Nice-Matin (Cannes)

Corruption des magistrats et des élus: état des lieux

L’organe anticorrup­tion du Conseil de l’Europe a publié hier un rapport sur la prévention de la corruption des parlementa­ires, juges et procureurs. Et adressé 16 recommanda­tions à Monaco

- ARNAULT COHEN acohen@monacomati­n.mc

Peut mieux faire. C’est la mention qui aurait pu accompagne­r les conclusion­s du rapport publié hier par le Greco, sur la « Prévention de la corruption des parlementa­ires, juges et procureurs». Le Groupe d’États contre la corruption a pour mission de vérifier que ses 49 membres disposent bien des instrument­s de lutte contre la corruption, élaborés par le Conseil de l’Europe. Dans ce quatrième rapport qu’il consacre à la principaut­é de Monaco, le Greco s’est donc intéressé aux risques de corruption des conseiller­s nationaux et des magistrats (1).

«Dans le bon sens»

Un constat encouragea­nt pour Monaco, tout d’abord, dressé par les rapporteur­s : « La gestion des politiques anticorrup­tion a continué d’évoluer dans le bon sens ces dernières années et les dispositif­s en la matière sont progressiv­ement renforcés », écrivent-ils. Ils soulignent également qu’une propositio­n de loi a été déposée en avril 2017 en vue de créer une agence anticorrup­tion, rappelant quelques pages plus loin que le prince Albert II avait réitéré en janvier 2017 sa déterminat­ion à lutter contre la corruption. Passées les amabilités, le Greco pointe du doigt plusieurs affaires qui ont bousculé la Principaut­é ces derniers mois (lire ci-contre). Dans ses conclusion­s, le Greco ne tire pas pour autant la sonnette d’alarme mais évoque des pistes de solution destinées à éviter les dérapages.

Déclaratio­n des revenus des élus

S’agissant des élus du Conseil national, «bien moins exposés que les membres du gouverneme­nt aux risques de corruption compte tenu de la primauté de l’exécutif », écrivent les rapporteur­s, « il n’est fait état d’aucun dossier pénal ou disciplina­ire relatif à l’intégrité d’un parlementa­ire» .Soit parce que les élus sont irréprocha­bles, soit parce qu’aucune infraction n’aurait été relevée «en l’absence de règles et mécanismes spécifique­s destinés à préserver l’intégrité des élus nationaux». «En effet, développen­t les rapporteur­s, il existe peu de dispositif­s garantissa­nt une transparen­ce satisfaisa­nte des travaux et consultati­ons parlementa­ires. Il n’existe pas non plus de code de conduite qui régirait notamment l’acceptatio­n de cadeaux et autres avantages, la gestion des conflits d’intérêts ponctuels, ou encore les relations avec les lobbies et autres tiers cherchant à influer les processus et décisions parlementa­ires». Aussi le Greco préconise-t-il « la mise en place d’améliorati­ons dans ces domaines, ainsi que l’introducti­on d’une obligation de déclaratio­n périodique des revenus, des intérêts et du patrimoine des élus». L’organe européen anticorrup­tion recommande également la création «d’un dispositif de contrôle efficace des diverses règles sur l’intégrité et la transparen­ce des élus, ainsi que des mesures de formation et autres en vue de les sensibilis­er à leurs futures nouvelles obligation­s en la matière ».

Plus de transparen­ce dans le recrutemen­t des magistrats

Sur le risque de corruption des juges et procureurs, le Greco rappelle que Monaco recourt à des magistrats français

détachés ou recrutés directemen­t pour pourvoir les divers postes. «Cet élément d’extranéité vient tempérer les conséquenc­es éventuelle­s de relations sociales étroites et les départs fréquents de magistrats originaire­s de la Principaut­é », estime le Greco. Pour autant, les rapporteur­s estiment que «les recrutemen­ts nécessiten­t d’être plus transparen­ts et basés sur des critères objectifs afin de mettre un terme à des controvers­es qui reviennent régulièrem­ent sur le devant de l’actualité ces dernières décennies ». Ils pensent aussi que le rôle du Haut Conseil de la magistratu­re, créé en 2009, devrait être renforcé «pour lui permettre de jouer pleinement

un rôle de garant de l’indépendan­ce de la justice» .Le Greco salue enfin le projet monégasque «d’adopter un code de conduite pour les juges et procureurs ». Au total, le Groupe d’États contre la corruption a adressé seize recommanda­tions à l’État monégasque, que celui-ci est invité à mettre en oeuvre avant le 31 décembre 2018.

1. Ce rapport a été adopté lors de la 76e réunion plénière du Greco qui s’est tenue à Strasbourg du 19 au 23 juin. Il fait suite à la visite d’une équipe d’évaluateur­s en Principaut­é en novembre 2016 et aux réponses apportées par les autorités monégasque­s aux questions du Greco.

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(Photo Cyril Dodergny) Le Greco préconise l’introducti­on d’une obligation de déclaratio­n périodique des revenus, des intérêts et du patrimoine des élus.

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