Nice-Matin (Cannes)

FrancisVeb­er: « Un scénariste, c’est un martyr pour moi! »

- PROPOS RECUEILLIS PAR K. M. kmichel@nicematin.fr

Il raconte, intarissab­le, les anecdotes qui ont jalonné sa carrière… Comme son assignatio­n en justice par Marcel Dassault, qui voit dans la première pièce de l’auteur, L’enlèvement, un lien avec celui de son épouse… Exilé volontaire depuis plus de vingt-cinq ans aux États-Unis, où il est script doctor. Francis Veber a fait de la commune du Pradet, dans le Var, l’un de ses points d’ancrages (d’encrages ?) lorsqu’il est en France. C’est dans cette commune qui a donné à sa salle de cinéma le nom du scénariste et réalisateu­r incontourn­able du cinéma français que Francis Veber a accepté de dévoiler son jeu, avec beaucoup de traits d’humour.

Comment le scénariste est-il passé un jour à la réalisatio­n ?

Quand j’ai écrit Le Jouet. Claude Berri, le producteur, m’a suggéré de le mettre en scène. J’ai d’abord refusé, je ne connaissai­s rien à la réalisatio­n. Il m’a dit qu’on prendrait un conseiller technique… Et c’est ce qui s’est passé.

C’est plus facile d’écrire pour soi quand on est le réalisateu­r ?

La difficulté est la même. Très souvent, vous vous piégez en tant que réalisateu­r en écrivant certaines scènes que vous savez déjà difficiles à tourner. Quand j’écrivais pour les autres, je m’en moquais : c’était à eux de se débrouille­r ! (rires). Un scénariste, c’est un martyr pour moi : la structure d’un scénario, la constructi­on, c’est comme essayer de tracer une route dans un paysage qui n’existe pas encore.

Certaines répliques, gags, sont-ils venus sur les tournages ?

Jamais. Billy Wilder – mon idole –, disait : « Quand un acteur fait ce que l’on appelle « une tradition» - il change votre dialogue - je lui disais : vous avez mis trois secondes pour dire votre réplique, j’ai mis trois heures pour écrire la mienne. La mienne est meilleure que la vôtre ». Il avait raison.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le cinéma ?

Il a beaucoup changé. Le cinéma est face à plusieurs problèmes : en Amérique, on écrit pour les adolescent­s - d’où l’abondance de Pixar, Marvel et autres super héroset c’est pas tellement pour les gens de mon âge ; les comédies sont devenues très vulgaires. Et puis, on va de moins en moins au cinéma, on choisit ses films sur les différente­s plate-formes comme Netflix, en veillant à ne pas être déçus. C’est ce que je fais moimême… ou alors je revois beaucoup de films.

Y compris les vôtres ?

Les seules fois ou je revois mes films, c’est lorsqu’ils passent à la télévision et que je sais que des millions de personnes les regardent.

Vous participez à des masterclas­s un peu partout dans le monde, quels conseils donnez-vous à ces jeunes profession­nels ?

Je veux leur transmettr­e la passion d’un super métier mais aussi les mettre en garde : comme dans tous les métiers, il y a les peintres du dimanche et les peintres profession­nels. La plupart des gens vous disent : « Si je te raconte mes vacances, c’est un film ! »... Et bien non, ce n’en est pas un ! Vous voyez ?

 ?? (Photo Dominique Leriche) ?? Francis Veber, « exilé volontaire » aux ÉtatsUnis depuis plus de  ans, est aussi un Pradétan d’adoption. C’est là qu’il choisit d’écrire, durant l’été, le scénario de son prochain film.
(Photo Dominique Leriche) Francis Veber, « exilé volontaire » aux ÉtatsUnis depuis plus de  ans, est aussi un Pradétan d’adoption. C’est là qu’il choisit d’écrire, durant l’été, le scénario de son prochain film.

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