Drôle de couple
« Trump ? Même si Macron “ne désespère jamais de convaincre”, autant essayer de persuader un zèbre de renoncer à ses rayures. »
Le premier réflexe, avouons-le, est de s’écrier « Not in my name!». Non, la présence de Donald Trump sur les ChampsÉlysées, en ce -Juillet, ne nous réjouit pas. Pas même lorsqu’elle prend pour prétexte la célébration du centième anniversaire de l’entrée en guerre des États-Unis en , au nom d’une certaine idée de la « mission » de l’Amérique dont l’actuel hôte de la Maison-Blanche est à peu près l’exacte antithèse. Bien sûr, on peut toujours argumenter que ce n’est pas l’homme Trump mais le président des États-Unis qu’Emmanuel Macron a convié à notre Fête nationale. Mais voilà : il se trouve justement que le e président des États-Unis se nomme Donald Trump. Un homme imprévisible et provocateur, sans culture historique ni géopolitique, aux décisions erratiques, et qui, par son isolationnisme arrogant, son chauvinisme bas du front, son refus d’assumer les devoirs et responsabilités de son pays dans la coopération internationale en général et la lutte contre le dérèglement climatique en particulier, tourne le dos au meilleur de l’universalisme américain. Au surplus un président impopulaire, décrédibilisé par
ses foucades
et ses imprécations twittosphériques contre la justiceetla presse, empêtré dans le scandale à rebondissements du « RussiaGate ». Bref, un homme avec lequel il est difficile d’entonner en choeur le rituel refrain des « valeurs communes ». Alors pourquoi ? Eh bien, si l’on comprend bien les motivations du Président français, peut-être justement pour toutes ces raisons-là. « Macron achète du Trump à la baisse, en misant sur le fait que les États-Unis restent de toute façon incontournable s », note un expert des relations internationales. L’idée est de «ramener Trump dans le cercle ». Pas tant dans l’espoir de le convaincre d’abjurer sa religion du «America first » et de se convertir en écologiste éclairé doublé d’un apôtre du multilatéralisme. Même si Macron « ne désespère jamais de convaincre », autant essayer de persuader un zèbre de renoncer à ses rayures. Mais ayant d’entrée de jeu marqué son territoire dans un duel de mâles alpha qui a frappé les esprits et ravi l’Amérique antiTrump (la fameuse poignée de mains de Bruxelles, suivie d’une adresse directe à l’opinion et aux chercheurs américains par-dessus la tête de leur président), Emmanuel Macron peut, aujourd’hui, se permettre de faire baisser la pression. Le pari ? Profiter de l’isolement croissant de l’Amérique sur la scène mondiale pour remettre la France au centre du jeu. Car la diplomatie, comme la nature, a horreur du vide. Le désamour des Européens envers l’Amérique de Trump, dont la relation avec Angela Merkel est exécrable, le coup de froid entre Washington et Moscou, la méfiance de la Chine envers une administration US peuplée de protectionnistes et d’antichinois phobiques, tout cela crée un espace politique dont la France peut tirer avantage. Pour peser dans le règlement du dossier ukrainien et les négociations sur de l’avenir de la Syrie, où elle est s’est trouvée marginalisée par le jeu des supergrands et des puissances régionales. Et pour avancer sur les grands sujets d’intérêt commun, au premier rang desquels la lutte contre le terrorisme. Paris voudrait en particulier que Washington accepte de contribuer au financement de la coalition antidjihadiste au Sahel. Tout cela vaut bien quelques amabilités. Il paraît même qu’entre l’ex-banquier-philosophe adepte du « en même temps » et l’ancien promoteur brut de décoffrage, « l’alchimie personnelle fonctionne bien ». Allez savoir…