L’instrument optique high-tech conçu à Nice
Les chercheurs niçois ont travaillé dix ans sur cet instrument révolutionnaire qui décuple la puissance de quatre télescopes. Aujourd’hui, les tests sont achevés et Matisse prêt à partir pour le Chili !
Imaginez une table optique XXL. Une sorte de mécano géant composé d’une multitude de pièces dont 200 miroirs qui bougent, pivotent grâce à 75 moteurs miniaturisés. S’y ajoutent aussi, deux cryostats, appareils hermétiquement fermés et réfrigérés, contenant des éléments d’optiques et détecteurs à infrarouge hypersensibles n’aimant que le froid polaire : de - 230 à - 260°C ! Voilà, vous avez sous les yeux Matisse (1). L’instrument révolutionnaire mis au point par les scientifiques de l’Observatoire de Nice Côte d’Azur pour scruter les cieux. À la recherche des étoiles les plus jeunes, celles similaires à notre Soleil à son plus jeune âge, il y a de cela cinq milliards d’années, afin de comprendre l’origine de la formation des planètes rocheuses, dont fait partie la Terre. (Lire cidessous).
« Matisse marche comme nous l’avions prévu ! »
Sur ce monstre de technologie, l’équipe de Bruno Lopez, astronome, a travaillé pendant dix ans. Cinq années d’investigations instrumentales pour imaginer l’outil ; cinq autres pour concevoir les pièces sur mesure, les assembler. Tout cela en laboratoire, dans un sous-sol d’un des bâtiments de recherche de l’Observatoire. Une pièce propre où l’on y entre comme dans un bloc opératoire : combinaison, surchaussures et charlotte en papier... Pour éviter l’intrusion de poussières. Aujourd’hui, les principaux tests sont terminés. « Et ça marche comme nous l’avions prévu, pointent Bruno Lopez, responsable scientifique et Pierre Antonelli, chef de projet. Toutes les commandes répondent et les performances attendues validées. Reste à mener les derniers tests pour pousser l’instrument au maximum de ses capacités afin de gagner en résultats et connaissances scientifiques. »
De la baie des Anges au désert de l’Atacama
Une fois ces ultimes essais terminés, Matisse changera de propriétaire pour passer entre les mains de l’ESO (agence européenne de l’astronomie). Sonnera, alors, l’heure du départ. Car Matisse quittera la baie des Anges pour le désert chilien de l’Atacama, là ou le ciel est le plus pur. Pour emménager dans un laboratoire creusé dans le mont Paranal, sur lequel, sont installés depuis 1990, les quatre télescopes du « Very Large Telescope ». C’est à ces « yeux » gigantesques que sera couplé Matisse pour observer les confins de l’univers. Avant de rejoindre le désert de l’Atacama, sa destination finale, Matisse devra d’abord être mis en caisses. Pour cela, l’équipe de Bruno Lopez devra démonter ce mécano géant et le remonter làbas. Soit un très long et minutieux jeu de patience que cet astronome niçois compare « à la grande révision des Boeing 747 ». « Cette opération nécessite 30 000 heures de travail pour démonter les réacteurs, contrôler la voilure, la carlingue, tester l’électronique, les commandes, explique-t-il. Pour la réalisation et les tests de Matisse, c’est sept fois plus ! Soit 210 000 heures de travail. »
Départ le octobre
Dès la mi-septembre, débutera le grand démontage. Car tout devra être prêt, emballé pour le 12 octobre, date de départ de ce long voyage vers le désert de l’Atacama. À l’Observatoire, les préparatifs ont déjà débuté. Mais avant de tout plier, Bruno Lopez entend ouvrir les portes de son laboratoire. Pour expliquer ce qu’on y fait, attirer les étudiants dans la recherche fondamentale et appliquée, source de créativité et de progrès. « La conception d’un instrument d’optique tel que Matisse ne se présente qu’une à deux fois dans la carrière d’un scientifique. Cela mérite d’être partagé. » D’autant que cette prouesse technologique et scientifique est signée par une équipe de chercheurs Niçois. Champagne !
1. Matisse pour Multi AperTure Interferometric and SpectroScopic Experiment.