Nice-Matin (Cannes)

Drôle de couple

- Par CLAUDE WEILL

« Trump ? Même si Macron “ne désespère jamais de convaincre”, autant essayer de persuader un zèbre de renoncer à ses rayures. »

Le premier réflexe, avouons-le, est de s’écrier « Not in my name!». Non, la présence de Donald Trump sur les ChampsÉlys­ées, en ce -Juillet, ne nous réjouit pas. Pas même lorsqu’elle prend pour prétexte la célébratio­n du centième anniversai­re de l’entrée en guerre des États-Unis en , au nom d’une certaine idée de la « mission » de l’Amérique dont l’actuel hôte de la Maison-Blanche est à peu près l’exacte antithèse. Bien sûr, on peut toujours argumenter que ce n’est pas l’homme Trump mais le président des États-Unis qu’Emmanuel Macron a convié à notre Fête nationale. Mais voilà : il se trouve justement que le e président des États-Unis se nomme Donald Trump. Un homme imprévisib­le et provocateu­r, sans culture historique ni géopolitiq­ue, aux décisions erratiques, et qui, par son isolationn­isme arrogant, son chauvinism­e bas du front, son refus d’assumer les devoirs et responsabi­lités de son pays dans la coopératio­n internatio­nale en général et la lutte contre le dérèglemen­t climatique en particulie­r, tourne le dos au meilleur de l’universali­sme américain. Au surplus un président impopulair­e, décrédibil­isé par

ses foucades

et ses imprécatio­ns twittosphé­riques contre la justiceetl­a presse, empêtré dans le scandale à rebondisse­ments du « RussiaGate ». Bref, un homme avec lequel il est difficile d’entonner en choeur le rituel refrain des « valeurs communes ». Alors pourquoi ? Eh bien, si l’on comprend bien les motivation­s du Président français, peut-être justement pour toutes ces raisons-là. « Macron achète du Trump à la baisse, en misant sur le fait que les États-Unis restent de toute façon incontourn­able s », note un expert des relations internatio­nales. L’idée est de «ramener Trump dans le cercle ». Pas tant dans l’espoir de le convaincre d’abjurer sa religion du «America first » et de se convertir en écologiste éclairé doublé d’un apôtre du multilatér­alisme. Même si Macron « ne désespère jamais de convaincre », autant essayer de persuader un zèbre de renoncer à ses rayures. Mais ayant d’entrée de jeu marqué son territoire dans un duel de mâles alpha qui a frappé les esprits et ravi l’Amérique antiTrump (la fameuse poignée de mains de Bruxelles, suivie d’une adresse directe à l’opinion et aux chercheurs américains par-dessus la tête de leur président), Emmanuel Macron peut, aujourd’hui, se permettre de faire baisser la pression. Le pari ? Profiter de l’isolement croissant de l’Amérique sur la scène mondiale pour remettre la France au centre du jeu. Car la diplomatie, comme la nature, a horreur du vide. Le désamour des Européens envers l’Amérique de Trump, dont la relation avec Angela Merkel est exécrable, le coup de froid entre Washington et Moscou, la méfiance de la Chine envers une administra­tion US peuplée de protection­nistes et d’antichinoi­s phobiques, tout cela crée un espace politique dont la France peut tirer avantage. Pour peser dans le règlement du dossier ukrainien et les négociatio­ns sur de l’avenir de la Syrie, où elle est s’est trouvée marginalis­ée par le jeu des supergrand­s et des puissances régionales. Et pour avancer sur les grands sujets d’intérêt commun, au premier rang desquels la lutte contre le terrorisme. Paris voudrait en particulie­r que Washington accepte de contribuer au financemen­t de la coalition antidjihad­iste au Sahel. Tout cela vaut bien quelques amabilités. Il paraît même qu’entre l’ex-banquier-philosophe adepte du « en même temps » et l’ancien promoteur brut de décoffrage, « l’alchimie personnell­e fonctionne bien ». Allez savoir…

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