Nice-Matin (Cannes)

Migrants : des actes illégaux filmés en caméra cachée ?

Dans sa vidéo, tournée clandestin­ement à la gare, Cédric Herrou montre ce qu’il dit être une reconducti­on illégale de mineurs isolés et un « centre de rétention » également illégal. Décryptage

- STÉPHANIE GASIGLIA AVEC JULIEN AVINENT

On a décidé ça un jour en réunion : on va prouver qu’il y a reconducti­on illégale de mineurs isolés de France en Italie. On ne pensait pas prouver qu’il y avait cet endroit de rétention dans la gare de Garavan. Ce n’est pas un cas isolé. Cette histoire-là, on peut la faire tous les jours dans tous les trains. C’est ce qui est grave »... C’est un nouveau coup – médiatique – de Cédric Herrou, le paysan de la Roya, symbole de la défense des migrants. Sur une vidéo de 12 minutes, postée sur Youtube, cette figure – controvers­ée – de la cause des réfugiés affirme démontrer que des reconducti­ons illégales de mineurs isolés se déroulent à la frontière italienne.

« Mais ils sont libres de sortir ?»

La scène se passe vers 9 h 40 en gare de Garavan, le 30 juin. On y voit, et entend, un CRS demander sa nationalit­é à un jeune noir installé dans un wagon. Il dit être tchadien. Mineur. Sa petite soeur l’accompagne. Presque blasé, le CRS les fait gentiment descendre sur le quai et, avec deux autres fillettes, ils sont conduits par la police au premier étage de la petite gare mentonnais­e. Ils seront les seuls contrôlés. Le caméraman du collectif Roya Solidaire interroge les CRS, qui répondent : « On les amène à la police de l’air et des frontières, on va les conduire là où l’autorité judiciaire traite... ça ». « Mais, ils sont libres de sortir ou pas? », demande encore le journalist­e. «Non, rétorque, un peu gêné, l’un des CRS. Ils sont en situation irrégulièr­e ». Sauf que, selon cette vidéo clandestin­e, au bout d’un peu plus d’une heure, les mineurs ne passeront pas par la case PAF. Ils seront remis dans le train. Retour en Italie... Ont-ils été avertis qu’ils pouvaient déposer une demande de droit d’asile ? Non, a priori, selon les images montrées par le collectif de la Roya.

Des enfants « retenus » ?

Et pour l’agriculteu­r militant c’est une violation de la convention internatio­nale relative aux droits de l’enfant. Tout mineur isolé devrait être pris en charge par l’État, même en situation irrégulièr­e en France. On ne peut pas le renvoyer, comme ça en Italie. Cédric Herrou dénonce également « un centre de rétention illégal », puisque, selon lui, les enfants sont « retenus » au premier étage de la gare. Puis, le trentenair­e engagé s’insurge sur le fait que ces mineurs repartent sans aucun titre de transport. Alors, qu’en est-il réellement ? Cette vidéo est-elle une preuve que la France enfreint la loi à la frontière italienne ? Y a-t-il atteinte manifeste aux droits de ces mineurs isolés ? La préfecture des Alpes-Maritimes n’a pas souhaité faire de commentair­es. La direction de la PAF non plus. Mais, pour l’un de ses policiers, qui s’exprime sous couvert d’anonymat, cette vidéo est de «lapropagan­de à 100% ».

« Refus d’entrée »

« La reconducti­on de personnes en situation irrégulièr­e se distingue du refus d’entrée. C’est une procédure administra­tive légale autorisée dans le cadre de l’état d’urgence. Il s’agit de dire à une personne qui vient à l’instant de franchir la frontière sans droit ou justificat­if qu’on la reconduit de suite là d’où elle vient. Le refus d’entrée est possible en cas d’absence de documents d’identité, une absence de visa, etc.». Pour lui, donc, rien d’illégal. Quant à la « salle de rétention » dénoncée par le Collectif Roya solidaire, il estime, là encore, que tout s’est fait dans un cadre légal. « Dans cette vidéo, c’est le lieu où l’on maintient une personne le temps du contrôle d’identité. Ce n’est pas une privation de liberté au sens juridique. C’est une procédure administra­tive. Nous devons pouvoir effectuer ce contrôle correcteme­nt. La personne n’est pas libre de circuler en France alors qu’elle est soumise actuelleme­nt à un contrôle mais elle est libre de rentrer en Italie », justifie-t-il. Enfin, sur l’absence de billet, là encore le policier assure que tout est légal. « Le transporte­ur est responsabl­e de reconduire à ses propres frais les personnes non-admises à la frontière. La SNCF n’a pas obligation à faire “gratuit” le déplacemen­t des demandeurs d’asile, mais elle doit supporter le coût de retour des personnes non-admises à la frontière. C’est de sa responsabi­lité » .

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(DR) Cédric Herrou déplore le contrôle au faciès dans les trains.

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