que, en apparence au moins, c’est au Premier ministre, et à lui seul, de mettre ses mains dans le cambouis.