Migrants : des actes illégaux filmés en caméra cachée ?
Dans sa vidéo, tournée clandestinement à la gare, Cédric Herrou montre ce qu’il dit être une reconduction illégale de mineurs isolés et un « centre de rétention » également illégal. Décryptage
On a décidé ça un jour en réunion : on va prouver qu’il y a reconduction illégale de mineurs isolés de France en Italie. On ne pensait pas prouver qu’il y avait cet endroit de rétention dans la gare de Garavan. Ce n’est pas un cas isolé. Cette histoire-là, on peut la faire tous les jours dans tous les trains. C’est ce qui est grave »... C’est un nouveau coup – médiatique – de Cédric Herrou, le paysan de la Roya, symbole de la défense des migrants. Sur une vidéo de 12 minutes, postée sur Youtube, cette figure – controversée – de la cause des réfugiés affirme démontrer que des reconductions illégales de mineurs isolés se déroulent à la frontière italienne.
« Mais ils sont libres de sortir ?»
La scène se passe vers 9 h 40 en gare de Garavan, le 30 juin. On y voit, et entend, un CRS demander sa nationalité à un jeune noir installé dans un wagon. Il dit être tchadien. Mineur. Sa petite soeur l’accompagne. Presque blasé, le CRS les fait gentiment descendre sur le quai et, avec deux autres fillettes, ils sont conduits par la police au premier étage de la petite gare mentonnaise. Ils seront les seuls contrôlés. Le caméraman du collectif Roya Solidaire interroge les CRS, qui répondent : « On les amène à la police de l’air et des frontières, on va les conduire là où l’autorité judiciaire traite... ça ». « Mais, ils sont libres de sortir ou pas? », demande encore le journaliste. «Non, rétorque, un peu gêné, l’un des CRS. Ils sont en situation irrégulière ». Sauf que, selon cette vidéo clandestine, au bout d’un peu plus d’une heure, les mineurs ne passeront pas par la case PAF. Ils seront remis dans le train. Retour en Italie... Ont-ils été avertis qu’ils pouvaient déposer une demande de droit d’asile ? Non, a priori, selon les images montrées par le collectif de la Roya.
Des enfants « retenus » ?
Et pour l’agriculteur militant c’est une violation de la convention internationale relative aux droits de l’enfant. Tout mineur isolé devrait être pris en charge par l’État, même en situation irrégulière en France. On ne peut pas le renvoyer, comme ça en Italie. Cédric Herrou dénonce également « un centre de rétention illégal », puisque, selon lui, les enfants sont « retenus » au premier étage de la gare. Puis, le trentenaire engagé s’insurge sur le fait que ces mineurs repartent sans aucun titre de transport. Alors, qu’en est-il réellement ? Cette vidéo est-elle une preuve que la France enfreint la loi à la frontière italienne ? Y a-t-il atteinte manifeste aux droits de ces mineurs isolés ? La préfecture des Alpes-Maritimes n’a pas souhaité faire de commentaires. La direction de la PAF non plus. Mais, pour l’un de ses policiers, qui s’exprime sous couvert d’anonymat, cette vidéo est de «lapropagande à 100% ».
« Refus d’entrée »
« La reconduction de personnes en situation irrégulière se distingue du refus d’entrée. C’est une procédure administrative légale autorisée dans le cadre de l’état d’urgence. Il s’agit de dire à une personne qui vient à l’instant de franchir la frontière sans droit ou justificatif qu’on la reconduit de suite là d’où elle vient. Le refus d’entrée est possible en cas d’absence de documents d’identité, une absence de visa, etc.». Pour lui, donc, rien d’illégal. Quant à la « salle de rétention » dénoncée par le Collectif Roya solidaire, il estime, là encore, que tout s’est fait dans un cadre légal. « Dans cette vidéo, c’est le lieu où l’on maintient une personne le temps du contrôle d’identité. Ce n’est pas une privation de liberté au sens juridique. C’est une procédure administrative. Nous devons pouvoir effectuer ce contrôle correctement. La personne n’est pas libre de circuler en France alors qu’elle est soumise actuellement à un contrôle mais elle est libre de rentrer en Italie », justifie-t-il. Enfin, sur l’absence de billet, là encore le policier assure que tout est légal. « Le transporteur est responsable de reconduire à ses propres frais les personnes non-admises à la frontière. La SNCF n’a pas obligation à faire “gratuit” le déplacement des demandeurs d’asile, mais elle doit supporter le coût de retour des personnes non-admises à la frontière. C’est de sa responsabilité » .