« Beaucoup ont l’impression de ne pas vivre leur vie »
Pr Michel Benoit, responsable de la psychiatrie adulte au CHU de Nice
Où en est le suivi des victimes ?
L’accompagnement des victimes psychiques s’est fait en plusieurs phases. La première a été gérée par les CUMP (cellules d’urgence médico-psychologique), puis les consultations se sont poursuivies auprès de psychiatres et psychologues, à Pasteur et Sainte-Marie (et Lenval pour les enfants et adolescents). En tout, plus de adultes en ont bénéficié. Même si le nombre décroît avec le temps, nous recevons aujourd’hui encore de nouveaux patients.
De quels symptômes souffrentils principalement ?
De réviviscence, hypervigilance, évitement - certains ont encore du mal à retourner sur la Prom’ ou dans des lieux de grand rassemblement... On observe une difficulté à renouer avec des relations sociales normales, des modifications du caractère et de l’humeur. Avec le temps, ces symptômes tendent à s’atténuer. Mais quand ils durent plusieurs mois, la dépression peut gagner un quart des victimes de stress post-traumatique.
Que peut faire la médecine ?
On ne peut garantir de résultat. Mais la prise en charge régulière permet de renouer avec un équilibre, “de retrouver leur vie”. Car beaucoup ont l’impression de ne pas vivre leur vie. L’objectif, ce n’est pas de restituer leur état antérieur mais de les aider à regarder de l’avant. Le processus de résilience tient à cela.
La méthode Brunet, importée du Québec et expérimentée à Paris après le Bataclan, donne-telle des résultats ici aussi ?
Une quinzaine de personnes a été traitée selon cette procédure, qui aide à “détoxifier” la mémoire. La plupart présentent une nette amélioration, certaines sont même entrées en rémission. D’autres techniques ont été mises en oeuvre : les techniques cognitivo-comportementales, l’Eye movement desensitization & reprocessing, l’hypnose... Quelle que soit la technique, elle doit être personnalisée, très volontariste et empathique.
Consulter reste une nécessité ?
Toutes les personnes venues consulter en ont exprimé un réconfort. Il faut démystifier, déstigmatiser ces troubles de l’esprit et de l’humeur. Ne pas mettre un couvercle sur cette souffrance, mais lui donner un nom, pour s’en débarrasser. Si cet événement doit avoir une vertu, c’est de renforcer le souci de l’autre, l’esprit d’équipe. Car une société, c’est une grande équipe.